Imágenes de páginas
PDF
EPUB

1535.

Rem. Hist.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

senta un jour devant le Roi un livre à la main; le Roi ayant demandé ce que c'étoit que ce livre, « Ce sont « les œuvres de Saint Irénée, lui dit le cardinal; j'étois tombé sur un endroit où ce père rapporte que << S. Jean, étant entré dans un bain public et y voyant l'hérétique Cérinthe, sortit sur le champ, ne vou<< lant pas rester dans un lieu souillé par la présence de cet impie; et vous, Sire, vous appelez l'hérétique Mé<«< lanchthon au sein de vos états, vous ne craignez point « le venin de l'erreur qu'il distille avec tant d'art, vous << vous sentez apparemment plus éclairé, mieux armé Florim. de « contre la séduction que l'apôtre chéri de Dieu. » J'ide l'Ilér. gnore quel effet cette déclamation fit sur l'esprit du Roi. Florimond de Remond prétend qu'elle fit révoquer les passeports et manquer le voyage. Quoi qu'il en soit, il est certain que le Roi se rendit aux remontrances des évêques et aux plaintes des théologiens, et que, dans le même temps où Mélanchthon étoit retenu en Allemagne par les refus de l'électeur de Saxe, il cessoit d'être attiré en France par les invitations du Roi. Les édits contre les protestans continuèrent d'être exécutés, et il ne fut plus parlé du voyage. Gependant Tyndale avoit vu entrer Mélanchthon dans Paris, escorté de cent cinquante chevaux; il l'avoit vu à la cour, il lui avoit parlé; il mandoit lui-même ces détails en Angleterre.

855.

P.

Toute nouveauté étoit suspecte alors, surtout à la Sorbonne. Le cardinal de Quignonès avoit fait avec l'agrément du Pape un changement nécessaire dans le bréviaire Romain, il avoit retranché quelques légendes apocryphes et fait une distribution plus heureuse des Bayle, art. psaumes; l'université de Paris se souleva contre ce Mélancht. nouveau bréviaire que le Pape avoit approuvé; elle

voulut en faire arrêter la vente par le parlement, qui Bayle, art. eut la sagesse de ne rien prononcer sur cela.

La même année 1535 vit paroîre l'Institution chrétienne de Calvin. Ce fameux chef du second parti de la réforme va désormais occuper la scène, et ici finit l'histoire particulière du lutheranisme en France. Les persécutions qui avoient donné quelque force à cette secte vont se tourner contre Calvin et ses disciples, et rendre calviniste la moitié du royaume.

Mélanchth.

Du Boulai, ris, t. 6, pag. 254, 330. D'Argentr. Coll. Jud. de

Hist. de Par

nov.

t. 2.

error.

E

CHAPITRE V.

Du calvinisme.

Le lutheranisme, étranger à la France, y avoit été porté avec le zuinglianisme par les prédicans que Luther et Zuingle y avoient envoyés; le calvinisme est né en France. Jean Cauvin, dit Calvin (1), naquit à Noyon le 10 juillet 1509. Gérard Cauvin, son père, fut d'abord tonnelier à Pont-l'Évêque, ensuite procureur fiscal de l'évêque de Noyon; Jeanne Le Franc sa mère étoit fille d'un cabaretier de Cambrai. Destiné par ses parens à l'état ecclésiastique, Calvin eut à douze ans une 21 mai 1521. chapelle dans la cathédrale de Noyon, à seize ans la cure bre 1529. de Marteville, qu'il permuta deux ans après pour celle 5 juil. 1529. de Pont-l'Évêque qu'il garda près de cinq ans. Deux fois curé, il ne fut jamais prêtre ; ce désordre, ce rela

(1) Son nom Cauvin traduit en latin fit Calvinus, et retraduit en françois, fit Calvin.

27 septem

chement scandaleux dans la discipline, doit être compté parmi les abus qui décréditoient alors l'église Romaine et qui favorisèrent la réforme. Pendant qu'il étoit curé à Marteville ou à Pont-l'Évêque, il faisoit à Paris ses humanités au collège de La Marche et sa philosophie au collège de Montaigu; il apprenoit les lois à Orléans sous Pierre de l'Étoile (1), et à Bourges sous le célèbre Alciat. Dans la même université de Bourges, Melchior Wolmar, Allemand, lui enseignoit le grec, et lui inspiroit les principes du lutheranisme; le Roi avoit donné à la reine de Navarre sa sœur l'usufruit du Berry, et c'étoit elle qui remplissoit l'université de Bourges de ces hommes illustres ; mais, selon son usage, elle s'informoit plus de leur mérite que de leur foi. Calvin n'eut jamais d'autre maître de théologie que son parent Robert Olivétan, et que le grammairien Wolmar. Instruit par leurs leçons, il couroit les répandre de village en village, et le seigneur de Linières, qui prenoit plaisir à l'entendre, disoit : Du moins celui-ci nous dit quelque chose de nouveau. A vingt-un ou vingt-deux ans, Calvin donna une consultation en faveur du divorce d'Henri VIII, mais il voulut détourner ce prince du projet d'un second

mariage, et il se déclara hautement contre la supré 4 mai 1534. matie. Il vendit sa cure et sa chapelle, et vint dogma tiser à Paris; l'affaire du recteur Cop l'obligea d'en sortir. C'étoit le temps des plus fortes persécutions contre les protestans. Sur le bruit que fit le sermon prêché aux Mathurins le jour de la Toussaint 1533, le lieutenant criminel Morin alla au collège de Fortet pour arrêter Calvin, qui y demeuroit, et qui se sauva promptement

(1) Depuis président au parlement,

à Angoulême, comme Nicolas Cop à Bâle (1). La reine de Navarre, qui connoissoit Calvin et qui estimoit ses talens, apaisa ce premier orage. Calvin séduisit pour un temps Louis Du Tillet, chanoine de la cathédrale d'Angoulême, frère du greffier en chef et de l'évêque de Meaux; il erra ensuite de ville en ville, soit dans le royaume, soit hors du royaume, laissant partout des traces de son passage. Poitiers, dit-on, et Nérac l'accueillirent et l'écoutèrent. A Bourges, où il avoit reçu et donné ses premières leçons, les augustins Marlorat et de l'Epine, le jacobin Jean de Bosco, surtout le bénédictin Jean Michel, prêchoient publiquement en son nom; ce dernier prêchant un jour dans une paroisse de Bourges qui porte le nom singulier de Notre-Dame du Four Chaud, le peuple, qu'il traînoit en foule à ses sermons, chassa, pour l'entendre à une heure commode, les prêtres qui venoient célébrer l'office. Jean Michel supprima la salutation angélique qu'on récite à la fin de l'exorde, il y substitua l'oraison dominicale en François selon le nouvel usage des protestans. Bonnin, procureur-général du grand conseil, qui se trouvoit à ce sermon, voulut s'opposer à cette innovation et réciter tout haut l'ave Maria; toutes les chaises furent levées sur lui à l'instant, il eut de la peine à se sauver. Le dominicain inquisiteur Mathieu Ory voulut informer de ce scandale, l'official Guillaume de la Porte prétendit que c'étoit son droit ; pendant qu'ils disputoient sur leur juridiction, Jean Michel prêchoit, il portoit à Sancerre les semences de la nouvelle doctrine, pour laquelle cette ville opiniâtre et malheureuse souffrit,

(1) Voir le chapitre précédent,

quarante ans après, de si cruelles extrémités (1). Erasme, Histoire dit-on, prévit ces maux. Calvin jeune encore lui ayant de l'Hérésie. été présenté par Bucer, à Bâle selon Florimond de du Calvin. Remond, à Strasbourg selon le P. Maimbourg, Erasme,

Histoire

liv. 1.

après s'être entretenu avec lui sur les principaux points> de sa doctrine, s'écria: Je vois une grande peste s'élever dans l'Eglise contre l'Eglise (2). Jean Michel prêcha tant qu'enfin le parlement l'envoya au supplice; Calvin, qui, se croyant oublié du lieutenant criminel Morin, avoit osé revenir à Paris, se hâta d'en sortir, y voyant les bûchers dressés contre les sectateurs de Luther et contre les siens; il retrouva la même rigueur dans tout le royaume, il quitta ce royaume, et alla chercher un asyle à Ferrare, auprès de la duchesse Renée femme d'Her cule d'Est, fille de Louis XII. Cette princesse haïssoit la mémoire de Jules II, qui avoit persécuté son père, et elle n'aimoit guère les successeurs de Jules. Elle avoit puisé à la cour de François I son beau-frère le goût des lettres, qui entraînoit au moins l'indulgence pour les opinions nouvelles; elle avoit écouté les luthériens, elle écouta Calvin, elle s'attacha Marot, elle attira les savans, elle recueillit les hérétiques exilés, elle avoit la philosophie (3) et la bienfaisance de la

[ocr errors]

(1) Siège de Sancerre en 1573. La famine fut horrible dans la place. «On y mangea, dit Mézerai, les bêtes les plus immondes, «<les herbes dont les bêtes même ne mangent point, les cuirs, « les parchemins; et, pour tout dire, on y surprit un père et une « mère mangeant leur propre fille, qui était morte de faim. Mézę<< rai, Abrégé chronolog. année 1573. »

(2) Ce fait, peu important d'ailleurs, n'est pas trop avéré. Voy. Bayle, art. Calvin, et M. de Burigny, vie d'Erasme, t. 1. p. 454. p. 383 et 384.

t. 2.

(3) Elle savoit des mathématiques, de l'astronomie, elle avoit des notions de la philosophie de son temps et vouloit en avoir de la théologie,

« AnteriorContinuar »