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<«< nous sommes cachés à vos yeux; quand vous avez «<pu nous découvrir, vous nous avez persécutés, << nous n'en avons que mieux ressemblé aux premiers «< chrétiens, et vous à leurs, bourreaux. Nous protes<«< tons aujourd'hui plus que jamais sous d'autres noms «< contre votre idolâtrie et votre tyrannie, et parce « que nous vous rappelons à la pureté de l'Evangile, << vous nous appelez novateurs, comme si vous aviez «< pu prescrire contre l'Evangile, comme s'il y'avoit << d'autre nouveauté que d'abandonner cette loi

<<< sainte. >>

Les vaudois ne se contentoient pas d'une origine fixée au temps de Constantin; ils imaginèrent une tradition qui remontoit jusqu'à l'an 120 de l'ère chrétienne, époque où l'Eglise étoit une, parce qu'elle étoit pure. Depuis ce temps leurs prédécesseurs n'avoient cessé de s'opposer aux abus qui dès lors commençoient à se glisser dans l'Eglise, et eux seuls étoient restés entièrement purs. Ainsi les protestans remontoient par les vaudois jusqu'au commencement du second siècle, et là, ils se confondoient avec la primitive Eglise.

Mais un souffle du savant Bossuet renverse tous ces châteaux de cartes. Il fait voir aux protestans :

1°. Que les vaudois n'ont rien de commun avec les albigeois; que les albigeois ou pétro-brusiens, ou henriciens, ou toulousains, ou bulgares, ou cathares, ou poplicains, ou pathariens, car ils ont eu tous ces noms, sont de vrais manichéens; il demande aux protestans s'ils veulent l'être, et si le manichéisme est cette chaîne de vérités prolongée jusqu'à eux.

Il leur montre 2o. que la secte des vaudois ou

insabbatés, ou pauvres de Lyon, ne remonte qu'à l'au 1160. Or, que gagneroient les protestans à remonter jusque là? Il resteroit toujours cette embarrassante question: Où étoit l'Eglise avant 1160?

3. M. Bossuet fait voir aux protestans des différences si énormes entre leur doctrine et celle des vaudois, qu'il n'est pas possible de rapporter les uns et les autres à la même Eglise.

Il leur enlève de même les wicléfites, qui d'ailleurs ne sont que du quatorzième siècle, les hussites, soit taborites, soit calixtins, qui ne sont que du quinzième, et les frères de Bohême, nés de ceux-ci, en 1457 seulement, de sorte qu'il les réduit à leur origine connue du seizième siècle.

A la vanité des systèmes et à la folie des fables, la réforme ajouta le ridicule des prédictions. Luther avoit prédit la chute de l'empire papal; mais, comme il lui plaisoit de rejeter l'Apocalypse, il s'aidoit, comme il pouvoit, de Daniel et de Saint-Paul. Les calvinistes, admettant l'Apocalypse (1), se trouvoient bien plus au large pour prédire. Joseph Mède en Angleterre, Jurieu en France, se mirent à interpréter ce livre, et l'avenir devint plus clair que le passé. C'étoit en 1685 et 1686, temps de la révocation de l'édit de Nantes, que Jurieu prophétisoit; il falloit consoler ses frères et les encouApocal. 11, rager par l'espérance d'une prompte délivrance. Ju

12, 13.

(1) Si l'on en croit Bodin (Méth. histor. cap. 7 pag. M. 416.), Calvin ne faisoit pas grand cas de l'Apocalypse; il prétendoit qu'on n'en connoissoit pas l'auteur, et il avouoit ingénument qu'il ne l'entendoit pas. C'étoit alors un mérite si rare de ne point commenter l'Apocalypse, que Scaliger (in Scaligeranis, pag. M. 41.) loue expressément Calvin de cette modération.

rieu trouva dans l'Apocalypse que la persécution de l'antechrist devoit durer douze cent soixante jours. Les jours sont des années, comme on sait, et l'antechrist étoit le pape sans aucune difficulté. Mais il y avoit des papes depuis plus de douze cent soizante ans; tous n'avoient point été des antechrists; il falloit donc marquer l'époque où avoit commencé l'idolâtrie papale. On trouva précisément dans Daniel que l'ante- Dan. 11, 38. christ devoit adorer le dieu Maozin; Maozin, c'est la messe : voilà qui est lumineux. Mais, selon les réformés, Rome n'avoit adoré l'eucharistie tout au plutôt qu'au onzième siècle, et c'étoit pour cela que Bérenger s'étoit séparé d'une église devenue idolâtre; cette époque étoit bien récente. Si l'antichristianisme commençoit si tard, il finiroit bien tard aussi, il restoit bien des jours de tribulation; il fallut donc faire commencer l'idolâtrie à quelque autre rite de l'église Romaine, par exemple, au culte des saints. Ce culte, selon les catholiques, étoit aussi ancien que l'Eglise, mais les protestans ne l'entendoient pas ainsi, et c'étoit l'affaire d'un système que d'en fixer l'époque. On parut d'abord vouloir s'arrêter à l'an 500, car bien d'autres caractères de la béte, qu'on avoit encore trouvés dans l'Apocalypse, convenoient assez à cette époque; mais elle étoit sujette à deux difficultés. 1o. Luther et Calvin avoient appelé Saint Grégoire le dernier évêque de Rome; après lui ce n'étoient que papes et antechrists, mais Saint Grégoire et tout ce qui précède est pur : or le pontificat de Saint Grégoire ne commence qu'en 599 et ne finit qu'en 604. Passe pour cette difficulté, on en auroit été quitte pour sacrifier Saint Grégoire et tous ses prédécesseurs en remontant jusqu'à l'an 500.

Mais, 2° voici une difficulté contraire et beaucoup plus grande, la persécution n'eût fini qu'en 1760. Cela est encore trop long; il faut remonter plus haut, faire main-basse sur les plus saints évêques de Rome, en disant seulement que c'étoient des antechrists commencés, afin de ménager un peu le jugement de Luther et de Calvin.

On fit encore quelques fautes, parce qu'on vouloit être conséquent; on trouvoit des raisons de remonter jusqu'à 393, même jusqu'à 360. Mais voici un inconvénient horrible. On étoit en 1685, la persécution devoit être finie, et cette année 1685 étoit une époque mémorable de persécution. L'année 430 plut beaucoup d'abord, la persécution eût fini en 1690. Il ne falloit plus qu'un peu de patience; mais aussi le terme étoit bien proche. C'étoit le compte des fidèles, ce n'étoit pas celui du prophète, il avoit sa gloire prophétique à ménager. Il recula sensément la fin des maux de l'Eglise; et, choisissant l'époque de 450 ou 455, il fixa irrévocablement la fin de la persécution antichrétienne à l'an 1710 ou 1715, plus ou moins; car, dit-il, Dieu, dans ses prophéties, n'y regarde pas de si près; et après tout Jurieu ne voulut pas marquer le Hist. des jour précis de la mort de Louis XIV. M. Bossuet a Variat. 1. 13. daigné réfuter tout cela presque sérieusement.

Ce furent les calvinistes qui firent tous ces efforts, soit pour se donner une succession légitime dans l'Eglise, soit pour ériger en système l'anti christianisme papal et en fixer la durée et la fin. Pour Luther, il n'avoit prédit que vaguement et pour la forme; sans entrer dans ces discussions et ces calculs, il s'en tenoit' au principe qu'il avoit posé de ne reconnoître pour

juge de la doctrine que l'Evangile et lui. D'ailleurs il laissoit soutenir et soutenoit quelquefois lui-même par caprice la visibilité perpétuelle de l'Eglise. On a pu voir dans ce chapitre et dans tout le cours de cette histoire, que Luther avoit jeté au hasard tous les principes de la réforme, mais sans en avouer toutes les conséquences, soit qu'il ne les vît pas, soit que, par une sorte de réserve, il ne voulût pas les admettre formellement. Calvin n'inventa rien, il reprit seulement ces principes, il en développa les conséquences, et, quelque dures qu'elles fussent, il osa les avouer quand le principe lui convenoit, car il en a modifié quelques-uns, et en a rejeté d'autres.

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CHAPITRE VII.

Expédition de Cabrières et de Mérindol.

C'EST ici le plus horrible monument de persécution qui ait souillé le règne de François I; on assure qu'il en eut des remords, qu'il le déclara en mourant, il dut en avoir sans doute. Egorger son peuple, innocent ou coupable, est un malheur ou un crime qui doit empoisonner la vie et troubler la mort. Voyons comment ce roi clément fut poussé à une telle barbarie, et apprenons à craindre le faux zèle.

Ces vaudois, dont nous avons parlé dans le chapitre précédent, étoient une secte formée en 1160 par un marchand de Lyon, nommé Pierre Valdo, qui leur donna son nom. Cet homme étant dans une assemblée de riches marchands, un d'entre eux mourut subite

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