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1515.

Le 5 février 1517.

rite ni des cœurs pour l'aimer, et malheureusement les faits ne déposent pas toujours assez contre ce préjugé. Ces idées de désordre, grossies par l'imagination emflammée du peuple, devenues excessives dans sa bouche, mais formant un cri public, revenoient frapper le parlement avec plus de force; il crut que l'honneur exigeoit une résistance opiniâtre.

Cependant le Roi, qui s'étoit déterminé des raipar sons d'état, et qui croyoit que tout devoit y céder, arrive au parlement, où il avoit mandé, outre les officiers ordinaires, un grand nombre de prélats, de chanoines de Notre-Dame, de docteurs en théologie et de suppôts de l'université. Il leur fait expliquer ses intentions par son chancelier, il leur rend compte en père et en ami des raisons qu'il avoit de souscrire au concordat; il leur rappelle les emportemens de Jules II contre Louis XII, le royaume mis en interdit et donné à partager à l'Empereur, aux Suisses, aux rois d'Espagne et d'Angleterre ; Léon X marchant sur les mêmes traces, fermant aux François l'entrée du Milanès, traversant tous leurs succès; le concile de Latran prêt à condamner la France par contumace et à prononcer la cassation de la pragmatique sans aucun dédommagement; les réserves, les grâces expectatives, toutes les anciennes usurpations de la cour de Rome, qui avoient été réprimées par les conciles de Constance et et de Bâle, prêtes à renaître sous l'autorité du concile de Latran. Le concordat étoit le seul remède à tant de maux. Le Roi en ordonnoit donc l'enregistrement, et pour le bien de son royaume et pour l'acquit de la parole qu'il avoit donnée au Pape. Les prélats, chanoines, docteurs, et membres de l'université, délibé

rèrent ensemble; le parlement délibéra aussi à part avec la prudente lenteur qui convient aux affaires 1517.

délicates.

Le vœu de l'université et du clergé fut que celle-ci, intéressant toute l'église Gallicane, ne pouvoit être décidée que par l'église Gallicane, assemblée en concile national. Cette réponse irrita d'autant plus le Roi, qu'elle lui fut portée par le cardinal de Boisy, auquel le concordat venoit de procurer le chapeau. Vous ne pouvez, lui dit-il, en le regardant avec indignation, oh ! je vous le ferai bien pouvoir, ou je vous envoyerai tous à Rome dire vos raisons au Pape.

Le président Baillet, député par le parlement, se contenta de dire qu'on feroit rapport à la cour de l'affaire en question, et qu'on se conduiroit de sorte que Dieu et le Roi en seroient contens. Le chancelier dit : les gens de la cour l'entendent bien, propos équivoque, est-il d'approbation ou de blâme? le Roi répliqua : Oh! pour ceux-ci, je le leur ferai bien faire.

ser,

Le concordat et l'acte d'abrogation de la pragmatique avoient été remis aux gens du Roi. Ceux-ci, après un très-mûr examen, firent le 5 juin, au parlement, en présence du chancelier, qui étoit venu pour les presun simple rapport provisoire; ils annoncèrent des inconvéniens, demandèrent qu'on nommât des commissaires; on pouvoit les nommer sur le champ on ne les nomma que le lendemain six; le 15, ils demandèrent des adjoints, attendu l'importance de la matière. Enfin le 22, l'avocat-général Le Lièvre donna ses conclusions; et, au lieu de requérir l'enregistrement, il osa se déclarer appelant du concordat, et inviter le parlement à maintenir la pragmatique. Le parle

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ment se garda bien de prononcer encore; le Roi, en1517: nuyé de cette lenteur, reprit les concordats des mains de l'avocat-général, et les fit porter le 24 juin au parlement par le chancelier, accompagné du connétable de Bourbon et du seigneur d'Albret d'Orval; le chancelier répéta au parlement ce qu'il lui avoit déjà dit le 5 février et le 5 juin, que le Roi vouloit absolument tenir parole au Pape. Le parlement ordonna que le concordat et l'acte (1) d'abrogation de la pragmatique seroient de nouveau communiqués au parquet; le chancelier les reprit au parquet, et les rapporta le lendemain au parlement, qui en ordonna encore la communication au parquet (2). Le Roi s'en indigna; et, le 26, le bâtard de Savoye, son oncle (3), porta au parlement une lettre dans laquelle le Roi reprochoit à la compagnie ces formalités qu'il regardoit comme un badinage trop peu respectueux, et lui ordonnoit de procéder à l'enregistrement, sur l'heure, toute affaire cessante, et en présence du bâtard de Savoye. Le premier président Olivier excusa, comme il put, sa compagnie sur ce long retardement; il allégua un

(1) Ces deux actes, quoique relatifs au même objet, sont trèsdifférens l'un de l'autre. L'acte de révocation de la pragmatique, n'avoit point été concerté avec les ministres du Roi, et il étoit si contraire aux libertés de l'église Gallicane, que le Roi, malgré les instances du Pape, ne crut devoir insister pour qu'il fût enregistré; ainsi la pragmatique n'est censée révoquée que par le concordat, qui n'en parle point, mais qui en tient lieu. (2) Ces détails et ceux qui vont suivre sont tirés d'un manuscrit de la bibliothèque du Roi. Mss. de M. A. Faur, coté 8470, 2.

pas

(3) René, légitimé de Savoye, comte de Villars, de Tende, etc. fils naturel de Philippe, duc de Savoye, et de Bonne de Romagne. La duchesse d'Angoulême étoit sa sœur,

procès entre le roi de Navarre et le maréchal de Lautrec, renvoyé par le Roi lui-même à la décision du par lement, et dont on n'avoit pas cru devoir interrompre l'examen. A l'égard de l'assistance du bâtard de Savoye, il dit que c'étoit une chose bien nouvelle ; en effet, le bâtard de Savoye n'avoit d'autre titre pour prendre séance au parlement que la volonté du Roi; il n'étoit point du corps du parlement, il n'avoit pas serment en la cour. Le bâtard répliqua modestement: « Je n'ai point cherché cette commission ; je sens tout ce qu'elle << a de désagréable; je voudrois servir le parlement, << et non l'affliger. » Il eut ensuite l'attention de se retirer pour laisser la compagnie prendre un parti en

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liberté.

Il sembloit que le moment de se déclarer étoit venu, et qu'il n'y avoit plus moyen de reculer. Au contraire, l'occasion de temporiser étoit plus favorable que ja mais. Le Roi se plaignoit des lenteurs passées, il falloit justifier le parlement; cette démarche avoit un air de soumission qui ne pouvoit déplaire, quoiqu'elle cachât une résistance nouvelle. Le Roi étoit absent, il alloit visiter la côte de Picardie, il falloit lui envoyer une députation; le voyage, le séjour, le retour, le rapport, les nouveaux incidens qui pourroient naître, feroient toujours gagner du temps; on envoie donc le président de la Haye et le conseiller Dorigny pour représenter au Roi que le parlement n'avoit pu mettre moins de temps à s'instruire d'une affaire de cette importance; que l'assistance du bâtard de Savoye aux délibérations seroit irrégulière, injuste, fatale à la liberté des suffrages, injurieuse au parlement, peu honorable au Roi lui-même ; qu'il ne falloit point avilir,

1517.

par la contrainte, des magistrats que leurs lumières 1517. et leur intrégrité avoient souvent fait choisir pour ar

Concord.

bitres par des princes étrangers.

Le Roi étoit au village de Nempont près de Montreuil, quand les députés arrivèrent; il les reçut bien, parce qu'ils s'étoient adressés à sa mère, et que le grandmaître les lui présentoit de sa part; il agréa leurs excuses sur le délai, et rejeta leurs raisons contre l'asMss. cité. sistance du bâtard de Savoye. « Je sais, leur dit-il en Dupuy histoire de la «propres termes, qu'il y a dans mon parlement des Pragm.et des « gens de bien et des gens sages, mais je sais aussi « qu'il y a des fous turbulens et téméraires ; je les connois, « je suis instruit des discours qu'ils osent tenir sur ma con«< duite. Je suis roi aussi bien que mes prédécesseurs ; je «< veux être obéi comme eux ; vous me vantez sans cesse << Louis XII et son amour pour la justice, sachez que << la justice m'est aussi chère qu'à lui; mais ce roi si « juste a quelquefois chassé du royaume des rebelles, «< quoiqu'ils fussent membres du parlement; ne m'obli<< gez point à l'imiter dans sa rigueur. Si l'on me ré«< siste davantage, j'envoyerai les réfractaires à Bor«<deaux, à Toulouse, et plus loin peut-être ; j'ai de plus honnêtes gens qu'eux tout prêts à les remplacer. « Je veux que mon oncle assiste à toute la délibération, «< qu'il me rende compte de chaque opinion, je vous «< connois déjà, je veux vous connoître encore mieux. »

Id. Ibid.

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Les députés voulurent dire un mot contre l'assistance du bâtard de Savoye aux délibérations, le Roi les interrompit, en répétant plusieurs fois: Il y sera, il y

sera.

Les députés, attentifs à se ménager de nouveaux délais, demandèrent au Roi s'il ne seroit pas disposé à

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