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(Livre 7, Chapitre 4, pages 222 et suivantes.)

ON

SUPPLICE DES HÉRÉTIQUES SOUS FRANÇOIS I.

N ne peut trop le redire, point de justice, point de véritable religion sans humanité; mais il faut l'avouer, ce beau mot d'humanité, on l'a trop souvent profané; des hérétiques, des incrédules, des intolérans ont prêché la tolérance quand ils en ont eu besoin, et ce nom, qui n'exprime pourtant qu'une foible partie de la charité, est devenu suspect à une religion dont la charité est l'essence. Il faut que l'intolérance soit bien naturelle aux hommes, puisqu'ils l'ont fait entrer dans une religion qui n'est que douceur et qu'amour. Ils ont fait plus, ils l'ont fait entrer dans l'incrédulité même, et l'indifférence est devenue une source de haine et de persécution. Les uns ont voulu forcer de croire, les autres voudroient forcer de ne pas croire, tous détestent l'oppression, et tous sont prêts à opprimer.

A travers ces combats de l'orgueil, qu'on nomme disputes de religion, tandis que les zélés accusent les tolérans d'indifférence, que les tolérans accusent les zélés de tyrannie, et que par ces imputations téméraires on se précipite quelquefois de part et d'autre dans les excès dont on s'accuse réciproquement, ne peut-il s'élever une voix pure et chrétienne en faveur de l'humanité ? Il s'en est élevé plus d'une, ou plutôt il ne s'en élevoit qu'une dans les premiers temps; l'Eglise a su puiser à la fois dans le christianisme même les principes d'une tolérance nécessaire et d'une sévérité légitime les ministres de la religion doivent sans doute conserver le dépôt de la foi dans toute sa pureté, ils doivent, sans aucun respect humain, proscrire l'erreur, extirper l'hérésie, tenter les voies de rigueur après avoir épuisé toutes les voies de charité, lancer les foudres de l'Eglise sur le rebelle opiniâtre, le retrancher de cette Eglise dont il se sépare, et lui refuser les secours spirituels dont il se rend indigne. Le souverain doit faire respecter les jugemens de l'Eglise; en assurer l'exécution, toutes les fois qu'ils n'ont rien de contraire aux lois de l'état et que le spirituel n'envahit point le temporel. Quand l'erreur est comdamnée par l'Eglise, quand la condamnation est publique et autorisée par le souverain, il ne peut plus y avoir de séduits que ceux qui veulent l'être, et qui avoient déjà la révolte et l'hérésie dans le cœur. Les ames simples et droites, en voyant d'un côté l'Eglise et le souverain, de l'autre quelques hérétiques, ne seront point embarrassées sur le choix.

Mais voici en substance ce qu'ajoutent des écrivains savans, humains et chrétiens, à la tête desquels on peut

Fleury, second Disc.

sur l'Histoire

4c discours,

Boss. Hist.

mettre, après les pères, Sulpice Sévère et M. l'abbé Fleury : le supplice des hérétiques non séditieux ne peut que troubler et effrayer la foi. La violence, la barbarie ne sont point des caractères de vérité; dans l'Eglise naissante, les chrétiens étoient victimes, jamais bourreaux ; pourquoi ont-ils changé de rôles? Il est si Ecc. art. 9, grand de souffrir pour la foi, qu'on ne conçoit pas art. 14. que la vraie religion ait pu céder à l'erreur cette noble des Variat. prérogative, et qu'après avoir fourni tant de vrais liv. 1. martyrs, elle ait consenti d'en faire de faux. Est-ce à Fleury, la terreur à former des chrétiens? Est-ce par le glaive art. 14. que l'Eglise doit acquérir des enfans? Que la violence soit à jamais le partage de l'erreur. Luther, Calvin, Théodore de Bèze, les principaux chefs de la réforme disoient : Jésus-Christ est venu pour jeter le glaive au de France, milieu du monde. « Aveugles, s'écrie M, Bossuet, 309, 310. « qui ne voyoient pas ou qui ne vouloient quel glaive Jésus-Christ 'avoit jeté, et quel sang il volut. d'An« avoit fait répandre ! Il est vrai que les loups, au 186. << milieu desquels il envoyoit ses disciples, devoient M. de Thou, répandre le sang de ses brebis innocentes, mais

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pas voir

second Disc,

Tertullian.

ad Scapul. Lactant. liv. 5, c. 20.

Velly, Hist.

t. 2, p. 308,

D'Orléans, Hist. des Ré.

glet. t. 3, p.

passim.

Variat.liv.1.

<< avoit-il dit que ses brebis cesseroient d'être brebis Hist. des << et répandroient à leur tour le sang des loups? « L'épée des persécuteurs a été tirée contre ses fidèles, « mais ses fidèles tiroient-ils l'épée ? »

Il est vrai que le même M. Bossuet attribue aux princes chrétiens le droit d'employer le glaive contre leurs sujets, ennemis de l'Eglise ; il est vrai qu'il prétend que ce droit leur est accordé par les protestans même, et ne leur est contesté que par les anabaptistes et les sociniens; le droit est certain, mais, ajoute-t-il (et puissent tous les souverains faire la plus grande at

Ann. 1017.

et suiv.

riat. liv. 11.

tention à ce mot), mais la modération n'en est pas moins nécessaire.

En effet, à ne consulter que l'intérêt même de la foi, comment, d'après la connoissance du cœur humain et d'après l'expérience, ne craint-on pas que la compassion et cet enthousiasme de respect et de tendresse qu'inspire le malheur soutenu avec courage, ne multiplient les prosélytes dans le parti opprimé?

On sait quelle fut la rigueur du roi Robert envers Hist. des Va- les manichéens; il les faisoit condamner au feu et assistoit, à leur supplice (1). M. Bossuet avoue que c'est le premier exemple d'une semblable condamnation. Cet exemple étoit vraisemblablement mauvais, puisque l'église catholique s'étoit abstenue pendant dix siècles

Quatrième siècle de l'E

glise.

de le donner.

On sait, dit M. Bossuet, qui sembleroit vouloir excuser cette rigueur qu'il ne sauroit approuver, on sait que les lois Romaines comdamnoient à mort les manichéens.

Mais les lois Romaines ne pouvoient-elles pas avoir tort, et toutes les lois sont-elles également bonnes? Le saint roi Robert, ajoute-t-il, les jugea dignes du feu.

Le roi Robert ne peut-il pas s'être trompé? Peuton s'en rapporter aveuglément aux lumières du siècle

(1) Du nombre de ces malheureux fut le confesseur de la reine Constance, princesse qui partageoit le pieux fanatisme de son mari; elle voulut voir son confesseur au moment où il alloit au supplice, elle disputa contre lui, et, le trouvant inflexible, elle entra dans un tel accès de colère, qu'elle lui creva un œil, et il n'en fut pas moins brûlé, quoique cet œil crevé eût dû lui être compté pour quelque chose. Glaber. Helgaud. Mézerai.

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