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d'hui plus de sujets de plainte contre les juges séculiers, qu'ils n'en avoient alors contre lui. L'Eglise se plaint qu'il ne peut plus lui rester de juridiction, que par la modération du parlement dans l'exercice de l'appel comme d'abus (1). Il y a lieu de penser que l'administration des sacremens, que la juridiction spirituelle seroit restée au clergé plus pleine et plus entière, si cette extension abusive et dangereuse du spirituel au temporel n'eût été originairement son ouvrage.

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On demande tous les jours une barrière qui sépare les deux puissances: la barrière est toute posée par la nature même des choses. Tout ce qui concerne uniquement la religion et la vie future, tout ce dont on n'a besoin que comme chrétien et comme orthodoxe, forme la juridiction spirituelle; tout ce qui concerne les avantages humains et temporels, tout ce dont on a besoin comme homme et comme citoyen, appartient sans partage à l'autorité séculière; les bornes sont sensibles, et chaque puissance pourroit y être contenue, si les choses spirituelles n'entraînoient jamais d'effet civil. Il a bien fallu, à cause des conséquences, ôter à l'excommunication tout effet civil à l'égard des sou

quelques seigneurs, déposèrent, en 835, Louis le Débonnaire, dans l'assemblée de Compiègne.

(1) Joinville rapporté que les évêques de France prièrent S. Louis de faire contraindre par les juges laïcs tous les excommuniés à se faire absoudre dans l'an et jour de leur comdamnation; le Roi y consentit, à condition que les juges laïcs examineroient la justice de la sentence d'excommunication. Les évêques refusèrent de soumettre ainsi leur juridiction aux tribunaux séculiers, et l'affaire en resta là, ce sage roi n'ayant voulu ni que la juridiction spirituelle pût avoir des effets civils, ni qu'elle fût sacrifiée à la juridiction temporelle, C'étoit ce juste milieu qu'il s'agissoit de saisir.

verains, pourquoi n'en pas user de même à l'égard des sujets? rois, peuples, tout n'est-il pas égal, quand il s'agit d'une loi ecclésiastique?

Mais ce mur de séparation élevé entre l'ordre spirituel et l'ordre temporel, entre l'excommunication et les effets civils, n'amèneroit-il pas l'indifférence sur la foi et la tolérance des religions?

Je répons: 1°. Que la conséquence n'est nullement nécessaire, et que le souverain pourroit, par des raisons ou religieuses ou politiques, défendre, dans ses états, l'exercice de toute autre religion que de la sienne, sans que l'excommunication eût des effets civils, sans que ses sujets interdissent le feu et l'eau à ceux qui ne pensent pas comme eux.

2o. Je distingue, comme on a toujours fait, la tolérance ecclésiastique et la tolérance civile. La tolérance ecclésiastique, indépendamment du danger par rapport à la doctrine, paroît répugner à la nature des choses. Je ne puis pas me dire en communion de foi, avec un homme dont la foi est différente de la mienne, mais je puis l'aimer, le secourir, traiter avec lui.

Quant à la tolérance civile, c'est à ceux qui gouverment à combiner sur ce point les intérêts de l'humanité, les intérêts de l'état avec ceux de la religion, qui ne peuvent y être contraires; nous n'entrons point dans cette question délicate, sur laquelle tout est dit de part et d'autre depuis long-temps.

Mais le peuple est accoutumé à l'influence du spirituel sur le temporel et aux effets civils de l'excommunication. Comment veut-on qu'il apprenne à distinguer des objets qu'il a toujours vu confondre?

Son intérêt le lui apprend tous les jours. Il le force

de traiter avec des gens de tout pays et de toute religion. Jetez les yeux sur une ville commerçante, et jugez si le peuple a tant de peine à perdre de vue les effets civils de l'excommunication.

D'ailleurs revenons toujours à la nature des choses. Le sentiment naturel que l'erreur inspire, c'est la pitié; il est certain que pour passer de là jusqu'à l'aversion, jusqu'à l'horreur, il a fallu forcer la nature. C'est l'ouvrage de l'éducation, et non de la raison. Or, si l'éducation a bien pu faire cette violence à la raison et à la nature, combien lui sera-t-il plus aisé de ramener les esprits a l'ord e naturel? Le peuple à la vérité ne fera point ces distinctions, ne rapportera point chaque objet à son principe propre, mais on lui inspirera insensiblement, au lieu de la colère qui hait et qui persécute, la pitié qui plaint et qui to'ère. On sait que les principes de l'éducation peuvent être dictés par le gouvernement, que le temps les tourne ensuite en habitude, et les fait passer dans les lois et dans les mœurs.

Ces réflexions trouveront plus d'une fois leur application dans l'histoire ecclésiastique du règne de François I.

L'INDULT

CHAPITRE II.

De l'indult.

'INDULT, dont jouissent, depuis François I, les chanceliers de France et le parlement de Paris, doit sa naissance aux mandats apostoliques, aussi bien que l'expectative des gradués; ces deux établissemens ont survécu aux abus qui les avoient fait naître; le temps

me siècles de

l'Eglise.

Luc. Placit.

I. n. 14.

a emporté l'erreur, la raison seule est restée. Il étoit juste que les bénéfices fussent le prix de la science et des travaux utiles.

Treizième Vers la fin du treizième siècle ou le commencement et quatorziè- du quatorzième, les papes accordèrent des mandats à des officiers du parlement sur la recommandation de cette compagnie, ou sur celle du Roi. La naissance de ce privilège remonte au moins au temps de la fixation du parlement à Paris, et alors la forme en étoit Curia, Lib. à peu près la même que celle de l'expectative des gra4. Tit. 12. Arrêts de dués avant le concile de Bâle; c'est-à-dire que le parTournet, Let. lement envoyoit à Rome, ainsi que l'université, des Joly, des rôles de recommandation ou de nomination, auxau liv. 1. tit. quels les papes avoient ordinairement égard. On en connoît un de l'an 1303, présenté par le parlement, sin, Discipl. et le premier que l'on connoisse de l'université est de de l'Egl. p.4 1343. Ainsi l'indult paroît antérieur à l'expectative des gradués. Au commencement du quinzième siècle (1), l'indult étoit d'un usage commun; Boniface IX, Cochet de Jean XXIII, Martin V, multiplient ces expectatives Traité de l'In- en faveur du parlement, à proportion du besoin qu'ils dult, chap. 1. croient avoir de ce corps. Jusque là, ce n'étoient que

Offices, Ad.

19.

P.Thomas

L. 2. c. 16. 1303.

Quinzième

siècle.

Saint Vallier,

des réserves particulières, mais Eugène IV, menacé par le concile de Bâle, voulut se rendre le parlement favorable, afin, dit Pasquier (2), qu'il ne s'opposát plus si souvent aux annates et autres pernicieuses coutumes

(1) On en trouve une grande quantité de 1409, 1412, 1414, etc; on peut voir sur tout cela le commentaire de Dupuy sur l'art. 69 des Libertés de l'église Gallicane; D'Héricourt, Lois Ecclésiastiques, seconde partie, ch. 9, et le Traité de l'Indult de M. le président Cochet de S. Vallier.

(2) Recherches de la France, liv. 2, c. 4. Le parlement étoit alors à Poitiers, ou Charles VII l'avoit transféré pendant l'anarchie Angloise.

Seizième

que le Pape levoit sur le clergé. Il rendit cette expecta-
tive générale et perpétuelle (1), et lui donna une préfé-
rence marquée sur les autres expectatives; ses bulles
cependant restèrent sans exécution, peut-être parce
que le concile de Bâle et la pragmatique avoient proscrit
indistinctement toute espèce de réserves: mais sous
le règne de François I, le parlement, voyant les papes siècle
beaucoup mieux traités par le concordat, voyant les
annates et d'autres réserves rétablies en leur faveur,
imagina qu'il pouvoit tirer quelque avantage de ce
mal. Vers l'an 1538, un conseiller (2) nommé Spifame,
ayant feuilleté avec soin les registres du parlement,
trouva tant de traces de l'exercice du droit d'indult,
que le parlement, sur son rapport, y fit une attention
particulière; cette compagnie sentit qu'elle s'étoit

(1) Bulles d'Eugène IV, du 24 avril 1451, du 18 mars 1434 et du24 avril 1437.

(2) Jacques Paul Spifame. La destinée de cet homme fut singu lière. D'abord conseiller au parlement, puis président aux enquêtes, maître des requêtes et conseiller d'état, il remplit une autre carrière dans l'Eglise; il fut chanoine de Paris, chancelier de l'université, après en avoir été recteur ; abbé de S. Paul sur Vanne, diocèse de Sens, grand vicaire de Rheims, sous le cardinal Charles de Lorraine, et enfin évêque de Nevers. Il quitta depuis sa religion et son évêché pour une femme, et alla chercher un asyle à genève où Calvin le fit ministre. Toujours utile à tous les corps où il fut admis et à tous les partis qu'il embrassa, magistrat, il assura l'indult au parlement; évêque, il se distingua dans l'Eglise et aux états assemblés à Paris en 1557; ministre protestant, il négocia en 1561, à la diète de Francfort, pour le prince de Condé, chef des protestans François, et il lui procura les secours de l'Allemagne. Il finit par avoir la tête tranchée à Genève, le 25 mars 1566, sans que la cause de sa mort, diversement rapportée par les auteurs catholiques ou protestans, soit parfaitement éclaircie. Le Laboureur, Addit. à Cas telnau, t. 2, p. 51, 52.

1538.

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