couché par terre d'un coup d'ef copette. De mon côté, dit Asmodée, je considere trois ombres remarquables que je démêle dans la fou le. Il faut que je vous aprenne de quelle façon elles ont été séparées de leur matiere. Elles animoient les jolis corps de trois Co mediennes qui faifoient autant de bruit à Madrid dans leur tems. qu'Origo, Citherio & Arbufcula, en ont fait à Rome dans le leur, & qui possedoient aussi-bien qu'elles l'Art de divertir les hommes en public & de les ruïner en particulier. Voici quelle fut la fin de ces fameuses Comediennes Ef pagnoles: l'une creva subitement d'envie au bruit des aplaudissemens du Parterre au début d'une Actrice nouvelle. L'autre trouva dans l'excés de la bonne chere l'infaillible mort qui le suit: Et la troifiéme, venant de s'échauf fer fur la Scéne à joüer le rôle d'une vestale, mourut d'une fauffe-couche derriere le Theatre. Mais laissons en repos toutes ces Ombres, poursuivit le Démon, nous les avons aflez examinées. Je veux présenter à vôtre vûë un nouveau spectacle qui doit faire fur vous une impression encore plus forte que celui-ci. Je vais, par la même puissance qui vous a fait apercevoir ces Mânes, vous rendre la mort visible. Vous allez contempler cette cruelle en. nemie du genre humain, laquelle tourne fans cesse autour des hommes fans qu'ils la voient, qui parcourt en un clin d'œil toutes les parties du monde & fait dans un même moment sentir son pouvoir aux divers peuples qui les habi. tent. Regardez du côté de l'Orient. La voilà qui s'offre à vos yeux. Une troupe nombreuse d'oiseaux de mauvaise augure vole devant elle avec la terreur, & annonce fon passage par des cris funebres. Son infatigable main est armée de la faux terrible fous laquelle tom. bent successivement toutes les générations. Sur une de ses aîles font peints la guerre, la peste, la famine, le naufrage, l'incendie, avec les autres accidens funestes qui lui fournissent à chaque in. stant une nouvelle proie. Et l'on voit sur l'autre aîle de jeunes Médecins qui se font recevoir Docteurs, en présence de la mort qui leur donne le Bonnet, aprés leur avoir fait jurer qu'ils n'exer. ceront jamais la Medecine autrement qu'on la pratique aujourd'hui. Quoi-que Don Cléofas fut persuadé qu'il n'y avoit aucune réalité dans ce qu'il voioit, & que c'étoit seulement pour lui faire plaisir que le Diable lui montroit la mort fous cette forme, il ne pouvoit la considerer fans fraieur. Il se raslura néanmoins & dit au Démon: Cette figure épouventable ne passera pas feulement pardessus la Ville de Madrid; elle y laissera sans doute des marques de fon paflage. Oüi, certainement, répondit le Boiteux ; Elle ne vient pas ici pour rien. Il ne tiendra qu'à vous d'être témoin de la besogne qu'elle va faire. Je vous prens au mot, repliqua l'Ecolier. Volons sur ses traces. Voions fur quelles familles malheureuses sa fureur tombera. Que de larmes vont couler ! Je n'en doute pas, repartit Asmodée mais il y en aura bien de commande. La mort malgré l'horreur qui l'accompagne cause autant de joie que de douleur. dans une maison bourgeoise dont le chef étoit malade à l'extrémité. Elle le toucha de sa faux & il expira au milieu de sa famille, qui forma aussi-tôt un concert touchant de plaintes & de lamentations. Il n'y a point ici de. tricherie, dit le Démon. La fem. me & les enfans de ce Bourgeois l'aimoient tendrement; d'ailleurs ils avoient besoin de lui pour subsister; leurs pleurs ne scauroient être perfides. Il n'en est pas de même de ce qui se passe dans cette autre maifon, où vous voiez la mort qui frape un vieillard alité. C'est un Conseiller qui a toûjours vécu dans le célibat, & fait très-mauvaise chere pour amasser des biens considerables qu'il laisse à trois neveux qui se sont assemblez chez lui dès qu'ils ont apris qu'il tiroit à sa fin. Ils ont fait paroître une extrême affliction, & fort bien |