du Duc me feroient chercher par toute l'Espagne, & que le crédit de ma famille ne pouvant balancer le leur, je ne serois en sûreté que dans un païs Etranger. C'est pourquoi je choisis deux de mes meilleurs chevaux, & avec tout ce que j'avois d'argent & de pierreries, je fortis de ma maison avant le jour, suivi du Valet qui m'avoit si bien prouvé sa fidelité. Je pris la route de Valence dans le defsein de me jetter dans le premier vaisseau qui feroit voile vers l'Italie. Comme je passois aujourd'hui près du bois où vous étiez, j'ai rencontré Doña Théodora qui m'a prié de la suivre & de l'aider à vous féparer. Après que le Tolédan eutachevé de parler, Don Fadrique lui dit: Seigneur Don Juan, vous vous êtes justement vengé du Duc de Naxera. Soiez fans inquiétude fur les poursuices que ses parens pour-CS ront faire. Vous demeurerez, s'il vous plaît, chez moi, en attendant l'occasion de pafler en Italie. Mononcle est Gouverneur de Valence. Vous ferez plus en fûreté ici qu'ailleurs, & vous y ferezavec un homme qui veut être uni deformais avec vous d'une étroite amitié. Zarate répondit à Mendoce dans des termes pleins de reconnoiffance, & accepta l'afile qu'il lui presentoit. Admirez la force de la sympathie, Seigneur Don Cleofas, poursuivit Afmodée, ces deux jeunes Cavaliers se sentirent tant d'inclination l'un pour l'autre, qu'en peu de jours il se forma entr'eux une amitié comparable à celle d'Oreste & de Pylade. Avec un mérite égal, ils avoient ensemble un tel raport d'humeur, que ce qui plaifoit à Don Fadrique ne manquoit pas de plaire à Don Juan. C'étoit le même caractere. Enfin, ils étoient faits pour s'aimer. Don Fadrique sur tout étoit enchanté des manieres de son ami. Il ne pouvoit même s'empêcher de les vanter à tout moment à Doña Théodora. Ils alloient souvent tous deux chez cette Dame, qui voioit toûjours avec indifference les foins & les affiduitez de Mendoce. Il en étoit très-mortifié & s'enplaignoit quelquefois à son ami, qui pour le consoler lui disoit: que les femmes les plus infenfibles se laissoient enfin toucher: Qu'il ne manquoit aux Amans que la patience d'attendre ce tems favorable: qu'il ne perdit point courage: que sa Dame tôt ou tard récompenseroit ses fervices. Ce difcours, quoique fondé fur l'expérience ne rassu roit point le timide Mendoce, qui craignoit de ne pouvoir jamais plaire à la veuve de Cifuentes. Cette crainte le jetta dans une langueur qui faisoit pitié à Don Juan, mais Don Juan fut bien-tôc plus à plaindre que lui... Quelque sujet qu'eut ce Tolé. dan d'être révolté contre les fem mes, aprés l'horrible trahifon de la sienne, il ne pût se défendre: d'aimer Doña Théodora. Ce pendant loin de s'abandonner à une paffion qui offensoit son amis. il ne fongea qu'à la combattre, & perfuadé qu'il ne la pouvoit vain cre qu'en s'éloignant des yeux quis Pavoient fait naître, il résolut de ne plus voir la veuve de Cifuen tes. Ainfi lorsque Mendoce le vou loit mener chez elle, il trouvoic toûjours, quelque prétexte pour s'en excufer. D'une autre part Don Fadrique n'alloit pas une fois chez la. Dame, qu'elle ne lui demandat pourquoi Don Juan ne la venoit plus voir. Un jour qu'elle lui fai foit.cette question, il lui répon a dit en soûriant que fon Ami avoic Je ne suis point fatisfaire de cette excuse, reprit en rougissant la veuve de Cifuentes. Il n'est pas permis aux Amans d'abandonner leurs Amis. Don Fadrique remarqua la rougeur de Doña Theodora. Il crut que la vanité seule en étoit la cause, & que ce qui faifoit rougir la Dame n'étoit qu'un fimple dépit de se voir négligée, |