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immondices, & vient fe jetter dans la mer de Syrie proche de Séleucie.

Le Roi commença par faire offrir aux principaux de la ville de l'argent & de grandes récompenfes pour l'avenir s'ils vouloient de bon gré lui en ouvrir les portes. Mais fes offres ne furent point écoutées. Les Officiers fubalternes aiant été plus traitables, Antiochus difpofa fon armée comme pour attaquer la ville du côté de la mer par une flote, & du côté de la terre par les troupes du camp. Il partagea fon armée en trois corps, & après les avoir animez à bien faire, leur avoir promis de grandes gratifications & des couronnes, tant aux Officiers qu'aux fimples foldats qui fe fignaleroient, il posta Zeuxis du côté de la porte qui conduit à Antioche; Hermogéne proche le Temple de Caftor & de Pollux; Ardye & Diognéte furent chargez de l'attaque du port & du fauxbourg, parce que , parce que la convention faite entre les Officiers fubalternes & Antiochus portoit qu'on feroit entrer ce Prince dans la ville, dès qu'il auroit emporté le fauxbourg. Le fignal donné, on attaqua de tous les côtez vigoureufement ; mais La plus vive attaque fut du côté d'Ardye & de Diognéte parce qu'aux autres côtez il falloit gravir & combattre en même tems pour aller à l'efcalade; au lieu que du côté du -port & du fauxbourg on pouvoit fans rifque porter, dreffer & appliquer les échelles. Les troupes de mer efcaladérent donc le port avec vigueur, & Ardye le fauxbourg. Comme le péril étoit égal de toutes parts, & que les affiégez ne pûrent venir au fecours d'aucun endroit, le fauxbourg fut bientôt emporté. Ceux qu'Antiochus avoit mis dans ses intérêts courent auffitôt à Léontius qui commandoit, & le preffent de dépêcher vers le Roi, & de faire la paix avec lui avant qu'il prenne la ville d'affaut. Léontius, qui ne fçavoit pas que ceux-ci euffent été corrompus, épouvanté de la fraieur où il les voioit, envoia au Roi, pour tirer de lui des affurances qu'il ne feroit fait de peine à aucun de ceux qui étoient dans la ville. Le Roi promit pleine fûreté aux perfonnes libres, & il y en avoit environ fix mille. Quand il fut entré dans la ville, non feulement il ne fit aucun tort aux libres, mais il rappella tous les exilez, permit à la ville de fe gouverner felon les loix, & rendit à chacun fes biens. Il mit auffi garnison dans le port & dans la citadelle.

Tome V.

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Conquêtes d'Antiochus dans la Cælefyrie. Expédient dont fe fervent deux Miniftres de Ptolémée pour arrêter ses progrès. Tréve entre les deux Rois.

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Endant que le Roi mettoit ordre à tout dans Séleucie, vinrent des lettres de la part de Théodore, qui le preffoit de venir dans la Coelefyrie. Le Roi ne fçavoit quel parti prendre fur ces nouvelles. Nous avons déja vû que ce Théodote étoit Etolien de nation, & qu'après avoir rendu de bons offices à Itolémée, non feulement on ne lui avoit témoigné aucune reconnoiffance, mais que fa vie même avoit été en danger. Au tems qu'Antiochus avoit la guerre contre Molon, ce Théodote ne voiant plus rien à espérer de Ptolémée, & se défiant de la Cour, après avoir pris par lui-même Ptolémaïde & Tyr par Panetole, il follicita Antiochus de faire la conquête de la Coclefyrie. Antiochus remit donc à un autre tems la vengeance qu'il vouloit tirer d'Achée, & laiffant tout autre deffein reprit avec fon armée la route qu'il avoit quittée. Il traversa la ville de Marfyes, & campa proche les détroits de Gerre fur le lac qui eft entre les détroits & la ville. Aiant appris que Nicolas, un des Généraux de Ptolémée, affiégeoit Théodote à Ptolémaïde, il laissa les pefamment armez, donna ordre aux Officiers d'affiéger Broque, château fitué fur l'entrée du lac, & fuivi des armez à la légére il alla pour faire lever le fiége de Ptolémaïde. Nicolas n'attendit pas que le Roi fut arrivé. Il fe retira & envoia Lagoras & Dorymene, P'un Candiot & l'autre Etolien, pour s'emparer des dé.roits de Béryte. Le Roi les en chassa & y mit fon camp. Là lui vint le refte de fes troupes, avec lefquelles, après les avoir exhortées de le fuivre avec courage dans fes deffeins, il fe mit en marche, & entra hardiment dans la belle carrière qui fembloit s'ouvrir devant lui. Théodote, Panetole & leurs amis. lui vinrent au-devant. Il les reçut avec toute forte de bontez, & entra dans Tyr & dans Ptolémaïde. Il y prit tout ce qu'il y avoit de munitions, entr'autres quarante vailleaux, dont vingt étoient pontez & bien équipez de tout, ils avoient au moins chacun quatre rangs de rames ; les autres étoient

à trois, à deux & à un feul rang. Tous ces vaiffeaux furent donnez à l'Amiral Diognéte.

Antiochus aiant appris là que Ptolémée s'étoit retiré à Memphis, & que toutes les troupes étoient ramaffées à Pélufe, que les éclufes du Nil étoient levées, & qu'on avoit arrêté les fources d'eau douce, il abandonna le dessein qu'il avoit d'aller à Pélufe. Il fe contenta d'aller de ville en ville, & de prendre les unes par la force, les autres par douceur. Celles qui étoient peu fortifiées se rendirent de bon gré, de peur d'être maltraitées; mais il ne put fe foumettre celles qui fe croioient bien munies & bien fituées, fans être longtems devant, & fans en faire le fiége en forme.

Après une trahifon fi manifefte, Prolémée auroit dû mettre ordre au plutôt à fes affaires; mais la pensée ne lui en vine feulement pas, tant fa lâcheté lui faifoit négliger tout ce qui regarde la guerre. Il fallut qu'Agathocles & Sofibe, qui gouvernoient tout alors, tinffent confeil ensemble pour voir ce que l'on pourroit faire dans la conjoncture préfente. Le réfultat fut que pendant qu'on fe difpoferoit à la guerre, on envoieroit des Ambaffadeurs à Antiochus pour l'amufer, en le confirmant en apparence dans l'opinion qu'il avoit de Ptolémée, que ce Prince n'auroit pas le courage de prendre les armes contre lui, qu'il auroit plutôt recours à la voie des conférences, ou qu'il le feroit prier par amis de fortir de la Cælefyrie. Nommez tous deux pour mettre ce deffein en exécution, ils dépêchérent des Ambaffadeurs à Antiochus, Ils en envoiérent auffi aux Rhodiens, aux Byfantins, aux Cizicéniens & aux Etoliens pour traiter de la paix. Pendant que ces différentes Ambaffades vont & viennent, les deux Rois eurent tout le loifir de faire leurs préparatifs de guerre. Pendant cet intervalle Agathocles & Sofibe reftoient à Memphis, & y conféroient avec les Ambaffadeurs. Ils faifoient les mêmes honnêtetez à ceux qui y venoient de la part d'Antiochus. Cependant ils appelloient & faifoient affembler à Aléxandrie (a) tous les étrangers qui étoient entretenus dans les

(a) Ils appelloient faifoient affembler tous les étrangers qui étoient entretenus dans les villes du dehors du Roiaume. ] Je crois que celui qui voudroit chercher l'origine des foldats étrangers ou mercénaires, & les premiers Rois ou Républiques qui fe fervirent de ces fortes de troupes, ne fe

roit pas peu embaraffé: car il faut remonter bien haut, & percer bien loin dans les fiécles les plus reculez: encore ne trouveroit-on que ténébres. Quels que puiffent être ceux qui s'en font les premiers fervis, ils n'étoient pas ce me femble fort fages. Un Etat qui ufe d'une telle

villes du dehors du Roiaume. On envoioit pour en lever d'au & on amaffoit des vivres tant pour les troupes que l'on avoit déja, que pour celles qui arrivoient de nouveau. Ils

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politique, ne fçauroit être de longue durée. Si nous n'y étions pas accoutumez, nous trouverions peut-être fort étrange que certaines nations fe vendiffent à d'autres pour de l'argent,& fe fiflent tuer pour vivre. Philippe le vieux, Roi de Macédoine, dont les armées n'étoient compofées que de fes propres fujets, difoit de ces fortes de foldats, qu'ils n'avoient d'autre métier pour gagner leur vie, que de porter les armes pour ceux qui leur faifoient le meilleur parti: que la guerre étoit leur paix, & la paix leur guerre, c'eft-à-dire que lorfqu'ils ne l'avoient pas dans leur païs, ils l'alloient chercher dans un autre. Il faut bien prendre garde de confondre les foldats & les Officiers auxiliaires avec les mercénaires.

Les Juifs, qui fervoient dans les armées d'Alexandre le Grand étoient devenus fes fujets, ils ne formérent pas un corps à part, ils s'enrôlérent en différentes compagnies de fes troupes ; mais les huit mille hommes que Sennacherib lui amena pendant qu'il étoit occupé au fiége de Tyr, étoient fur le pied de troupes auxiliaires, & non pas comme mercénaires, comme Grotius (a) le prétend, de même que ceux qui s'enrôloient auffi dans les légions Romaines qui fervoient en Afie, parce qu'ils étoient fujets des Romains,& l'on peut dire que ceux-ci n'emploiérent prefque point d'autres troupes dans leurs armées que leurs propres fujets fous le régne de Tibére. Je dis prefque; car, au rapport de Tacite (6), Augufte avoit confervé un corps de troupes étrangères, comme il y parut par le Journal de l'Empire, où le trouvoit l'état des armées Le nombre des foldats Romains & étrangers. Les Egyptiens eux-mêmes ne prirent que fort tard des foldats & des Officiers étrangers à leur folde. Les Grecs les appelloient étrangers foudoiez, pour les diftinguer des troupes nationales. L'ancienne milice des Rois & des Républiques de l'Afie,& des Grecs mêmes, étoit toute compofée des propres fujets des Puiflances qui étoient en guerre. Je crois que ce ne fut

(a) Grot. de jure bel. & pac. 1. 2. c. 25. (b) Tac. ann. l. I..

qu'après l'expédition de Brennus qu'on vit des foldats mercénaires en Afie, parce qu'une partie des troupes innombrables de ce Général, qui fe répandirent comme un torrent qui emporte tout, en Orient comme en Occident, où ils firent de grandes conquêtes, s'établirent dans la Thrace & fur les bords du Danube, & occupérent une partie du païs au-delà de l'Hélefpont, & comme ils multipliérent beaucoup, ils fe mettoient à la folde des Puiffances qui étoient en guerre. Je pense que les Gaulois ont été les premiers qui aient fait métier de la guerre, & vendu leur vie pour de l'argent. Les Egyptiens n'ont eu que fort tard des étrangers à leur fervice. On ne voit pas que les Médes, les Perfes & les Hebreux s'en foient fervis dans les armées. Je ne trouve que les Syriens fous le régne de David & dans le fecond Livre des Rois qui imitaflent les Gaulois de l'Afie. Cela fe voit dans la bataille de Médaba, que Joab remporta fur les Ammonites, qui firent lever à leurs dépens vingt mille hommes de pied Syriens, qui n'avoient que faire dans cette guerre, & qu'ils joignirent aux troupes de leur nation. Sur ce pied-là les Syriens feroient les premiers qui fe feroient vendus & fait tuer pour l'intérêt des Puiffances qui paioient le mieux.

Les plus grands hommes anciens & modernes, je parle ici des hommes d'Etat comme des plus grands Guerriers, n'ont jamais fait grand cas des troupes étrangères, bien que les Vénitiens fe fervent de ces fortes de gens plutôt que de leurs propres fujets que s'ils s'en font bien trouvez jufqu'ici, par une efpéce de prodige, du moins fans aucune révolte confidérable, cela ne prouve pas qu'ils ne puiflent éprouver quelque jour un fort femblable à celui des Carthaginois après la premiére Punique, par la rébellion des foldats étrangers qu'ils avoient à leur folde, qui les réduifirent aux derniéres extrémitez, & ce n'étoit pas la premiére fois que cela leur étoit arrivé. Ce qu'il y eut de plus fàcheux, c'est que leurs armées n'étant compofées que de mercénaires, qui avoient les meilleure

décendoient tour à tour de Memphis à Alexandrie, pour difposer tout de telle forte que rien ne manquât. Pour le choix des armes & des hommes, ils en donnérent le foin à Eché

places entre leurs mains, ils s'emparérent de la Sardaigne & la vendirent aux Romains, comme ils firent de toutes les autres provinces en Afrique, de forte que les Carthaginois fe virent tout d'un coup réduits à leur feule Capitale: encore fe trouvérent-ils bloquez par ces foldats rebelles; & quand il n'y auroit que ce feul danger à courre, ce feroit encore beaucoup; ce qui me perfuade qu'il n'y a rien de plus contraire à la bonne politique & à la prudence, que de ne fe fervir que de troupes étrangères dont la fidélité n'eft pas toujours fort aflurée. L'on remarque d'ailleurs qu'ils ne font pas plus braves que les propres fujets des Princes qu'ils fervent, lorfque ces derniers font bien difciplinez:car ceux-ci ont plus de raifon de bien faire que n'en ont les autres. On n'a pas vû que les Suifles du tems de François I. aient mieux fait que fes propres fujets, outre qu'il leur eft arrivé quelquefois de fe mutiner & de refuser le combat. Depuis ce tems-là on n'a rien vû de femblable. C'eft de toutes les nations la plus fage & la plus fidéle, & dont les mœurs approchent plus des tems antiques. En général les foldats mercénaires coûtent beaucoup plus, & n'obfervent pas mieux la difcipline militaire; ils défertent facilement lorsqu'ils craignent d'avoir affaire contre ceux de leur nation, ou qui leur font alliez. Si fbando avausi la battaglia, dit Francifco Patrizi (a), non vuole ire ad assalto, coubatte quando vuole, tradifce chi la paga, vende lui è le fortezze, all'apprefentarfi il nemico fi difordina, difordinara furge, paffa al nemico. C'eft prefque là tout le fruit qu'on tire de cès fortes de troupes, dit l'Auteur Italien', qui écrivoit en 1583.

toiens Romains ou de leurs fujets d'Italie qui jouifloient du même avantage, dégénérérent peu à peu de leur ancienne vertu, & fe corrompirent lorsqu'elles ne furent plus recrutées de ces mêmes foldats, mais de ceux qu'on levoit dans les Gaules & en Afie; de forte que n'y aiant plus le même efprit ni le même zéle, quoique les foldats fuflent tous fujets de l'Empire, la difcipline militaire s'énerva, & tira peu à peu à fa décadence, & le mépris qu'ils faifoient de leurs Empereurs qui ne faifoient plus la guerre que par leurs Lieutenans, acheva de les perdre. Tout cela joint ensemble engendra la défobéiffance, & delà ils paflérent à la mutinerie & à la révolte il n'y eût plus qu'un feul pas à faire; ce qui fit le même effet que fi toutes les troupes de Empire n'avoient été compofées que de foldats mercénaires; car il n'y avoit prefque plus de Romains naturels dans les légions; & lorfque Vitellius s'empa ra de l'Empire, les légions qui étoient campées fur les bords du Rhin n'étoient compofées que de Gaulois & d'Allemans: outre qu'il y avoit un grand corps de troupes Holandoifes qui fe joignirent enfuite à Civilis qui fé révolta contre l'Empire..

Thucydide, Xénophon & Polybe font les trois Ecrivains de l'antiquité qui foient les plus oppofez aux troupes étrangères, bien que les Athéniens s'en: ferviffent comme les autres Grecs : ce que Thucydide nous apprend dans la ha rangue de Péricles au peuple d'Athénes.

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Il n'y a pas un des étrangers qui font à notre fervice, dit-il, qui voulût riể,, quer de fe voir banni, ni se joindre au parti le plus foible pour quelque léger appointement qui ne peut longtems durer. Il difoit cela fur ce que ceux qui craignoient de s'embarquer dans uneguerre trop difficile, toute la Gréce aiant conjuré contre Athénes, alléguoient qu'il étoit à craindre qu'avec l'argent de Delphes & d'Olympie ils ne débauchaffent leurs mariniers; mais il leur fit voir que la République avoit pour pilotes fes propres fujets, comme le refte de l'équipage, & que tout ce qu'ils avoient d'étrangers étoit en très-petis B b b iij.

Je ne lis aucun Auteur de l'antiquité,, qui ne foit contraire au fentiment de la plupart, qui ne fe fervent que de troupes étrangères dans leurs armées. Les Romains ont éprouvé peu après la mort de Tibére, & même pendant le régne de cet Empereur, que les légions Romaines compofées prefque toutes de ci

(a) Paralleli milit, di Frane, Patrizi, emp...6..

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