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1673.

pas reçu des miennes, c'eft que j'ai bien eu des tracas; je vous conterai. mes raifons, quand vous ferez ici. M. le Duc s'ennuye beaucoup à Utrech; les femmes y font horribles; voici un petit conte fur fon fujet, il fe familiarifoit avec une jeune femme de ce pays là,pour se defennuyer apparemment; & comme les familiaritez étoient fans doute un peu grandes, elle lui dit ; pour Dieu, Monfeigneur, V. A. a la bonté d'être trop infolente. C'eft Briole qui m'a écrit cela; j'ai jugé que vous en feriez charmée comme moi. Adieu, ma belle, je fuis tout à vous affurément.

LETTRE VIII.

LA MÊME A LA MÊME.

H

Paris, le 30 Juin.

É bien, hé bien, ma belle qu'avez vous à crier comme un aigle? Je vous mande que vous attendiez à juger de moi, quand vous ferez ici; qu'y-a-t-il de fi terrible à

ces paroles? mes journées font remplies; il eft vrai que Bayard eft ici & qu'il fait mes affaires; mais quand il a couru tout le jour pour mon fervice, écrirai-je ? encore faut-il lui parler. Quand j'ai couru, moi, & que je reviens, je trouve M. de la Rochefoucauld, que je n'ai point vu de tout le jour; écrirai-je ? M. de la Rochefoucauld & Gourville font ici, écrirai-je ? mais quand ils font fortis; ah! quand ils font fortis, il eft onze heures, & je fors, moi; je couche chez nos voisins, à cause qu'on bâtit devant mes fenêtres : mais l'aprèsdinée, j'ai mal à la tête; mais le matin; j'y ai mal encore, & je prens des bouillons d'herbes qui m'enyvrent. Vous êtes en Provence, ma belle, vos heures font libres, & votre tête encore plus; le goût d'écrire vous dure encore pour tout le monde; il m'est paffé pour tout le monde, & fi j'avois un amant, qui voulût de mes Lettres tous les matins, je romprois avec lui. Ne mefurez donc point notre amitié fur l'écriture; je vous aimerai autant, en ne vous écrivant qu'une page en un mois, que vous,

en m'en écrivant dix en huit jours; quand je fuis à Saint-Maur, je puis écrire, parce que j'ai plus de tête & plus de loifir; mais je n'ai pas celui d'y être, je n'y ai paffé que huit jours de cette année, Paris me tuë. Si vous fcaviez comme je ferois ma cour à des gens, à qui il eft très-bon de la faire, d'écrire fouvent toutes fortes de folies, & combien je leur en écris peu, vous jugeriez aifément que je ne fais pas ce que je veux là-deffus. Il y a aujourd'hui trois ans que je vis mourir MADAME; je relus hier plufieurs de fes lettres , je fuis toute pleine d'elle. Adieu, ma très-chère vos défiances feules compofent votre unique défaut, & la feule chofe qui peut me déplaire en vous. M. de la Rochefoucauld vous écrira.

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LETTRE IX.

LA MÊME A LA MÊME,

Paris, le 14 Juillet,

Oici ce que j'ai fait depuis que je ne vous ai écrit: j'ai eu deux accès de fiévre; il y a fix mois que je n'ai été purgée: on me purge une fois, on me purge deux; le lendemain de la deuxiéme je me mets à table; ah, ah! j'ai mal au cœur je ne veux point de potage; mangez donc un peu de viande; non,' je n'en veux point; mais vous mangerez du fruit; je crois qu'ouï; hé bien, mangez en donc; je ne fçaurois, je mangerai tantôt; que l'on m'ait ce foir un potage & un poulet ; voici le foir, voilà un potage & un poulet; je n'en veux point; je fuis dégoûtée; je m'en vais me coucher, j'aime mieux dormir que de manger. Je me couche, je me tourne, je me retourne, je n'ai point de mal, mais je n'ai point de fommeil auffi ; j'ap

1674,

pelle, je prens un livre, je le re ferme; le jour vient, je me lève, je vais à la fenêtre, quatre heures fonnent cinq heures, fix heures; je me recouche, je m'endors jufqu'à fept; je me lève à huit, je me mets à table à douze inutilement, comme la veille; je me remets dans mon lit le foir inutilement, comme l'autre nuit. Etes-vous malade ? nani : êtesvous plus foible? nani. Je suis dans cet état trois jours & trois nuits; je redors préfentement; mais je ne mange encore que par machine, comme les chevaux, en me frotant la bouche de vinaigre; du refte, je me porte bien, & je n'ai pas même fi mal à la tête. je viens d'écrire des folies à M. le Duc ; fi je puis, j'irai dimanche à Livri pour un jour ou deux. Je fuis très-aife d'aimer Me de Coulanges à caufe de vous.Réfolvezvous, ma belle, de me voir foûtenir toute ma vie à la pointe de mon éloquence que je vous aime plus encore que vous ne m'aimez ; j'en ferois convenir Corbinelli en un demi quart d'heure; au refte, mandez moi bien de fes nouvelles ; tant de bonnes vo

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