Imágenes de páginas
PDF
EPUB

fur la toile cirée ; fa joie eft trèsgrande de l'heureufe groffeffe de fa jeune Princeffe. Le P. Maffillon réuffit à la Cour, comme il a réuffi à Paris; mais on féme fouvent dans une terre ingrate, quand on féme à la Cour, c'est-à-dire, que les perfonnes qui font fort touchées des fermons, font déja converties; & les autres attendent la grace, fouvent fans impatience; l'impatience seroit déja une grande grace. En vérité, Madame, M. le Marquis de Grignan eft ce qui s'appelle un homme de bien, fans qu'il lui en coûte de déplaire au monde; au contraire, on l'en aime davantage; pour moi, j'avoue que je l'honore au dernier point. Me de Simiane fe porte à merveilles, elle fe difpofe à vous aller trouver ce printemps, puifque le Duc de Savoie ajoûte à tous les maux, qu'il nous fait, celui de vous obliger à demeurer en Provence, Nous avons ici un voifin qui vous defire beaucoup à Paris; Madame c'eft M. le Cardinal d'Eftrées, il s'adonne fort à venir ici les foirs ; & j'ai été affez peu polie pour le prier de

*

ne les pas pouffer auffi loiu qu'il fai foit; mon antiquité ne me permet plus d'entretenir la compagnie audelà de neuf heures; & notre Cardinal,qui eft plus vif & plus jeune que jamais, ne s'amufe point à fçavoir l'heure qu'il eft. Je compte m'aller établir dans ma folitude vers les premiers jours de mai; j'y verrai le Maréchal de Catinat, qui fe trouve toujours à S. Gratien pour y recevoir le premier roffignol. Le Maréchal de Villars nous quitte pour aller habiter le quartier de Richelieu; il eft fi amoureux de fa belle Maréchale qu'il eft difficile qu'il foit heureux; cette paffion eft ordinairement fuivie d'une autre qui trouble le repos, lors même qu'on a tout lieu de ne fe point inquiéter. Le Maréchal eft fouvent plus aife que s'il avoit épousé ma niéce; mais il est bien moins tranquille qu'il ne l'auroit été. La belle-mère de ma niéce fe meurt, & le pauvre Termes mourut hier à fix heures du matin. L'Abbé Têtu a des maladies bien réelles ; il eft à craindre maintenant qu'on ne * A Ormeffon.

foit obligé de lui faire une opération; ajoûtez à ce mal un cruel rhu matisme, & vous jugerez, Madame, que fes vapeurs ne font pas le plus grand de tous fes maux. Il eft, comme Job fur fon fumier, à la patience près; je fuis très-fâchée de fon état. C'eft, pour ainfi dire, demeurer feule fur la terre, que de voir difparoître tout ce que l'on a connu; ce qui eft de certain, c'eft que l'on n'y fera pas long-temps. Votre amie Mc de Lefdiguières fait des merveilles pour la Ducheffe de Lefdiguières, jadis Me de Canaples.

Vous fçavez, Madame, que notre Sanzei a été fait Brigadier.

1685.

LETTRE LXVII.

MONSIEUR DE COULANGES

A MADAME DE GRIGNAN.

A Baville, le 26 Avril.

"'ÉTOIS fort en peine de vous, Ma

[ocr errors]

;

tois fort auffi de Me votre mère, dont je ne vois plus les facrez caractères; enfin, mon attachement pour tout ce qui vous regarde, commençoit à troubler le doux repos que j'ai ici, quand votre meffager m'a rendu votre lettre. J'ai été fort aise d'apprendre de vos nouvelles, mais fâché en même temps que cette maudite fiévre foit venuë ainfi mal à propos rompre tous nos deffeins. Ceux de M. de Lamoignon font de paffer ici encore toute la femaine prochaine, pour ne s'en retourner à Paris que le dimanche 6o de mai; pour moi, je vivrai au jour le jour, c'est-à-dire, que fi je trouve quelqu'un qui veuil

le

le me ramener à Paris, je n'en perdrai point l'occafion, parce que je ferai bien aife d'aller faire un tour à Verfailles, & qu'il eft bon même que je fçache des nouvelles de M. de Seignelai touchant le voyage de Languedoc; mais auffi comme ce quelqu'un peut ne fe point trouver; & que M. de Lamoignon proteste qu'il aimeroit mieux mourir, que de me prêter une voiture, je pourrai très-bien ne m'en aller à Paris qu'avec lui. J'écrivis hier à Versailles, pour qu'on me mandât quelques nouvelles de ce pays-là; & felon qu'elles feroient, il faudroit bien pourtant que je m'en retournaffe à Paris, quand ce devroit être par la carriole de Dourdan, qui paffe souvent au bout de l'avenuë de Bâville. C'estlà, Madame, tout ce que je vous puis dire de mon féjour en ce pays-ci; envoyez quelquefois un mot de vos nouvelles à l'hôtel d'Angoulême ; & j'aurai foin de vous avertir auffi par quelque petit mot du parti que je prendrai. Je fuis fort aife que M. de Chaulnes vende Magni; il y a long-temps que j'approuve qu'il s'en

K

« AnteriorContinuar »