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voyé quelqu'une à Grignan? Il n'eft rien de plus fcandaleux que ces fortes de boëtes, & l'on en cherche les Peintres avec attention pour en faire juftice. Adieu, ma très-aimable gouvernante.

LETTRE LXXI.

LE MÊME A Me DE GRIGNAN.

F

A Paris, lundi 28 Juin.

AITES, faites votre mariage; vous avez raison, & le public a tort, & très grand tort. Si j'avois fçu que Me de Coulanges vous eût parlé de tous les dits publics, je me ferois bien gardé de vous les répéter; & fi la lettre que vous lui avez écrite fût arrivée deux heures plûtôt, je me ferois bien gardé encore de traiter avec vous ce chapitre; tout ce que vous nous avez écrit à l'un & à l'autre fur ce fujet, eft admirable, très - vrai & fans aucune réplique ; chacun fçait fes affaires; l'un à détélé le matin

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l'autre l'après-dínée, & quiconque détéle, mérite louange; c'est une marque d'efprit, & d'un grand fçavoir faire; prenez donc le parti qui yous convient; mais voulez-vous mettre le public dans fon tort? faites-vous donner une fi bonne & groffe fomme en argent comptant, que vous vous mettiez à votre aife; un gros mariage juftifiera votre procédé; tirez, comme je vous le dis, le plus d'argent comptant que vous pourrez; car voilà la précaution qu'il faut prendre en pareil cas; le public dit, & il n'a pas tort, qu'il ne faut jamais compter avec les Financiers fur les biens à venir; & le public eft perfuadé, & il a raifon encore , que la paix faite, on les preffera tant, qu'on en ruinera beaucoup; prenez donc bien toutes vos mefures, & confolez-vous d'une mefalliance, & par le doux repos de n'avoir plus de créanciers dans le féjour de beaux, grands & magnifiques châteaux, qui ne doivent rien à perfonne ; & par la fatisfaction de donner quelquefois dans le fuperflu, qui me paroît le plus grand

bonheur de la vie. Voilà, ma belle Madame, tout ce que j'ai à vous répondre. Vos lettres font admirables, & c'eft un meurtre de n'en pouvoir faire aucune part au public; mais comme il n'en profiteroit pas, je conviens avec vous du filence, ce feroient précisément des marguerites devant des pourceaux. Je n'ai pu cependant m'empêcher de difcourir de tout cela avec la Maréchale de Villeroi, quia bon sens & bon esprit qui aime tendrement tout ce qui s'appelle Grignan ; qui vous eftime & vous aime auffi, qui fe fent obligée de l'attention que vous avez de lui faire faire des complimens, qui me prie à tout moment de vous les rendre au centuple, & fur de bons tons; & qui, enfin, eft déchaînée, comme vous, contre le public qui fe déchaîne toujours fans fçavoir pourquoi. Elle approuve toutes vos raifons, elle vous louë fans fin & fans ceffe, & vous confeille d'aller votre grand chemin. Aujourd'hui, comme vous dites fort bien, on parle d'une chofe, & demain on n'en parle plus ; & quand vous préfente

rez au public une jolie Marquife de Grignan, & qu'il fera perfuadé que vous en avez beaucoup de bien, il ne vous fera pas plus votre procès, qu'à tous les gens de la première qualité, qui vous ont montré ce chemin, & qui ne croient pas, à l'heure qu'il eft, en avoir la jambe moins bien tournée. Voilà qui eft dit, je ne vous en parlerai plus. Me de Coulanges vous a mandé de fes nouvelles, qui ne font point encore trop bonnes; elle eut avant-hier une trèsmauvaise nuit; mais les remédes qu'elle prend, ne peuvent pas la guérir fur le champ, il faut bien fe donner quelque patience. Qui en mourra affurément, c'eft l'Abbé Tê tu, qui ne peut fouffrir ni la perfonne ni la converfation de Carette, & à tel point qu'il a déferté la maifon de Me de Coulanges, parce que Carette la vient voir tous les jours, & paffer avec elle des temps infinis. Me de Coulanges eft bien de même goût que l'Abbé ; mais quand il y va de la vie, il fçait bien peu faire, qui cela ne fçait faire ; & l'Abbé, qui veut être le maître par

tout, admire Me de Coulanges, & trouve mauvais entre cuir & chair qu'elle ne fe défaffe pas de Carette puifqu'il lui déplaît ; l'Abbé a trouvé mauvais encore qu'elle eût mis un oranger chargé de fleurs dans fa galerie: en un mot, il est bien extraordinaire; & je crains que la tranfmigration qu'il fera fans doute quelque jour au fortir du quartier de S. Paul, où il fe va loger, ne foit au quartier des incurables, pour adoucir le mot de la retraite • par où il finira vraisemblablement. Je n'ai point entendu parler des Chaulnes depuis l'affaire de Breft, qui s'eft paffée à fouhait pour eux. Le bled & l'avoine font ici toujours fort chers, & les maladies & les morts très-fréquentes. La Péraudiere, frère de M. de Valentiné, eft mort en deux fois vingt-quatre heures; mais qui eft affez malade, & dont je fuis bien en peine, c'eft de Me de Louvois; elle a une petite fiévre, & des friffons de temps en temps, qui la chicanent; elle a fort mal paffé la nuit ; elle a tant de peur d'être malade, qu'elle en fera mála

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