Imágenes de páginas
PDF
EPUB

de, & tant de peur de la mort, que je crains qu'elle n'en meure; dès qu'elle a le moindre mal, c'eft la rougeole, le pourpre, la petite vérole; en un mot, elle eft agitée de la crainte continuelle de toutes ces maladies; mais fçavez-vous ce qui me fait le plus de peur pour elle ? ce font fes immenfes richeffes, & l'extrême bonheur dont elle jouït. Mc de Coulanges eft aujourd'hui toute tournée du côté de la vie; elle fe trouve beaucoup mieux qu'elle n'a encore été. Elle a donné à dîner à Carette,au Maréchal de Bellefond,& aux divines *; vous croyez bien que l'Abbé Têtu n'a pas été de ce repas; fon procédé est trop plaifant. Carette dit toujours qu'il part mercredi pour l'Italie; mais il promet à fa malade des goutes, & la manière dont elle aura à fe conduire pendant fou ab. fence; franchemant j'ai bien de l'impatience de revoir Me de Coulanges dans fa première fanté, & par bien des raifons. Adieu, ma chère Madame, voilà une affez longue lettre.

*Me de Frontenac, & Mile d'Outrelaise.

Rendez-moi toujours de bons offices auprès des habitans de votre château, que j'honore & que je prens la liberté d'aimer felon leurs mérites. Je fuis très-obligée à la fage Pauline des deux lignes qu'elle a écrites dans votre lettre ; j'ai beaucoup d'amitiez à lui faire de la part de la Ducheffe de Villeroi, qui ne me voit point fans me demander de fes nouvelles, & fans me prier de lui dire mille chofes pour elle.

LETTRE LXXII.

LE MÊME ▲ Me DE SÉVIGNÉ,

A Paris, le 4 Août.

E viens de paffer les plus beaux quinze jours du monde à Meudon; en vérité, c'eft un lieu enchanté; & je ne comprendrai jamais que le Roi ne veuille point jouir d'un tel enchantement; car cette maison avec toute la vafte étenduë, lui con

1694.

[ocr errors]

vient beaucoup mieux qu'à Madame de Louvois, il en faut demeurer d'accord. Elle espère bien auffi que la paix faite, & l'abondance revenue dans le royaume, le Roi prendra Meudon & lui donera moyen d'acquerir aux portes de Paris une maison plus conve. nable pour elle, & pour les compagnies qu'elle veut voir, & moins expofée à celles dont elle se passeroit à merveilles; & je ne trouve pas qu'elle ait tort. Cependant, je lui confeille fort de prendre le temps comme il vient, & de s'accommoder autant qu'elle pourra des incommoditez de Meudon. Elle a même eu contentement ce voyage-ci; car elle n'y a eu précisément que les gens qu'elle y vouloit avoir. Nous en revinmes famedi au foir, pour affifter dimanche au dernier acte de Philofophie du joli Abbé de Villeroi qui fit des merveilles, & où il fe trouva bonne & nombreufe compagnie en haut & en bas ; car préfentement les Da mes viennent aux actes; & la Maréchale de Villeroi donna une belle & magnifique collation à toutes celles qu'elle

[blocks in formation]

qu'elle y avoit invitées. Mais parlons d'autres chofes, j'efpérois à mon retour trouver Me deCoulanges dans le bon train où je l'avois laiffée ; elle avoit même été d'une fête à Leftang chez Me de Barbesieux, il n'y a que huit jours, où je l'avois vue, & d'où elle étoit revenue à Paris fur les deux heures après minuit, fans qu'el le s'en fût trouvée mal. Il est vrai, Madame, qu'au lieu de la retrouver avec le même vifage, je l'ai trouvée dans le dernier changement, caufé par un grand dérangement, & une infomnie extraordinaire, nonobftant quoi Carette a voulu la faire baigner; ce qui l'a réduite en tel état, & fon pauvre eftomac s'en eft trouvé fi affoibli, que Carette luimême a fufpendu, quant à préfent, les bains, & les goutes même ; elle ne digère plus, elle rend le peu qu'elle mange fans appétit, tout comme elle le prend; en un mot elle ne fçait plus où elle en eft, & tous les gens occupez d'elle fe trouvent bien embarraffez; faut-il quitter Carette?ne le faut-il pas ? faut-il frapper à une autre porte ? faut il aller à

L

Bourbon cette automne fans perdre de temps? enfin, que faut-il faire ? On n'ofe donner aucun confeil, parce qu'on ne veut fe charger d'aucun événément; cependant nous ne fommes pas bien; après avoir paffé trois nuits entières fans fermer l'œil, elle a enfin dormi quatre ou cinq heures celle-ci. Je fuis affuré que cette rechûte ne vous plaira point; car elle trouve encore que les vents s'emparent de fon eftomac, comme dans le premier temps, ce qui fait voir l'inutilité de tout ce qu'elle a pris jufques ici pour les en chaffer. L'Abbé Têta triomphe, & bat des mains; & ce triomphe ne fert qu'à déplaire & à mettre en colère; car quel autre par ti falloit-il prendre? Cependant, la maifon de Me de Coulanges ne defemplit point; comme on eft affuré de la trouver, tout ce qui la connoît, y vient; & chacun donne fon avis, qui eft, à mon gré, un autre mal. C'est tout vous dire que Me de Monchevreuil y a paffé deux aprèsdinées, & que Me la Chancelière le Tellier à quatre-vingt-fix ans y paf fa celle d'avant-hier. Je fuis affuré

« AnteriorContinuar »