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tard; mais le jeudi, le Cardinal me remena à Versailles avec Me de S. Géran, qui avoit trouvé le gite de S. Martin fort bon. J'ai été à Versailles depuis ce jeudi jufqu'à avant-hier en toute joie & en toute lieffe, & ce qui est rare à Verfailles, en toute liberté; car, Dieu merci, je n'y vois que qui j'y veux voir, & que les perfonnes encore qui me conviennent. J'ai donc paffé mes journées avec la Maréchale de Villeroi, qui répond à vos fouvenirs, comme vous le pouvez defirer, & qui dit comme vous, que je ne ménage point les termes pour vous parler de fes fentimens ; avec la Ducheffe de Villeroi, qui me parle très-fouvent de l'adorable Pauline, & qui la fouhaite à tout propos; avec la S. Geran belle pochette & rien dedans avec tout ce qui s'appelle Noailles, Boufflers Croiffi; à toute heure chez Me d'Armagnac, qui me donne fon portrait & celui de fes filles ; mais chez qui encore? chez Me la Ducheffe, la plus gracieufe & la plus jolie Princeffe qui fut jamais; j'y ai eu des entrées fort libres; & je lui ai

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declaré que quelques avances qu'on me fit de la part des autres Princeffes pour les fréquenter je ne verrois jamais qu'elle. Enfin chère gouvernante, je ne me fuis` point du tout encanaillé ; & je ne ferois point encore revenu,fi je m'étoïs laiffé aller aux preffantes inftances qu'on m'a faites pour refter encore à Versailles; mais il a bien fallu revenir aux ordres de Me de Louvois, qui graiffe fes bottes pour aller à Tonnerre & à Anci-le-Franc; & qui ne veut point faire de voyages fans moi, enforte que me voici. Elle dit qu'elle partira fans faute mercredi prochain; mais tant de gens lui difent qu'elle va trouver du mauvais air, & lui veulent ôter ce voyage de l'efprit, qu'hier au foir la tête lui en tournoit; fi elle le fait donc, je m'en vais avec elle, & voilà notre commerce interrompu pour quelque temps; fi je ne le fais pas, je ne m'éloignerai point de Paris; ainfi je ferai à portée de vous rendre toujours compte de mes faits & geftes. La difgrace de Mlle Chouin a fait une grande nouvelle à Versailles; la Frin

ceffe de Conti eut l'honnêteté d'affurer Mlle de Sanzei qu'elle n'avoit aucune part au fujet qu'elle avoit de s'en défaire; mais quel eft-il ce fujet? c'eft fur quoi on raifonne, qui d'une façon, qui d'une autre ; car fi jamais MONSEIGNEUR a aimé quelqu'un, c'eft cette fille. L'a-t-on chaffée fans fa participation? La Princeffe de Conti a eu des entretiens trèsparticuliers avec le Roi, qui étonnoient tout le monde ; & voilà ce qu'ils ont enfanté. Mlle Chouin eft à Paris chez M' de Liflebonne, & l'on dit qu'on lui prépare un appartement aux petites Hofpitalières. Vous fçaurez par l'Abbé Bigorre les nouvelles de l'armée, qui furent hier apportées par le petit Bontemps; & moi, je finis par vous remercier auffi de vos détails, & par vous en demander la continuation. Le dîner de Rochecourbière m'a fait venir l'eau à la bouche; je vois d'ici ce lieu enchanté, & j'en connois tout le mérite; rien n'est pareil à la defcription que vous en faites. Je vous fais mes complimens, quoiqu'un peu tard, fur la mort de M. de la

Fayette; fa pauvre mère n'avoit fongé qu'à remettre ce nom & cette maifon à la Cour & dans le monde; & le voilà fur la tête d'une petite fille *. On dit que le teftament de M. de la Fayette, fait par les foins & du vivant de Me fa mère, a confolé fa femme & M. de Marillac, qui étoient fort affligez, avant que d'avoir vu ce teftament, lequel est très-defavantageux pour la veuve **. M. de Lamoignon vous en pourra dire mieux que moi tous les tenans & aboutiffans; c'eft, dit-on, l'ouvrage du Lieutenant-Civil. Adieu, ma très-aimable gouvernante; adieu Madame la Comteffe,adieu divine Pauline, & tous les aimables habitans d'un des plus magnifiques châteanx que je connoiffe. Dieu vous conferve tous, & nous faffe la grace de nous revoir quelque jour. Me de Morangies eft trés-malade; Mc Bénard de Rezé, notre voifine, eft morte; & j'ai

* Marie-Madeleine de la Fayette, mariée depuis à Charles - Bretagne, Duc de la Trémoille, premier Gentilhomme de la Chambre du Roi.

** Madeleine de Marillac.

appris auffi la mort d'un de mes coufins d'Ormeffon, qui étoit Religieux de Sainte-Geneviève, & je crois votre filleul. Enfin, l'on meurt à tout âge & par tout pays. Faites fçavoir, ie vous prie, à M. le Comte de Grinan, quand vous lui écrirez, comien je l'honore; & n'oubliez pas ans mes litanies la bonne Martilc, ni M. le Doyen *. On vous aura mandé l'histoire tragique d'Hanovre. La Cour s'en va le 15 da mois prochain à Fontainebleau.

LETTRE LXXIV.

LE MÊME A LA MÊME.

A

A Paris, le 1 Septembre.

DIEU, ma belle gouvernante,
adieu Madame la Comteffe

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adieu divine Pauline, adieu M. le Chevalier & tous les charmans hahitans du palais d'Apollidon; je pars de ce pas pour Tonnerre & pour Anci-le-Franc, & je m'aban*Du Chapitre de Grignan.

1694.

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