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blement reçu tous vos complimens,& m'a chargé de vous les rendre avec ufure, & de vous fupplier d'en diftribuer encore de fa part à la belle Comteffe, à la charmante Pauline & à tout ce qui s'appelle Grignan. Je crois que vous ne manquez pas de vous bien récrier fur tous les gens qui meurent à Paris; vous avez été apparemment affligée de la mort de Madame de Poiffi , par rapport à M. de Lamoignon, On nous mande de Fontainebleau que le pauvre petit Capitaine S. Hérem a fait une chûte à la chaffe, & qu'il a la cuiffe caffée trois droigts au deffous de la hanche; voilà qui eft bien mortel pour un homme de fon âge; & j'en fuis tout-à-fait faché. Vous aurez fait de belles réflexions, de l'humeur que je vous connois fur la mort de M. de Fieubet; mais adieu,

LETTRE LXXVI.

LE MÊME A A LA MÊ ME.

A Anci-le-Franc, le 29 Octobre.

N

Ous voici encore dans notre magnifique château. Me de Lou vois s'eft trouvée un goût pour la royauté & pour la folitude, chofes fort contraires, qu'elle ne connoiffoit point; en un mot, le goût des grands Seigneurs du bon vieux temps, qui fe trouvoient fort bien' chez eux, & dont l'ambition se trouvoit bornée à demeurer maîtres des grandes poffeffions que leurs pères leur avoient laiffées, ils alloient par refpect vifiter leur Souverain; mais leur cour faite, & ce devoir rendu, ils n'étoient pas fâchez de fe trouver Souverains eux-mêmes,& de revenir représenter à leur tour. Me de Louvois contente, & avec raison très-contente de fon état, s'eft donc fi bien trouvée d'une liberté dont elle n'avoit jamals jouï, & dont il

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eft impoffible qu'elle jouiffe à Paris, ni même à Meudon , qu'infenfiblement elle à attrapé la Touffaint, & que je la vois comme réfoluë de ne partir de fon royaume que le quinze du mois prochain: pour moi, je me fuis rangé volontiers fous fes loix, & plus je connois fa domination toute aimable & toute honnête plus je fuis content de vivre par-tout où il lui plaira. N'avouerez-vous pas après cela que més fecondes noces font très-heureuses, & que vous n'avez jamais entendu parler d'un mari plus foumis que je le fuis, ni d'un meilleur ménage que le nôtre? Quand Me de Louvois eft à Tonnerre, c'est le bruit, c'est le tumulte, ce font tous les attributs de la royauté ; quand elle eft ici, ce n'est point Me de Grignan dans fon châ teau, expofée à un nombre infini de voifins, expofée aux hommages de tous les Provençaux; mais c'est Me de Sévigné dans fes Rochers, qui lit, qui fe proméne beaucoup, qui écrit à Paris, qui reçoit baucoup de lettres, qui entreprend de fon pied des promenades champê

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pêtres & de long-cours ; & qui fait enfin une vie de campagne, toute pleine de liberté & d'agrément; & une vie que Me de Louvois goûte de telle forte qu'elle ne fonge pas qu'il y ait au monde un Fontainebleau, ni un Versailles. Nous arrivons de Tonnerre, où nous avons été recevoir Me de Courtanvaux * qui cavalièrement & honnêtement eft partie de Fontainebleau en pofte pour venir fe ranger auprès de Me fa belle-mère; nous avons tous été fort aifes de la voir, & nous ne ceffons de l'interroger fur les événemens du pays d'où elle vient; cela nous fait une compagnie fans contrainte, & un amufement nouveau. Nous n'avons pas manqué à fon arrivée ici de lui préfenter l'aimable Amadis, qui est bien l'homme de la meilleure compagnie qu'on puiffe entretenir, & qui eft affurément d'une grande ref fource contre l'ennui. Nous allons fagement & raisonnablement paffer ici les fêtes ; & puis, nous ferons une S. Hubert, à peu près com

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Marie-Anne-Catherine d'Estrées.

il

me celle que nous fimes, il y a trois ans, dans ce royal château de Grignan, avec cette différence pourtant que fi la bête nous échape, elle ne tombera pas de fi haut. Me de Courtanvaux vient de recevoir toute forte d'honneurs à Tonnerre; y a eu même un bal magnifique & des mascarades, enforte qu'elle n'eft pas fâchée, non plus que nous, d'être ici en repos loin du monde & du bruit; car nous n'avons pas même de voifins qui nous puiffent tourner à importunité. Voilà, Madame, quel est notre état, felon tou tes perfonnes raifonnables, beaucoup plus digne d'envie que de pitié. Je fuis ravi que ma dernière lettre ait fait le voyage fi heureusement, fans paffer par Paris; c'est ce qui me donne courage de vous écrire encore celle-ci par la même route. Mon amour propre m'a obligé de faire voir la vôtre à Me de Louvois, qui en a été ravie, & qui a pris plaifir à la lire plus d'une fois; car parmi toutes fes bonnes qualitez, elle a encore celle de goûter les bonnes chofes ; & en lifant de cer

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