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Le Roin 'a témoigné nulle répugnancepour M. de Sévigné; mais il étoit engagé, il y a long-tems, & il l'a dit à tous ceux qui penfoient à la députation; il faut laiffer nos efpérances jufqu'aux Etats prochains; ce n'eft pas de quoi il eft queftion préfentement; il est question, ma belle, qu'il ne faut point que vous paffiez l'hyver en Bretagne à quelque prix que ce foit ; vous êtes vieille, les rochers font pleins de bois; les caterres & les fluxions vous accableront; vous vous ennuyerez, votre efprit deviendra trifte & baiffera; tout cela eft sûr, & les choses du monde ne font rien en comparaifon de tout ce que je vous dis. Ne me parlez point d'argent ni de dettes; je vous ferme la bouche fur tout. M. de Sévigné vous donne fon équipage; vous yenez à Malicorne, Vous y trouvez les chevaux & la caléche de M. de Chaulnes ; vous voila à Paris; vous allez defcendre à l'Hôtel de Chaulnes; votre maifon n'eft pas prê te, vous n'avez point de chevaux, c'eft en attendant; à votre loifir vous yous remettez chez vous. Venons au fait; vous payez une penfion à M. de

Sévigné; vous avez ici un ménage; mettez le tout enfemble, cela fait de Fargent; car votre louage de maison va toujours; vous direz, mais je dois, & je payerai avec le temps: comptez que vous trouvez ici mille écus dont Vous payez ce qui vous preffe ; qu'on vous les prête fans intérêt, & que vous les rembourserez petit à petit comme vous voudrez; ne demandez point d'où ils viennent, ni de qui c'eft; on ne vous le dira pas; mais ce font gens qui font bien affurez qu'ils ne les perdront pas. Point de raifennemens là-deffus, point de paroles, ni de lettres perdues; il faut venir, tout ce que vous m'écrirez, je ne le lirai feulement pas ; & en un mot, ma belle, il faut ou venir, ou renoncer à mon amitié, à celle de Ma de Chaulnes & à celle de Me de Lavardin; nous ne voulons point d'une amie, qui veut vieillir & mourir par fa faute; il y a de la mifére & de la pauvreté à votre conduite; il faut venir dès qu'il fera beau.

1690.

LETTRE XII.

LA MÊME A LA MÊME.

V

Paris, le 20 Septembre.

Ous avez reçu ma réponse, avant que j'aye reçu votre Lettre. Vous aurez vu par celle de Me de Lavardin & par la mienne que nous voulions vous faire aller en Provence, puifque vous ne veniez point à Paris; c'est tout ce qu'il y a de meilleur à faire; le foleil eft plus beau, vous aurez compagnie, je dis même, féparée de Me de Grignan, qui n'est pas peu; un gros Château, bien des gens; enfin, c'eft vivre que d'être là. Je loue extrêmement M. votre Fils de confentir à vous perdre par votre intérêt ; fi j'étois en train d'écrire, je lui en ferois des complimens; partez tout le plutôt qu'il vous fera poffible; mandez-nous les villes par où vous pafferez, & à peu près le temps; vous y trouverez de nos lettres. Je fuis dans des vapeurs les plus triftes

& les plus cruelles, où l'on puiffe être; il n'y a qu'à fouffrir, quand c'eft la volonté de Dieu.

C'eft du meilleur de mon cœur que j'approuve votre voyage de Provence; je vous le dis fans flaterie, & nous l'avions penfé, Me de Lavardin & moi, fans fçavoir en façon du monde que ce fut votre deffein. *

LETTRE XIII.

LA MÊME A LA MÊME.

M

Paris, le 19 Septembre.

A fanté eft un peu meilleure qu'elle n'a été ; c'est-à-dire que j'ai un peu moins de vapeurs; je ne connois point d'autre mal; ne vous inquiétez pas de ma fanté, mes maux ne font pas dangereux; & quand ils le deviendroient, ce ne feroit que par nne grande langueur & par un grand deffechement; ce qui n'eft pas l'affaire d'un jour; ainfi, ma belle, foyez

* C'eft ce que Me de Sévigné appelloit l'approbation de fes Docteurs. B. iiij

1691.

en repos fur la vie de votre pauvre amie; vous aurez le loifir d'être préparée à tout ce qui arrivera, fì ce n'eft à des accidens imprévus, à quoi font fujettes toutes les mortelles, & moi plus qu'une autre, parce que je fuis plus mortelle qu'une autre ; une perfonne en fanté me paroît un prodige. M. le Chevalier de Grignan a foin de moi, j'en ai une reconnoiffance parfaite; & je l'aime de tout mon cœur. Me la Ducheffe de Chaulnes me vint voir hier; elle a mille bontez pour moi; mon état lui fait pitié. Ma belle-fille a eu une fauffe couche huit jours après être accouchée; il y a affez de femmes à qui cela arrive; c'eft avoir été bien près d'avoir deux enfans; fa fille fe porte bien; ils n'en auront que trop. Notre pauvre ami Croifilles eft toujours à Saint-Gratien; il me mande qu'il fe porte fort bien à fa campagne ; il faudroit que vous viffiez comme il est fair, pour admirer qu'il fe vante de fe porter fort bien; nous en fommes. véritablement en peine, le Chevalier

* Frere du Maréchal de Catinat.

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