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cependant m'a dit qu'il falloit bien que je fuffe des repas qui fe feront à Verfailles : mais croyez-vous que je "n'aye encore que cette noce vrai ment j'ai été d'un beau dîner chez M. le Cardinal de Bouillon, où je fus prié en cérémonie & admis avec une distinction qui flate bien mon amourpropre. Je dînai avec tout ce qui s'appelle Bouillon, la Trémoille & Créqui; & je fus préfenté d'un fi bon ton à Mile de la Trémoille * , que toute pleine déja d'honnêtetez & de careffes pour moi, elle me parut la plus belle perfonne du monde. Voilà ce que fait l'honnêteté, jointe à une taille au-deffus de toutes les tailles, & à une grande naîffance, qui a toujours pour moi de grands charmes; car vous fçavez que j'ai toujours eu du goût pour les poiffons nobles. On ne parle point encore du jour que ce mariage fe terminera, parce qu'il dépend du retour d'un courier, qui eft allé querir une difpenfe à Rome. Celui de Me Seignelai & de M. de Luxembourg ne fe publie point encore ; tout est d'accord, il n'eft plus quef * Depuis Duchesse d'Albret.

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que du confentement de Me de Luxembourg. On tient celui de Mlle de Monaco en fort bon chemin avec le Duc d Ufez; & celui du Marquis de Janfon avec Mlle de Virieu. Pour celui de Mlle de Duras avec M. de Lefdiguières, les uns parient pour, & les autres contre ; mais Me de Lefdiguières fe décrie fi fort, qu'on commence à la regarder comme la femelle de M.de Mazarin;il fera plaifant que Me de Duras par fon bon efprit ait profité à bon marché de l'extravagance de l'un & de l'autre pour auffi bien établir fes filles.Le Maréchal de Lorges s'eft retiré du fervice, les uns difent volontairement, les autres le contraire. Le Roi vient de faire cent mille Officiers Généraux; j'en ai la lifte devant mes yeux; je ne vous l'envoie point, parce que M. votre frère apparemment ne manquera pas de vous l'envoyer; j'ai été fort fâché de n'y pas touver fon nom. Je n'ai vu Me votre belle-fœur qu'une feule fois; à moins que vous ne foyez tous. ici, je comprens fort bien que nous ne ferons pas grande connoiffance;

mais quand y ferez-vous, Mefdames? La fanté de Me votre mère fe fortifie-t-elle affez pour que nous puiffions croire aux paroles qu'on nous donne pour le mois de Mars. J'ai été ravi de fçavoir que Me de Sévigné couroit le pays, j'aime affez que fon étoile ait quelque rapport avec la mienne, qu'on peut très-bien appeller errante. Il feroit difficile de mettre mieux en œuvre le regain de jeuneffe dont je fuis en poffeffion; Dieu veuille qu'il dure encore quelques années, mais il est extraordinaire que j'ignore ce qu'eft devenue cette goute, qui m'affligea tant, il y a deux ans, & dont vous me confoliez par me tendre fi obligeamment le bras, pour me faire faire dans ma chambre quelque forte d'exercice. Voilà une lettre qui me mène loin, comme vous voyez ; mais que puis-je mieux faire que de m'entretenir avec vous, mon adorable Pauline, puifque j'en ai le temps? Me de Louvois eft allée courir la ville; & comme le maître de la maifon je fuis demeuré dans fa chambre avec un très-bon feu, &

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tous les inftrumens néceffaires pour vous écrire ; elle m'a même laiffé tout à propos Me la Ducheffe de Villeroi, pour qu'elle s'acquitte envers vous d'un compliment qu'il y a long-temps qu'elle a envie de vous faire. Le Cardinal de Bouillon vouloit auffi vous en faire un, & c'eft ma faute de n'y avoir pas tenu la main. Me la Maréchale de Villeroi m'a recommandé auffi mille fois de vous dire bien des chofes de fa part, & à Mefdames vos mères; Me de Louvois tout de même ; enfin, croyez toutes, Mefdames, que vous n'êtes point du tout oubliées dans ce paysci; mais il eft temps de finir, & de vous affurer, Madame, que cette année ne différe point de toutes les précédentes quant au refpect & à la bonne & fincère amitié, avec lefquels je fuis mille fois plus à vous que perfonne du monde. Voici Me la Ducheffe de Villeroi, qui vous va écrire de fa main blanche..

Me la Ducheffe De Villeroi. 11 y a long-temps, Madame, que j'ai deffein de vous faire mes

complimens fur votre mariage, fans l'avoir fait, par la faute de Coulanges, qui m'avoit toujours dit que nous vous écririons enfemble; mais enfin, cet heureux moment est arrivé, & je l'emploie, Madame, à vous affurer que je conferve toujours pour yous toute l'eftime & l'amitié que vous méritez.

1696.

LETTRE LXXXVI.

LE MÊME A Me DE SÉVIGNÉ

J'

A Paris, le 27 Janvier.

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'ESPÈRE que la lettre que je vous écrivis, il y a aujourd'hui huit jours, n'aura pas été mal reçuë. J'en reçus le lendemain une aimable tite, qui me fit d'autant plus de plaisir, que me difant que vous ne m'écriviez qu'un mot pour en avoir mille, il fe trouvoit que de ma bonne, libre & franche volonté je vous avois obéi par avance, & fatisfait,ce me femble, à toutes les queftions que vous me pouviez faire; aujourd'hui, ma très

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