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à Marli; & le Jubilé contre vent & marée commencera dimanche prochain, dont le peuple eft affligé; il eft dans l'habitude d'employer les trois jours gras à un autre ufage qu'à prier Dieu. Le P. de la Ferté, Jéfuite, qui prêche avec un fuccès au-deffus de fon âge & de fa qualité, par un zèle louable & qui prouve fa vocation, a obtenu de fes Supérieurs la permiffion de s'en aller en Canada *. Adieu, belle & divine Pauline, je n'en fçais pas davantage. Je fuis ravi de la meilleure fanté de Me votre mère ; mais nous - n'ofons nous flater de la voir ici plûtôt qu'à la fin de l'automne, & c'eft nous mettre le Carême bien haut.

*Le P. de la Ferté ne profita pas de la permiffion de fes Supérieurs, parce que fes parens s'y oppoférent.

1696.

LETTRE XCI.

LE MÊME A Mes DE SÉVIGNÉ
& DE GRIGNAN.

L

A Paris, le 14 Mars.

'IN-FOLIO m'a attiré un très bon in-quarto; je le reçus avant-hier matin, & tout à propos pour en faire part à mon charmant Cardinal, qui fe rendit à mon lever, au moment que j'y penfois le moins; il fut ravi de votre lettre ; & que ne me dit-il point d'obligeant pour yous & pour tout ce qui porte le nom de Grignan? Comptez tous que fi jamais vous revenez dans ce payscî, comme je le veux efpérer, nous vous ferons voir S. Martin dans toute fon étenduë, & avec toutes fes beautez vraiment fans pareilles. Mais que penfez-vous, Mefdames,qui amenoit fi matin cet aimable Cardinal chez moi ? hélas! c'étoit pour me propofer de le fuivre, & d'aller me mortifier avec lui dans ce charmant fé

jour;mais en vue de faire mon Jubilé qui n'aura fa perfection que famedi matin, il m'a fallu réfifter courageufement à cette propofition; enforte que me voici dans le jeûne, la cendre, & le cilice jufques à famedi après-dîner, qu'une petite chaife me viendra enlever pour me mener rapidement à Pontoife, où j'efpère paffer quelque temps, & vous y defirer fans fin & fans ceffe. Cependant, au milieu de ma cendre & de mon cilice, il faut que je trouve le moyen de jeûner aujourd'hui trèsauftérement, en foupant ce foir chez Penautier * où je ne puis ni ne veux manquer, d'autant plus que M. & Me de Marfan font de ce fouper, & que je ferai ravi de boire & de renouveller connoiffance avec eux. La Ducheffe du Lude, & tous les Lamoignons en font encore; ainfi, quel moyen que je m'en puiffe difpenfer? je m'en rapporte à vousmême, ma très aimable Gouvernanre. Au refte, notre hôtel de Chaulnes brille en Carême,comme il a brillé *Receveur général du Clergé de France, chez qui on faifoit très-bonne chère.

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tous les jours gras; on y vit affurément à la grande. Le bon Duc va tou. jours péfamment fon chemin; mais il faut efpérer que Vichi, s'il fait tant que d'y aller, dégagera fa valise, qui eft affurément trop pleine, auffi bien que la mienne; mais comme je fuis plus jeune que lui, & que je fais plus d'exercice, j'en fuis moins embarraffé. Comme il y aura longtemps que nous ne nous ferons vus, quand vous arriverez ici, Mesdames, je crains beaucoup que vous ne me trouviez d'une groffeur énorme; mais qu'y faire ? vous ne m'en trouverez pas plus de contrebande, ni moins porté à vous honorer & à vous aimer toute ma vie. Je vis avant-hier ma commère la Troche, qui quête toutes les paperaffes du monde pour vous les envoyer, & nous penfames nous quereller fur ce que je lui dis qu'il ne falloit point vous en envoyer; qu'il en falloit laiffer le foin à l'Abbé Bigorre, le plus exact & le plus régulier de tous les correfpondans, & que c'étoit vous faire payer des ports qu'il étoit bon de vous épargner: ai-je raifon è

ne l'ai-je pas? Pour moi, je crois qu'il y a long-temps que la nouvel-. le des armées vifionnaires de Bretagne eft parvenuë jufqu'à vous, & que vous vous moquez de la folidité avec laquelle M. de Lavardin a rendu compte de cette vifion à la Cour; ainfi, je n'ai point voulu vous en envoyer la relation, non plus que mille chanfons qui courent, toutes plus méchantes & plus plaifantes les unes que les autres; comme je n'y ai aucune part, je ne me charge, point de cette marchandife, & principalement dans ce faint temps de Carême. Mais Me de Pui-du-fou eft morte; ne faut-il pas faire un compliment en forme à M. de Grignan* ? Je vous fupplie de m'en acquitter envers lui, & de lui dire combien j'entre vivement dans tous les biens & les maux qui lui arrivent. Je vis avant-hier la Ducheffe doiiairière de Lefdiguières à l'hôtel de Chaulnes plus brillante que jamais; je lui demandai fi la porte de fon hôtel ne

*M. de Grignan avoit époufé la fille de Me de Pui-du-fou en fecondes noces.

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