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giez très-férieufement à vos fantez; car voila ce que la vie a de plus précieux. Me votre mère fait-elle bien de vouloir encore paffer fon été à Grignan? Il eft vrai qu'on n'eft jamais mieux que chez foi; mais le changement d'air acheveroit peutêtre de la rétablir, & lui donneroit plus de force pour s'acheminer en ce pays-ci, quand la Providence en ordonneroit. Cette même Providence, qui régle tout, fait qu'il y a cinq femaines entières que je fuis dans cette délicieufe maifon fans fçavoir précisément quand je la quitterai; car Me de Louvois en eft fi contente & fi charmée qu'elle ne fonge point à Paris. Nous allons enfemble lundi à Bâville pour deux jours qu'il y a long-temps qu'elle a promis à M. de Lamoignon ; & nous en reviendrons par Villeroi, où la Ducheffe fe rendra pour nous en faire les honneurs. Voilà une petite courfe qu'il me faut encore effuyer, avant que je puiffe aller faire mes complimens à M. & à Me de Chaulnes fur leur heureux retour de Bourbon. Ils doivent arriver à Paris la semaine

prochaine, & déja m'avertiffent de me tenir prêt pour les fuivre bien tôt à Chaulnes,& de fonger de bonne heure à préparer Me de Louvois à me donner ce congé. Ainfi, Madame la Marquife, vous avez bien raifon de dire que ne m'a pas qui veut, & cela eft bien honorable pour moi; car d'un autre côté, M. le Cardinal de Bouillon pour S. Martin, & le Duc pour Evreux, n'ont qu'un cri après, moi, & je ne fçais tantôt plus comment fatisfaire à tous mes devoirs. Voilà encore que vous m'affurez très-obligeamment que vous me voudriez dans ce royal château, & cette marque de l'honneur de votre amitié ne flate pas peu amour - propre; cependant je commence à ne plus comprendre pour. quoi on me veut tant; car je deviens un petit homme bien chargé d'années, & qui ne conviendra plus guères dans les belles & jeunes compagnies; nous en avons ici tous les jours de toutes les façons. La Ducheffe de Villeroi eft à Marli, où je lui ai envoyé votre lettre; mais fçavezvous, Madame, qui je ne vois plus,

mon

c'eft

c'eft votre pauvre amie, Me de Coulanges? En cinq femaines qu'il y a que je fuis ici, je ne l'ai vuë qu'une feule fois qu'elle y eft venuë dîner; il court quelque bruit qu'elle y pourra venir. aujourd'hui, & je le fouhaite fort; car après-tout je l'eftime & je l'ai me, comme elle le mérite. Je fuis ravi de tous les aimables fentimens que je vous vois pour elle, & vous devez affurément les lui continuer, puifque vous poffedez fon eftime fes bonnes graces & fon approbation au fuprême degré. La Reine d'Espagne eft morte enfin, & la Cour va être en deuil pour des temps infinis. Pour moi, quelque bonne mine que je faffe, je fonge fouvent & très-fouvent à notre perte commune; & c'est un deuil que mon cœur. ne quittera jamais. Je finis, Madaen vous demandant la continuation de toutes vos bontez.

me,

R

LETTRE XCVI.

MADAME DE SÉVIGNÉ

A Me DE LA FAYETTE.
A Paris, le Mardi 24....

V

Ous fçavez, ma belle, qu'on ne fe baigne pas tous les jours: de forte que pendant les trois jours que je n'ai pu me mettre dans la rivière, j'ai été à Livri, d'où je revins hier avec deffein d'y retourner, quand j'aurai achevé mes bains, & que notre Abbé aura fait quelques petites affaires qu'il a encore ici. La veille de mon départ pour Livri, j'allai voir MADEMOISELLE qui me fit les plus grandes careffes du monde, je lui fis vos complimens, & elle les reçut fort bien; du moins ne me parut il pas qu'elle eût rien fur le coeur; j'étois allée avec Mlle de Rambouillet, Me de Valençai & Me de Lavardin ; préfentement elle s'en va à la Cour, & cet hiver elle sera si aise qu'elle

fera bonne chère à tout le monde. Je ne fçais point de nouvelles pour vous mander aujourd'hui; car il y a trois jours que n'ai vu ila gazette. Vous fçaurez pourtant que Me des N** eft morte, & que Trévigni fon Amant, en a penfé mourir de douleur; pour moi, j'aurois voulu qu'il en fût mort pour l'honneur des Dames. Je fuis toujours couperofée, ma pauvre petite, & je fais toujours des remédes, mais comme je fuis entre les mains de Bourdelot, qui me purge avec des melons & de la glace, & que tout le monde me vient dire que cela me tuera, cette pensée me mer dans une telle incertitude, qu'encore que je me trouve bien de ce qu'il m'ordonne, je ne le fais pourtant qu'en tremblant. Adieu, ma trèschère, vous fçavez - bien qu'on ne peut vous aimer plus tendrement que Je fais.

C'est-à-dire, Me de Lavardin qui aimoit beaucoup les nouvelles, & qui en quêtoit par-tour.

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