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1692.

LETTRE XVI.

LA MÊME A LA MÊME.

Paris, le 24 Janvier.

ÉLAS! ma belle, tout ce que

Hai à vous dire de ma fanté eft

bien mauvais; en un mot, je n'ai repos ni nuit ni jour, ni dans le corps ni dans l'efprit; je ne fuis plus une perfonne, ni par l'un ni par l'autre; je péris à vue d'œil; il faut finir, quand il plaît à Dieu, & j'y fuis foumife. L'horrible froid qu'il fait m'empêche de voir Me de Lavardin. Croyez, ma très-chère, que vous êtes la perfonne du monde que j'ai le plus véritablement aimée.

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LETTRE XVII

MADAME DE COULANGES

A MADAME DE SÉVIGNÉ. 1672.

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Lyon, ler Août.

'AI reçu vos deux lettres, ma belle; & je vous rens mille graces d'avoir fongé à moi dans le lieu où vous êtes. Il fait un chaud mortel; je n'ai d'efpérance qu'en fa violence *. Je meurs d'envie d'aller à Grignan, ce mois-cy paffé il n'y faudra pas fonger; ainfi je vous irai voir affurément, s'il eft poffible que je puiffe arriver en vié; au retour vous croyez bien que je ne ferai pas dans cet embarras. Le Marquis de Villeroi paffe fa vie à regreter le malheur qui l'a empêché de vous voir. Les violons font tous les foirs en Bellecour ** je m'y trouve pen, par la raifon que

*Selon le proverbe, que ce qui eft violent, ne dure pas.

** Place publique de la Ville de Lyon.

je quitte peu ma mère; dans l'efpé rance d'aller à Grignan je fais mon devoir à merveilles, cela m'adoucit l'efprit. Mais quel changement! vous fouvient-il de la figure que Me Solus faifoit dans le temps que vous étiez ici. Elle a fait imprudemment fes délices de Me Carle; celle-ci avoit, dit-on, fes deffeins; pour moi, je n'en crois rien; cependant c'eft le bruit de Lyon; en un mot, c'eft de Me Carle que M. le Marquis paroît amoureux. Me Solus fe defefpère ;

mais elle aime mieux voir M. le Mar

quis infidéle que de ne le point voir; cela fait croire qu'elle ne prendra jamais le parti de fe jetter dans un Couvent. Cette hiftoire vous paroît-elle avoir la grace de la nouveauté ? continuez à m'écrire, ma très-belle, vos lettres me touchent le cœur. Me de Rochebonne eft toujours dans le deffein de vous aller voir. Je ne fça vois point que Me de Grignan eût été malade; fi c'est une maladie fans fuite, fa beauté n'en fouffrira pas long-temps. Vous fçavez l'intérêt que je prens à tout ce qui pourroit cet hiver vous empêcher l'une & l'autre de revenir de bonne heure..

Adieu, ma très-chère amie, j'oubliois de vous dire que le Marquis de Villeroi fe propofe d'aller à Grignan avec votre ami le Comte de Rochebonne ; je vous fuis très-obligée de vouloir bien de moi; il y a peu de chofes que je fouhaite davantage que de me rendre au plus vite dans votre Château; mon impatience, quoique violente, dure toujours; cela me fait craindre pour le chaud; il doit être infupportable, puifque je ne m'y expofe pas. La rapidité du Rhône convient à l'envie que j'ai de vous embraffer; ainfi, Madame, je ne defefpère point du tout de vous aller conter les plaifirs de Bellecour. Vous me promettez de ne me point dire; allez, allez, vous êtes une laide; cela me fuffit. J'ai peur que vous ne traitiez mal notre Gouverneur ; vos manieres m'ont toujours paru différentes de celles de Me de Solus. Vous fçavez bien que l'on dit à Paris que Vardes & lui fe font rencontrez, devinez où ?

1672.

LETTRE XVIII.

LA MÊME A LA MÊME.

J

Lyon, le 11 Septembre.

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E fuis ravie de pouvoir croire que vous m'avez un peu regretée; ce qui me perfuade que je le mérite c'eft le chagrin que j'ai eu de ne vous plus voir; j'ai fait vos complimens au charmant ; il les a reçus, comme il le devoit, j'en fuis contente; fi je prenois autant d'intérêt en lui que M. de Coulanges, je ferois plus aife de ce qu'il dit de vous pour lui que pour vous. Me d'Affigni a gagné fon procès tout d'une voix. Envoyez-moi M. de Corbinelli, fon appartement eft tout prêt; je l'attens avec une impatience, qui mérite qu'il faffe ce petit voyage; toutes nos beautez attendent, & ne veulent point partir pour la campagne qu'il ne foit arrivé;

* C'est-à-dire, François de Neuville, Marquis, puis Duc de Villeroi, Pair & Ma réchal de France.

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