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de n'avoir pas époufé une folle. On n'ofe en parler à Mlle de Grignan,fon amie, qui machonne quelque chofe d'un pélerinage, & fe jette, pour avoir plûtôt fait, dans un profond filence. Que dites-vous de ce petit récit ? vous a-t-il ennuyé ? n'êtezvous pas content? Adieu, mon fils. M. de Schomberg marche en Allemagne ayec vingt-cing mille hommes; c'eft pour faire venir plus promptement la figature de l'Empereur *. La Gazette vous dira le refte.

LETTRE XCVIII.

LA MÊME A M. DE COULANGES.

A Orléans, Mercredi 11 Septembre.

NOU

'Ous voici arrivez fans aucune aventure; je me fuis repofée cette nuit, comme je vous l'avois dit, dans le lit de Thouri. Nous avons trouvé ce matin deux grands

Il s'agiffoit d'une tréve conclue à Ratifbonne, & qui fut publiée à Paris le 5 Octobre fuivant.

1675•

vilains pendus à des arbres fur le grand chemin; nous n'avons pas compris pourquoi des pendus ; car le bel air des grands chemins, il me femble que ce font des rouez; nous avons été occupez à deviner cette nouveauté ; ils faifoient une fort vilaine mine, & j'ai juré que je vous le manderois. A peine fommes-nous defcendus ici, que voilà vingt bateliers autour de nous, chacun faifant valoir la qualité des perfonnes qu'il a menées, & la bonté de fon bateau; jamais les coûteaux de Nogent, ni les chapelets de Chartres n'ont fait plus de bruit. Nous avons été long-temps à choifir; l'un nous paroiffoit trop jeune, l'autre trop vieux; l'un avoit trop d'envie de nous avoir, cela nous paroiffoit d'un gueux,. dont le bateau étoit pourri; l'autre étoit glorieux d'avoir mené M. de Chaulnes : enfin, la prédestination a paru vifible fur un grand garçon fort bien fait, dont la mouftache & le procédé nous ont décidez. Adieu donc, mon vrai coufin, nons allons voguer fur la belle Loire; elle est un peu fujette à fe

déborder mais elle en eft plus

douce.

LETTRE XCIX.

LA MÊME AU MÊME, qui étoit à Rome en ce temps-là.

Q

Aux Rochers, le 8 Janvier *..

UELLE triffe date auprès de la vôtre, mon aimable coufin ! elle convient à une folitaire comme moi; & celle de Rome à celui dont l'étoile eft errante & liberti

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ne & qui promène fon oifiveté aux deux bouts de la terre. La jolie vie ! & que la fortune vous a traité doucement, comme vous dites, quoiqu'elle vous ait fait querelle ! Toujours aimé, toujours eftimé; toujours portant la joie & le plaifir avec vous; toujours favori, & entêté de quelque ami d'importance, un Duc, un Prince, un Pape; car j'y veux ajoûter le S. Père pour la rareté; tou

*Réponse à la première lettre que M. de Coulanges lui écrivit de Rome.

1690.

jours en fanté; jamais à charge à perfonne, point d'affaires, point d'am. bition; mais fur-tout, quel avantage de ne point vieillir ! voilà le comble du bonheur. Vous vous doutez bien à peu-près de certaines fupputations de temps & d'années; mais ce n'eft que de loin, cela ne s'approche point de vous avec horreur, comme de quelques perfonnes que je connois; c'est pour votre voisin que tout cela fe fait, & vous n'avez pas même la frayeur qu'on a ordinairement, quand on voit le feu dans fon voifinage. Enfin, après y. avoir bien penfé, je trouve que vous. êtes le plus heureux hommedu monde. Ce dernier yoyage de Rome eft. à mon gré la plus agréable aventure qui vous pût arriver, avec un Ambaffadeur adorable *, dans une belle & grande occafion, revoir cettebelle Maîtreffe du monde, qu'on a toujours envie de revoir. J'aime fort les couplets que vous avez faits. pour elle, on ne fçauroit trop la cé lébrer; je fuis affurée que ma fille: les approuvera ; ils font bien faits,

*M. le Duc de Chaulnes..

ils font jolis, nous les chantons. Je fuis ravie de tout ce que vous me mandez de Pauline * , que vous. avez vuë en passant à Grignan; je n'ai jugé favorablement d'elle que fur vos louanges, & fur la lettre toute naturelle que vous avez écrite à Madame de Chaulnes, & qu'elle m'a envoyée. Ah ! que j'aimerois à faire un voyage à Rome, comme vous me le propofez! mais ce fe roit avec le vifage & l'air que j'avois, il y a bien des années, & non avec celui que j'ai préfentement; il ne faut point remuer fes. vieux os, fur-tout les femmes, à moins que d'être Ambaffadrice. Je crois que Me de. Coulanges, quoique jeune eucore, eft de ce fentiment; mais dans ma jeuneffe, j'euffe été transportée d'une pareille aventure; ce n'eft point la même chofe pour vous, tout vous fied bien ; jouiffez donc de votre privilége, & de la jaloufie que vous donnez, pour fçavoir à qui vous aura. Je ne m'amuferai point à raifonner avec vous

* Mlle de Grignan, depuis Marquise de

Simiane.

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