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1672.

que le Roi a donnée à M. le Coadjuteur, qu'il me femble qu'il y a de l'incivilité à ne m'en point faire de compliment.

LETTRE XX.

LA MÊME A LA MÊME.

L

Paris, le 26 Décembre.

E fiége de Charleroi eft enfin levé*; je ne vous mande aucun détail de ce qui s'y eft paffé, fçachant que Mile de Méri en envoye une rélation à Me de Grignan. On ignore jufqu'à préfent quelle route le Roi prendra; les uns difent qu'il retournera tout droit à Saint-Germain; les autres qu'il ira en Flandre, nous ferons bien tôt éclaircis de fa marche; fans vanité je fçais des nouvelles à l'arrivée des Couriers; c'eft chez M. le Tellier ** qu'ils descendent, & j'y

* Le Prince d'Orange fut obligé de lever le Siége de Charleroi le 22 Décembre 1672. ** Mc de Coulanges étoit niéce de M. le Tellier, depuis Chancelier de France.

paffe

paffe mes journées ; il eft malade, & il paroît que je l'amufe; cela me fuffit pour m'obliger à une grande affiduité. Je ne comprens point par quelle aventure vous n'avez pas reçu la lettre de M. de Coulanges, dans laquelle je vous écrivois; c'eft une médiocre perte pour vous; j'ai cependant la confiance de croire que vous regrettez cette lettre, parce que je vous aime, ma très belle, & que vous m'avez toujours paru reconnoiffante. J'ai été à la messe de minuit ; j'ai mangé du petit-falé au retour; en un mot, j'ai un affez bon corps cette année pour être digne du vôtre. J'ai fait des vifites avec Me de la Fayette, & je me trouve fi bien d'elle que je crois qu'elle s'accommode de moi. Nous avons encore ici Me de Richelieu ; j'y foupe ce foir avec Me du Frefnoi; il y a grande preffe de cette dernière à la Cour, il ne fe fait rien de confidérable dans l'Etat, où elle n'ait part. Pour Me Scaron, c'est une chose étonnante que fa vie; aucun mortel, fans exception, n'a commerce avec elle; j'ai reçu une de fes lettres, mais jeme garde bien de m'en vanter, de

C

peur des queftions infinies que cela attire. Le rendez-vous du beau monde eft les foirs chez la Maréchale d'Eftrées; Manicamp & fes deux fœurs font affurément bonne compagnie ; Mc de Senneterre s'ytrouve quelquefois; mais toujours fous la figure d'Andromaque; on eft ennuyé de fa douleur; pour elle, je comprens qu'elle s'en accommode mieux que de fon mari; cette raifon devroit pourtant lui faire oublier qu'elle eft affligée; je la crois de bonne foi, ainfi je la plains. Les Gendarmes Dauphins font dans l'armée de M. le Prince; il faut efpérer qu'on les mettra bientôt en quartier d'hiver, & qu'ils auront un moment pour donner ordre à leurs affaires; je connois des gens qui en font accablez. Adieu, mą très-aimable, je vais me préparer pour la grande occafion de ce foir; il faut être bien modefte pour se coëffer quand on foupe avec Me du Frefnoi, Fermettez moi de faire mille complimens a Me de Grignan ; je voudrois b en que ce fût des amitiez, mais vous ne voulez pas.

La Princeffe d'Harcourt a paru à la

*

Cour fans rouge par pure dévotion: voilà une nouvelle qui efface toutes les autres; on peut dire auffi que c'est un grand facrifice; Brancas en eft ravi. Il vous adore, mon amie, ne le defapprouvez donc pas, lorfqu'il cenfure les plaifirs que vous avez fans lui; c'eft la jaloufie qui l'y oblige; mais vous ne voudriez de la jaloufie que de ceux dont vous pourriez être jaloufe; il faut plaindre Brancas.

LETTRE XXI.

LA MÊME A LA MÊME.

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A Paris, le 24 Février.

I vous êtiez en lieu où je vous puffe conter mes chagrins, ma trèsbelle, je fuis perfuadée que je n'en aurois plus. Quand je fonge que le retour de M de Grignan dépend de la paix, & le vôtre du fien, en faut-il davantage pour me la faire fouhaiter

*Charles de Brancas, pere de la Princesse d'Harcourt, & Chevalier d'honneur de la Reine Anne d'Autriche.

1673.

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bien vivement? Le Comte Tot a paffé l'après-dinée ici; nous avons fort parlé de vous; ilfe fouvient de tout ce qu'il vous a entendu dire, ju gez fi fa mémoire ne le rend pas de très bonne compagnie. Au refte, ma belle, je ne pars plus de S. Germain j'y trouve une Dame d'honneur * que j'aime, & qui a de la bonté pour moi; j'y vois peu la Reine ; je couche chez Me du Frefnoi dans une chambre charmante; tout cela me fait réfoudre à y faire de fréquens voyages, Nos pauvres amis font repartis, c'està-dire, M. de la Trouffe **, fur la nouvelle qu'a que le Roi d'une révol te en Franche-Comté; comme il n'aimeroit point que les Efpagnols envoyaffent des troupes,qui pafferoient fur fes terres, il a nommé Vaubrun & la Trouffe pour aller commander en ce pays-là. La Trouffe a beaucoup de peine à fe réjouir de cette diftinction; cependant c'en eft une, qui pourroit ne pas déplaire à un homme moins fatigué de voyages; celui-ci joindra la campagne; cela eft fort

Madame de Richelieu.

** Capitaine des Gendarmes Dauphins.

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