pérez; pour moi, je dis tout ce que l'on veut, & fuis très-perfuadée qu'il ne faut point juger de la manière de penfer de nos amis par la nôtre; c'eft cependant un tort que le monde a toujours, & qu'il ne peut pas ne point avoir; il a plûtôt fait de juger par fes difpofitions, que d'examiner celles des autres. M. de: Chaulnes fait bonne mine; la Ducheffe fe cache fi bien que je ne l'ai point vue; il eft vrai qu'il eft affez aifé de m'échaper; car je fais naturellement peu de diligence; & j'en fais moins que jamais, dans l'efpérance d'avancer toujours dans cette parfaite indifférence, dont vous ne Vous appercevrez jamais, ma trèsaimable. Au refte, ma fanté n'est point du tout bonne ; il est plus queftion que jamais de me faire aller à Bourbon, il arrivera ce qu'il plaira à Dieu; quand je fonge que dix ou douze ans de plus ou du moins font la différence de cette affaire-là, je ne trouve pas que cela vaille la pei ne de la traiter fi folidement; peutêtre penferai-je tout d'une autre fa con, quand je me trouverai plus proche de la mort; il faut trancher le mot, ne fût-ce que pour s'y accoûtumer. J'attens de vous un compliment, qui fera bien fincère, fur l'aventure du feu; cela a paru une occafion digne de m'attirer le monde entier ; mais le monde eft bien inutile, je l'ai évité avec affez de foin. Au reste, Me de Villars m'a fait promettre que je vous dirois des chofes infinies de fa part; & fur-tout que j'apprendrois qu'elle ne pardonnera point à M. de Villars de n'avoir point parlé d'elle à Me de Grignan; cela pourroit bien aller à une féparation, fi Me votre fille ne s'y oppofe. Comme j'achève ma lettre voilà un secrétaire qui m'arrive; il vous apprendra que je viens de voir M. de Chaulnes, qui ma conté tout ce qui s'étoit paffé entre le Roi & lui; mais comme en même-temps il m'a dit qu'il vous alloit écrire, je ne m'embarquerai point dans un récit que vous fçaurez encore mieux par lui-même; il me paroît tout plein de raison. Me fa femme m'a envoyée prier qu'elle pût aujourd'hui paffer la journée avec moi, je la plains, puifqu'elle eft fâchée; pour moi, qui ne connois point le goût de la réprésentation, ou pour mieux dire, qui ne connois que celuî du repos, quand on n'eft plus jeune, je ne me trouverois pas à plaindre à la place de Me de Chaulnes. M. de Mêmes époufe Mlle de Brouë, à qui on donne trois cens cinquante mille francs en argent, & cinquante mille francs en habits & en pierreries; on dit auffi que M. de Poiffi épouse Mile de Beaumelet *, qui aura un jour foixante mille livres de rente; & de ma pauvre niéce › pas un mot. M. de Coulanges arriva hier de S. Martin; & il est allé aujourd'hui, je ne fçai out. Le Maréchal de Choifeul part dimanche; il a le Commandement de la Bretagne joint aux autres; comme il a le commandement beau, je fuis affez aife qu'il commande loin d'ici; ce n'eft pas que je ne fois une ingrate cette année, car je ne l'ai prefque pas vu. Adieu, ma vraie amie, ne me laiffez pas oublier à * M. de Poiffi n'époufa point Mlle de Bofmelet, & ne fe maria qu'en 1698, avec Mile de Varangeville.. Grignan, & fur-tout de l'adorable Pauline. LETTRE XXIII. LA MÊME A LA MÊME. J A Paris, le 13 Mai. E me porte beaucoup mieux ; Helvétius ne m'a donné que d'un extrait d'abfynthe, qui m'a rétabli, ce me femble, mon eftomac; je vous affure, ma très-belle, que je fuis bien éloignée d'avoir de l'indifférence pour ma fanté, & que je fupporte mes maux fort impatiemment; ainfi je ne me veux point parer auprès de vous d'un mérite que je n'ai point. Je crois que fi j'euf fe imaginé de paffer à Grignan le temps d'entre les deux faifons des eaux, je les aurois cruës nécessai, res pour ma fanté; & je pense que fi j'y étois une fois arrivée, j'aurois donné la préférence aux vins de Grignan fur les eaux de Bourbon. Je plains bien M. le Chevalier de Gri 1695 gnan, & je fuis bien honteufe de me plaindre de mes petits maux, quand j'en vois fouffrir de fi grands, & avec tant de patience. La pauvre Me de Carman eft bien mal; nous verrons la fin de fa vie avant celle de fa patience. Mon Dieu ! que je me preffe de vous faire des complimens de M. de Tréville, il me gronde tous les jours de l'avoir oublié ; il fouhaite votre retour très - fincérement. Il nous dit avant hier les plus belles chofes du monde fur le Quiétisme c'est-à dire, en nous l'expliquant, il n'y a jamais eu un efprit fi lumineux que le fien. M. du Guet*, qui n'est pas trop fot, comme vous fçavez fur de tels fujets, étoit tranfporté de T'entendre. Parlons d'autre chofe. Les Princeffes font ici, & fe divertiffent fi parfaitement bien, qu'on affure qu'elles n'ont nulle impatience du retour de la Cour; elles fe couchent ordinairement vers onze heures ou midi. Langlée donna hier un foupé à Monfieur & à Madame de Chartres; Me la Princeffe, Mc la Le célèbre Abbé du Guer |