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AN. 405

blâmoit la profeffion de la continence. Il condamnoit le refpect que l'on rendoit aux reliques des martyrs, & nommoit cinéraires & idolâtres ceux qui les honoroient. Il traitoit de fuperftition païenne l'ufage d'allumer en plein jour des cierges en leur honneur. Il foutenoit qu'après la mort on ne pouvoit plus prier les uns pour les autres, s'appuyant d'un paffage du livre apocryphe d'Efdras. Il difoit que les miracles, qui fe 4. Efdr. v 11.45. faifoient aux fepulchres des martyrs, n'étoient que pour les infidèles. Il condamnoit les veilles publiques dans les églifes, excepté la nuit de Pâques ; & vouloit que l'on ne chantât alleluia qu'à cette fête. Il blâmoit la coutume d'envoyer des aumônes à Jérufalem, & de vendre fon bien pour donner aux pauvres difant qu'il valoit mieux le garder, & leur en diftribuer les revenus. Il blâmoit en général la vie monaftique, difant que c'étoit fe rendre inutile au prochain. Telles étoient les erreurs de Vigilance: il y avoit même des évêques qui les fuivoient, principalement celle qui regardoit la continence, fous prétexte qu'elle étoit une occafion de débauche. Ils n'ordonnoient point de diacres qui ne fuffent mariés; & ce fut peut-être là caufe des confultations des évêques d'Espagne au pape S. Sirice, & des évêques de Gaule au pape S. Innocent.

VI.

Ecrit de S. Je

lance.

C. 2.

S. Jerôme répond fur ce point: Que feront les églifes rôme contre Vigi d'Orient, d'Egypte & du fiége apoftolique, qui prennent les clercs vierges ou continens; ou s'ils ont des femmes, ils ceffent d'en être les maris? Quant à l'honneur des martyrs, il répond que perfonne ne les a jamais adorés, ni cru les hommes des dieux; mais il ajoute: Il fe plaint que les reliques des martyrs foient couvertes d'étoffes précieuses, & qu'on ne les jette pas fur un fumier. Nous fommes donc facriléges, quand nous entrons dans les bafiliques des apôtres. L'empereur Conftantius fut un facrilége, quand il transféra à C. P. les faintes reliques d'André, de Luc & de Timothée, devant lefquelles les démons rugiffent? Il faut encore maintenant traiter de facrilége l'empereur Arcade, qui, après un fi long-tems, a transféré de Judée en Thrace les os du bienheureux Samuel. Tous les évêques doivent paffer non feulement pour facriléges, mais pour infenfés, d'avoir porté dans un vafe d'or & dans de la foie des cendres méprifables. Les peuples de toutes les églifes étoient infenfés, d'aller audevant des faintes reliques, & de recevoir avec tant de

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Theod, left, lib. 2 ad fin.

joie le prophète, comme s'ils l'avoient vu préfent & vivant : enforte que leurs troupes fe joignoient depuis la Palestine jufques à Calcédoine, & louoient Jefus-Chrift tout d'une voix. Adoroient-ils Samuel, ou plutôt Jesus-Chrift, dont Sa- Chr. Pafch. p. 308. muel a été le lévite & le prophète ? En effet, les reliques du prophète Samuel furent apportées à C. P. du tems de l'évêque Atticus, au mois Artemifius, le quatorziéme des calendes de Juin, fous le confulat d'Arcade & de Probus c'est-à-dire le dix-neuviéme de Mai 406. L'empereur Arcade marchoit devant, avec Anthemius préfet du prétoire & conful de l'année précédente, Emilien préfet de la ville, & tout le fénat. Les faintes reliques furent déposées pour un tems dans la grande églife, & enfuite mifes en une église bâtie en l'honneur du prophète près de Hebdomon. Pour montrer que les faints prient pour nous, les faints prient pour nous, S. Jerôme In Vigil. c. 3. dit: Si les apôtres & les martyrs, étant encore dans leurs corps, peuvent prier pour les autres combien plus après leurs victoires? Ont-ils moins de pouvoir depuis qu'ils font avec Jefus-Chrift? Et enfuite : Nous n'allumons point de cierges en plein jour, c'eft une calomnie. Si quelques féculiers ou quelques femmes le font par ignorance, ou par fimplicité, quel mal cela vous fait-il? Ils reçoivent leur récompenfe felon leur foi : comme la femme qui parfuma Jefus-Chrift, quoiqu'il n'en eût pas befoin. Sans parler des reliques, par toutes les églifes d'Orient, quand on va lire l'évangile, on allume le luminaire en plein jour en figne de joie. L'évêque de Rome fait donc mal, lorfque les os vénérables, felon nous, & la vile pouffiére, felon toi, de Pierre & de Paul, hommes morts, il offre à Dieu des facrifices, & prend leurs tombeaux pour des autels; non feulement l'évêque d'une ville,'mais tous les évêques du monde font donc dans l'erreur? Il accufe Eunomius d'être l'auteur de cette héréfie.

Sur les veilles dans les églifes, il dit: Que ce n'eft pas une raison de les abolir, parce qu'elles donnent occafion à quelques défordres entre de jeunes gens & de miférables femmes; autrement, dit-il, il faudroit auffi abolir la veille de Pâques. Il infifte fur les miracles qui fe faifoient communément aux tombeaux des martyrs ; & ajoute : Quand j'ai été troublé de colére, de quelque mauvaise penfée, ou de quelque illufion nocturne, je n'ole entrer dans les bafiliques des martyrs. Tu t'en moqueras peut-être comme d'un fèru

c. 4.

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pule de bonnes femmes. Il juftifie enfuite la pratique con-
fervée depuis le tems des apôtres, parmi les chrétiens, &
même parmi les Juifs, d'envoyer des aumônes à leurs freres
de Palestine. Enfin il défend la profeffion monaftique, en di-
fant qu'il ne faut point craindre que l'églife manque de mi-
niftres, quoiqu'il y ait des folitaires; comme on ne craint
point que le genre humain périffe, quoiqu'il y ait des vier-
ges.
Le devoir du-moine, dit-il, n'eft pas d'enseigner, mais
de pleurer pour foi ou pour le monde, & d'attendre en crain-
te l'avènement du Seigneur. Il fuit les occafions, parce qu'il
se défie de sa foibleffe, & n'efpére de vaincre que par la
fuite. Tel eft l'écrit de S. Jerôme contre Vigilance, dont on
ne voit point que l'héréfié ait eu de fuite, ni qu'on ait eu
befoin d'aucun concile pour la condamner, tant elle étoit
contraire à la tradition de l'église univerfelle.

Les députés du concile de Carthage, tenu le vingt-fixié-
me de Juin 404, arrivérent à la cour de l'empereur Hono-
rius, pour demander fa protection contre les Donatistes :
mais ils trouvérent qu'il leur avoit déja accordé par avance
plus même qu'ils ne demandoient. Car il avoit fait publier
une loi, qui condamnoit tous les Donatiftes à des amendes.
pécuniaires, & leurs évêques & leurs miniftres à l'exil.
L'occafion de cette loi fut les violences qu'ils avoient exer-
cées contre les catholiques. Servus, évêque de Tuburfique,
poursuivoit la reftitution d'un lieu qu'ils avoient ufurpé; &
les procureurs des parties attendoient le jugement du pro-
conful, quand les Donatiftes vinrent tout d'un coup en ar-
mes dans fa ville, & à peine put-il fauver fa vie par la fui-
te mais ils prirent fon pere qui étoit un prêtre fort âgé
& le maltraitérent de telle forte qu'il en mourut peu de
jours après. Ils avoient auffi ufurpé l'églife d'une terre nom-
mée Calvienne, & Maximien évêque catholique de Bagaïe
en avoit obtenu en justice la reftitution. Ils vinrent l'attaquer
dans cette même églife, comme il étoit à l'autel, fous le-:
quel il fe réfugia pour éviter leur fureur mais ils le brifé-
rent, car il n'étoit que de bois, & des morceaux de cet
autel avec des bâtons & d'autres armes, ils lui donnérent
tant de coups, que le lieu fut tout rempli de fon fang; la
plaie par où il en perdoit le plus, étoit un coup de poi-
gnard qu'il avoit reçu dans l'aîne. Mais comme ils le traî-
noient fur le ventre demi-nud & demi-mort, la pouffiére s'y

:

attacha & arrêta le fang. Ils le laifférent enfin, & les catho-
liques l'emportérent comme mort, en chantant des pfeau-
mes: mais les Donatiftes revinrent plus furieux, l'enlevérent
aux catholiques qu'ils maltraitérent, & les mirent aisément
en fuite, étant en plus grand nombre. Ayant ainsi repris
Maximien, ils lui donnérent encore plufieurs coups; &
croyant l'avoir achevé, ils le précipitérent la nuit du
haut d'une tour. Il tomba fur un tas de fumier réduit en
pouffiére, où il demeura couché fans connoissance &
prêt à rendre l'ame: un pauvre homme, qui en paffant s'étoit
arrêté là pour quelque néceffité naturelle, fut épouvanté de
ce corps. Il appella fa femme qui portoit une lampe, &
s'étoit écartée par bienféance. Il reconnut l'évêque, & avcc.
le fecours de fa femme l'emporta à fa maifon, foit par
piété, soit
par l'efpérance de quelque petit profit, à deffein
de le rendre aux catholiques vif ou mort.

Maximien ainfi fauvé fut fi bien panfé, qu'il guérit; & vint en Italie à la cour de l'empereur Honorius, où il trouva Servus de Tuburfique, & quelques autres, qui avoient fouffert de pareilles violences des Donatiftes, & ne voyoient pas de fureté à retourner chez eux. On fut particuliérement touché de l'aventure de Maximien, car on l'avoit cru mort; & les cicatrices dont il étoit tout couvert montroient que ce n'étoit pas fans fondement. La nouvelle de cette cruauté avoit paffé la mer, & tous les efprits en étoient faifis d'horreur & d'indignation contre les Circoncellions & contre tous les Donatiftes.

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L'empereur Honorius fit donc publier un édit donné à Ravenne, lieu ordinaire de fa réfidence, la veille des ides de Février, fous le confulat de Stilicon & d'Anthemius, à-dire, le douziéme de Février l'an 405. Il eft conçu en ces termes : Que l'on ne parle plus des Manichéens ni des Donatiftes, qui ne ceffent point d'exercer leur fureur, comme nous en fommes informés : Qu'il n'y ait qu'une religion fçavoir la catholique: Que fi quelqu'un ofe pratiquer des cérémonics défendues, il n'évitera pas les peines de tant de conftitutions paffées, ni de la loi que nous avons publiée depuis peu; & fi l'on s'affemble en troupe, l'auteur de la fédition fera puni plus févérement. On appella cet édit l'édit d'union, parce qu'il tendoit à réunir tous les peuples à la religion catholique. Le même jour fut publiée une grande

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AN. 405.

loi adreffée à Adrien préfet du prétoire d'Italie, dont la jurisdiction s'étendoit en Afrique, portant défense de rebaptifer, fous peine de confifcation de tous les biens, & du lieu où ce facrilege auroit été commis, & de vingt livres d'or d'a L.1. C. Th. de relig. mende, contre les juges qui négligeroient l'exécution de cette loi. Peu de tems après, c'eft-à-dire le cinquième de Mars de la même année, il fut ordonné par un refcrit particulier à Diotime, proconful d'Afrique, de faire publier dans fa province l'édit d'union du douzième de Février.

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Les députés du concile de Carthage, arrivant à la cour de l'empereur Honorius, trouvérent les chofes en cet état, & n'eurent plus rien à demander. Ces loix, étant portées en Afrique, plufieurs Donatiftes fe réunirent, principalement ceux qui vouloient depuis long-tems être catholiques, & ne cherchoient que l'occafion de fe mettre à couvert de la fureur des plus emportés, ou de l'indignation de leurs parens: d'autres étoient détournés d'entrer dans l'églife par les calomnies qu'ils avoient toujours ouï dire, & qu'ils n'auroient jamais approfondies, s'ils n'y avoient été contraints. Plufieurs n'étoient retenus dans l'erreur, que par la coutume de leurs peres, & n'avoient jamais examiné l'origine de leur hérésie: mais fitôt qu'ils commencérent à y penfer férieusement, n'y trouvant rien qui méritât de fouffrir de fi grandes pertes, ils fe firent catholiques fans aucune difficulté. L'autorité de ceuxci entraîna plusieurs autres, qui n'étoient pas capables d'entendre par eux-mêmes la différence de l'erreur des Donatiftes & de la vérité catholique. Ainfi les peuples revenant à grandes troupes dans le fein de l'églife, qui les recevoit avec joie, il ne demeura que les plus endurcis, dont quelques-uns entrérent par diffimulation dans la communion catholique, & fe convertirent enfuite par l'habitude & les bonnes inftructions.

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Cependant la même année 405, & le dixième des calendes de Septembre, c'eft-à-dire le vingt-troifiéme d'Août Cod. Can. n. 94. il y eut un concile à Carthage, où il fut ordonné: que l'on écriroit aux juges de toutes les provinces d'Afrique, pour tenir la main à l'exécution de l'édit d'union, qui n'avoit encore été exécuté qu'à Carthage; & que deux clercs de l'églife de Carthage feroient envoyés à la cour au nom de toute l'Afrique, avec des lettres des évêques, pour rendre graces à l'empereur de l'extinction des Donatiftes. On lut auffi

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