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AN. 410.

Orof. VII. c. 39.

aidérent à emporter leur bien, moyennant une petite récompenfe. Le pillage de Rome ne dura que trois jours, & Alaric en fortir le fixième jour après qu'il y fut entré fans y Marcel, Chr. 401. laiffer de garnifon. Il paffa dans la Campanie, où fes troupes pillérent Nole ; & en cette occafion S. Paulin fit cette priére: Seigneur, que je ne fois pas tourmenté pour de l'or

& de l'argent; car vous fçavez où font tous mes biens. En Hift. Misc. l.13. effet, il avoit tout donné aux pauvres. Alaric ayant ravagé toute cette partie de l'Italie, mourut l'année fuivante à Cofene, comme il fe préparoit à paffer en Sicile,

XXII. Romains difper

fès.

Rutil. Itiner. l. 1. Hier, praf.in 1. in 3.7. lib. in Ezech.

cip. c. 5.

De ceux qui fe fauvérent du fac de Rome, plufieurs fe retirérent dans les ifles voifines de la Tofcane: d'autres en Sicile & en Afrique : d'autres en Egypte, en Orient & en Palestine. S. Jerôme en reçut plufieurs à Bethléem; & cette occupation charitable, jointe à la douleur qu'il fentoit d'une fi grande calamité, retardoit fes travaux, ne lui laiffant pour étudier que la nuit, où fa vue affoiblie par fon grand âge étoit fatiguée des lettres hébraïques. Après le commentaire fur Ifaïe, qu'il avoit fait à la prière d'Euftochium, elle l'avoit encore engagé à celui d'Ezechiel & puis Epift. 16. ad. Prinde Jeremie. D'abord il fut fenfiblement touché de la nouvelle des deux fiéges de Rome; qui fe fuivirent de fi près, & de la famine qui y régnoit, jufques à manger la chair humaine. La nouvelle de la prife l'accabla, jointe à la mort de Pammaque & Marcelle mais quand il vit chez lui tant de nobles fugitifs de l'un & de l'autre fexe réduits tout d'un coup à la mendicité, après leurs richeffes immenfes qui cherchoient le vivre & le couvert, nuds, bleffés & expofés encore aux infultes de ceux qui les croyoient chargés d'or : toutes ces miféres le faifoient fondre en larmes, & chercher tous les moyens de les foulager. Il regardoit la fin du monde comme proche, & voyoit cependant en ce terrible événement la main de Dieu & l'accompliffement des prophéties. Car il avoit fouvent dit que Rome, encore attachée à l'idolâtrie & remplie de vices, étoit la Babylone & la femme proftituée de l'Apocalypfe; & que la révolte prédite par S. Paul avant la venue de l'ante-chrift, étoit la chute de l'empire Romain , que l'apôtre n'avoit pas voulu marquer plus clairement pour ne pas attirer la perfécution. Dans le même tems, les barbares firent de grands ravages en Orient, en Syrie, en Phénicie, en Paleftine, en Ara

Præf. 8. in Ezech.
Ep. 17, ad Mar.
celi, c. 7. in Ifaï,
XLVII. lib. 2. in

Jovin. in fine.

Ep. 15.48 Algaf. P. ult.

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Nil. Narr. 1. p.27.
Boll. 14.

Januar. p. 958.

bie, en Egypte. S. Jerôme dit qu'à peine avoit-il pu luimême échapper de leurs mains. S. Nil décrit ainfi les défordres que firent dans le défert de Sina les Arabes, qui ne vivoient que de chaffe & de brigandage. Il étoit defcendu de la montagne avec fon fils, pour vifiter à l'ordinaire les moines qui demeuroient au Buiffon, c'eft-à-dire apparemment au lieu où Moïfe vit le buiffon ardent. Le quatorze de Janvier dès le grand matin, comme ils venoient de finir l'office, les barbares accoururent en criant & prirent tout ce qui reftoit aux moines de provifions pour leur hyver; fçavoir des fruits fauvages defféchés. Ils en chargérent les moines mêmes, après les avoir fait fortir de l'églife, dépouillérent les plus vieux, & les rangérent tout nuds en file pour les égorger. Ils commencérent par le prêtre nommé Théodule, à qui ils coupérent la tête, fans qu'il fit autre chofe que P. 50. le, figne de la croix, en difant: Dieu foit béni. Enfuite ils. tuérent un vieillard qui demeuroit avec lui, & un jeune homme qui les fervoit ; & firent figne aux autres de la main de s'enfuir. S. Nil ne pouvoit fe réfoudre à quitter fon fils, que l'on emmenoit captif: mais fon fils lui fit figne des yeux de fe fauver comme les autres. Il gagna donc la montagne, tournant tant qu'il put les yeux vers fon fils, qui le regardoit auffi à la dérobée.

P. 60i

*

&

Les moines étant fur la montagne, & s'entretenant de cet accident, il vint un efclave de Magadon fénateur de Pharan qui étoit la ville la plus proche de ce défert. Cet efclave venoit du camp des barbares, encore tout effrayé & hors d'haleine. On lui demanda comment il s'étoit fauvé adreffant la parole à S. Nil, il dit: Les barbares, s'entretenant pendant leur foupé, dirent que le lendemain matin ils nous immoleroient votre fils & moi à l'aftre qu'ils adorent. C'étoit l'étoile de Venus. Ils drefférent l'autel, & y mirent le bois fans que nous fcuffions pourquoi, n'entendant pas leur langue. Mais un des captifs, qui la fçavoit, me le dit en fecret. J'en avertis votre fils, & que fi nous ne fuyions, nous ne ferions pas en vie le lendemain. Il craignit d'être décou vert, & aima mieux demeurer, s'abandonnant à la provi-, dence. Pour moi, voyant tous ces barbares pleins de vin & endormis, je me fuis d'abord traîné contre terre à la faveur de la nuit: puis étant un peu loin de leur camp, j'ai couru de toute ma force. Il leur raconta auffi plufieurs cruau

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tés des Arabes; entre autres la mort d'un jeune folitaire, qui avoit mieux aimé perdre la vie, que de leur obéir en découvrant où étoient les autres moines, ou en s'expofant nud à leurs yeux.

P. 87.

P. 90.

Martyr. R. 14.

La nouvelle de cette incurfion ayant été portée à Pharan, le confeil de la ville réfolut de ne la point paffer fous filence, & en fit avertir le chef de ces barbares. Cependant les moines allérent enterrer leurs freres; qu'ils trouvérent au bout de cinq jours encore entiers, fans mauvaife odeur,, fans difformité ni atteinte de bêtes. Ils en marquérent les noms, pour les honorer comme martyrs; & l'églife célèbre encore leur mémoire le quatorziéme de Janvier. Les moines allérent en- Jan. fuite à Pharan apprendre la réponse du chef des Arabes. Comme ils y entroient, les couriers qu'on lui avoit envoyés, apportérent fes lettres, par lesquelles il mandoit que ceux qui avoient fouffert quelque dommage le vinffent trouver, & qu'il leur feroit juftice: car il ne vouloit pas rompre le commerce avec les Romains, qui lui étoit avantageux. On envoya donc de Pharan des ambaffadeurs, pour renouveller p. 9. la paix; & ils furent accompagnés par les parens des captifs, entre lefquels étoit faint Nil. Après douze jours de chemin étant arrivés au camp du chef des Arabes, qu'ils nommoient l'Amman ou l'Iman, il leur donna audience, & leur fit une réponse favorable.

On affura S. Nil que fon fils étoit vivant, & efclave en la ville d'Eluze. Il partit pour y aller, & apprit en chemin que l'évêque de cette ville avoit acheté fon fils, & l'avoit ordonné clerc, & qu'en peu de tems il s'étoit acquis une grande eftime. S. Nil étant arrivé, reconnut fon fils le premier, & tomba en défaillance. Son fils l'embraffa & le fit revenir; puis il lui raconta ainfi fon avanture. Quand l'efcla- P. 110. ve de Magadon fe fauva, tout étoit prêt pour notre facrifice; l'autel, le glaive, la coupe, les libations & l'encens. On avoit réfolu de nous immoler le lendemain au point du jour. J'étois profterné le vifage contre terre, priant tout bas avec l'attention que donnent les grands périls. Seigneur, difois-je, ne permettez pas que mon fang foit offert aux malins efprits, ni que mon corps foit la victime du démon de l'impureté. Rendez-moi à mon pere, qui efpére en vous. Je priois encore, quand les barbares fe levérent, troublés de voir le tems du facrifice déja paffé; car le foleil étoit

P. 117.

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P. 125.

levé. Ils me demandérent ce qu'étoit devenu l'autre captif; je dis que je n'en fçavois rien; & ils demeurérent en repos fans me donner aucun figne d'indignation. Je commençai à prendre courage, & Dieu me donna affez de force pour leur réfifter lorsqu'ils voulurent m'obliger à manger des viandes impures, & à me jouer avec des femmes. Quand nous fùmes arrivés en pays habité, ils m'expoférent en vente; & comme on ne leur offroit que deux fols d'or, après m'avoir ramené plufieurs fois, ils me mirent enfin à l'entrée du bourg, tout nud, une épée pendue au cou, pour montrer que fi on ne m'achetoit, ils alloient me couper la tête. Je tendois les mains à ceux qui fe préfentoient, & les fuppliois de donner aux barbares ce qu'ils demandoient, promettant de le leur rendre, & de les fervir encore. Enfin je fis pitié, & on m'acheta.

L'évêque d'Eluze traita le pere & le fils avec beaucoup de charité, & les retint auprès de lui quelque tems, pour les remettre de leurs fatigues. Il voulut même récompenfer la vertu de faint Nil, en l'ordonnant prêtre malgré toute fa réfiftance; & quand ils fe retirérent il leur donna de quoi faire leur voyage, qui étoit long. On ne fçait rien du refte de la vie de S. Nil: mais il avoit alors cinquante ans & on croit qu'il en vécut encore quarante, jufqu'au règne V. Chronol, Suar. de l'empereur Marcien. Nous avons de lui plufieurs traités de piété, & mille foixante & une lettres, la plupart courtes, & d'un style vif & concis.

P. 692.

Lib. 1. Epift. 44.

11. Epift. 294.

111. Epift. 243.

prennent

Il y parle ainfi de l'euchariftie: Après les invocations terribles, & la defcente de l'efprit adorable & vivifiant ce qui eft fur la fainte table n'eft plus de fimple pain & du vin commun, mais le corps & le fang précieux de J. C. notre Dieu, qui purifie de toute tache ceux qui le avec une grande crainte & un grand defir. Et dans une autre il dit que S. Jean Chryfoftome a vu fouvent les anges dans l'églife, principalement dans le tems du facrifice non fanglant: que dès que le prêtre commençoit l'oblation, ils entouroient l'autel avec un profond refpect, jufqu'à l'accompliffement du myftére terrible: puis fe répandant par toute l'églife, ils aidoient les évêques, les prêtres & les diacres à diftribuer le corps & le fang précieux. Dans une autre lettre, il reprend un prêtre trop fevére, qui ne comptoit pour rien la confeffion publique du pénitent, fi elle n'étoit fuivie de plu

fieurs auftérités. Vous ne faites attention, dit-il, qu'à une partie de l'écriture, qui marque la colére de Dieu, & non à fa miféricorde répandue prefque par-tout. Il est très-utile à ceux qui le peuvent, de donner des preuves de leur pénitence par les œuvres, comme les jeûnes, les veilles, le fac, la cendre, & les aumônes abondantes. Mais il ne faut pas rejetter la fimple confeffion de ceux qui n'ont pas la force ou le moyen d'accomplir toutes ces œuvres. Il fuffit d'être affuré que la pénitence eft fincére. Les opufcules de S. Nil traitent tous de la vie afcétique, c'est-à-dire, de la perfection chrétienne. Dans le premier, il reprend fortement le relâchement qui commençoit à s'introduire chez les moines, & le plus fameux de tous ces traités eft celui des huit vices capitaux.

AN. 410.

Pour revenir aux incurfions des barbares, celles qu'ils firent en Egypte obligérent les moines de Scetis d'abandonner leur folitude, ce qui fit dire à S. Arfene en pleurant: Le monde a perdu Rome, & les moines ont perdu Scetis. f. 20. p. 564. Ep. 111.al. 122. ad Il y eut auffi des moines tués dans ces folitudes d'Egypte, Victoriam. comme rapporte S. Auguftin en déplorant les calamités publiques de ce même tems, & les ravages des barbares en Italie, en Gaule & en Efpagne. Il en écrit à un prêtre nommé Victorien, lui marquant ce que l'on doit répondre aux païens fcandalifés de ces malheurs, en quel efprit il faut les supporter, & même en profiter à l'exemple des Saints.

les

Hier, ep. 8. ad Demetr. 3.

Pall. Lauf 113. al. 33.

Ep. 130. al. 121.

Entre ceux qui pafférent en Afrique, fuyant Alaric, plus illuftres font Preba, avec Julienne fa bru, & Démétriade Sup.l. XIX. n. ult. fa petite-fille: & d'un autre côté, Albine, Pinien fon gendre & Mélanie la jeune fa fille. S. Auguftin écrivit quelque tems après à Proba une grande lettre, où il lui montre la maniére de vivre en vraie veuve, au milieu de fa famille & de fes richeffes, & traite principalement de l'oraison. Albine & les fiens, prévoyant la ruine de Rome avoient vendu leurs biens, & en étoient fortis, quelque tems avant qu'elle fût affiégée. Melanie l'ancienne belle-mere d'Albine, & fon fils Publicola, fortirent avec eux. Rufin d'Aquilée les accompagnoit auffi, & paffa avec eux en Sicile, où il traduifit les homelies d'Origène fur les nombres, dans le tems que les Goths brûloient la ville de Rege. Rufin mourut en Sicile peu de tems après. Albine avec fa fille Melanie & fon gendre Pinien, pafférent en Afrique, arrivérent à Carthage

Praf. ad Urfae. ap. Vale, not, ad

Euf vi. 38.
Hier. praf in
Ezech. vita Melan.
p Metaphr 31 Jan.

Aug, ep. 124. al.

237

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