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HISTOIRE

ECCLÉSIASTIQUE.

LIVRE VINGT-DEUXIÈME.

L

AN. 405. 1.

Occupation de

Cucufe.

S. Chryfoftome à
Soz. VIII c. 27.
Pall. dial. p. 96

'EXIL de S. Chryfoftome ne le rendit que plus illuftre, par les vertus qu'il y pratiqua. Comme fes amis, & particuliérement fainte Olympiade, lui fourniffoient de l'argent en abondance, il rachetoit plufieurs captifs d'entre les mains des Ifaures, & les renvoyoit chez eux; il fecouroit les pauvres dans leurs befoins, particuliérement à l'occafion de la famine qui survint en même tems; il inftruifoit & confoloit ceux qui n'avoient pas befoin d'argent enforte qu'il s'attira l'affection de tout le monde dans l'Armenie où il étoit, & dans les pays voifins. Plufieurs perfonnes le venoient voir d'Antioche du refte de la Syrie & de la Cilicie. Il refufoit fouvent l'argent qu'on lui envoyoit il paroît par une lettre à une dame nommée Carterie & par une autre à Diogène, homme de qualité. Il leur en fait excufe, les affurant qu'il n'en a pas befoin, & qu'il en ufera librement dans l'occafion. Toutefois, après Ep. 58. al. 51. avoir écrit cette derniére lettre, il fut tellement preffé par Aphraate, envoyé apparemment par Diogène, qu'il accepta fa libéralité; mais à la charge qu'elle feroit employée au fecours des églifes de Phénicie, où Aphraate même alloit travailler.

comme

Car S. Chryfoftome ne ceffoit point, pendant fon exil, de prendre foin de ces églifes naiffantes. Ayant appris que la perfécution y avoit recommencé, & que les païens en fureur avoient tué ou bleffé plufieurs moines, il écrivit au prêtre Rufin une lettre très-preffante afin qu'il fe hâtât d'y aller, perfuadé qu'il étoit que fa feule préfence appaiferoit tous les défordres. Il le prie de lui donner continuellement de fes nouTome IV.

A

N

Ep. 183. al. 230.
Ep. 57. al. 50.

Sup. xxI. ". 42.

Ep. 191. al. 126.

ad Ruf

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A&. xvI. 25.

velles, même pendant le chemin. Il promet de fa part de lui donner tout le fecours poffible, & par lui-même, & par les autres, écrivant fans ceffe, jufques à C. P. s'il est néceffaire. Puis il ajoute : Quant aux reliques des faints martyrs, n'en foyez point en peine: car je viens d'envoyer le prêtre Terence au très-pieux Otrée évêque d'Arabiffe, qui en a quantité de très-fures; & dans peu de jours, je vous les enverrai, en Phénicie. Hâtez-vous d'achever avant l'hyver les églifes qui ne font pas encore couvertes. Ces derniéres paroles font croire que les reliques devoient fervir à la conféCration des autels de ces nouvelles églifes. Il écrit de même au prêtre Geronce, l'excitant à s'y rendre promptement, l'affurant qu'il ne manquera de rien, foit pour les bâtimens, foit pour les befoins des freres, & qu'il en a chargé le prêtre Conftantius. Il prie le prêtre Nicolas de preffer le départ de Geronce, & d'envoyer avec lui le prêtre Jean, afin de fortifier par tant de bons ouvriers cette églife ébranlée. Le prêtre Jean fit en effet le voyage; & S. Chryfoftome écrivit à Siméon & à Maris, prêtres & moines d'Apamée, les exhortant à lui donner encore quelques bons ouvriers, pour l'accompagner en Phénicie.

&

Il écrivit auffi aux prêtres & aux moines qui travailloient à l'instruction de ces païens de Phénicie. De peur que la perfécution ne leur fit perdre courage & abandonner le pays, il leur promet qu'ils ne manqueront de rien, ni pour la nourriture, ni pour le vêtement. Que perfonne donc ajoutet-il, ne vous épouvante: car nous avons fujet de mieux efpérer, comme vous verrez par les copies des lettres du vénérable prêtre Conftantius. Il leur repréfente le courage des apôtres, & particuliérement de S. Paul, qui prêchoit en prifon & dans les fers & convertiffoit fon geolier; & il les exhorte à demeurer fermes & inébranlables, difant qu'il leur envoie le prêtre Jean , pour les confoler & les exhorter à lui écrire, & lui demander tous leurs befoins. Il continuoit fes foins pour les églifes de Gothie; & il en écrivit ainfi au Ep. 113. al. 206. diacre Théodule: Quelque grande que foit la tempête, & l'application de ceux qui veulent ruiner les églifes de Gothie, ne laiffez pas, vous autres de faire ce qui dépend de vous. Quand vous ne gagneriez autre chofe, ce que je ne crois pas, la récompenfe de votre bonne volonté vous est toujours préparée de la part de Dieu. Ne vous

rebutez donc pas, mon cher frere, dans vos foins & vos travaux. Mais fur-tout priez, & ne ceffez point de demander à Dieu ardemment qu'il rende la paix à fon églife. Cependant faites tous vos efforts, comme j'ai déja mandé, pour gagner du tems en cette affaire. Il entend fans doute l'ordination de l'évêque, dont il avoit écrit à fainte Olympiade. Il en écrivit auffi aux moines Goths, qui étoient dans le monaftére de Promotus à C. P.

S. Jean Chryfoftome apprit que deux prêtres qu'il avoit laiffés à C. P. Sallufte & Théophile, ne témoignoient pas affez de zèle pour foutenir le peuple qui lui demeuroit fidèle; qu'ils ne fe trouvoient pas fouvent aux affemblées eccléfiaftiques; que Sallufte n'avoit prêché que cinq fois jusques au mois d'O&tobre, & Théophile point du tout. Il en fut fort affligé, & leur en écrivit très-fortement à l'un & à l'autre, & à Théodore ami de Sallufte, officier du préfet, apparemment le même qui l'avoit conduit à Cucufe. Si c'est une calomnie, leur dit-il, juftifiez-vous; fi c'est une vérité, corrigez-vous. Songez quel jugement de Dieu vous vous attirez par une telle négligence. Če tems de tempête eft le tems d'amaffer des richeffes fpirituelles. Et ne craignez point, dit-il à Théophile, de me mander vos bonnes œuvres, puifque vous ne ferez qu'exécuter mes ordres.

L'hyver, toujours rude en Armenie, le fut plus qu'à l'ordinaire en 404. Et S. Chryfoftome né à Antioche, où il avoit paffé la plus grande partie de fa vie, & infirme depuis long-tems, en fut extrêmement incommodé. Voici comme il en écrivit à fainte Olympiade au commencement de l'an 405: Je vous écris au fortir des portes de la mort. C'est pourquoi je fuis ravi que vos gens ne foient pas arrivés plutôt : car s'ils m'avoient trouvé dans le fort de mon mal, il ne m'auroit pas été facile de vous tromper en vous mandant de bonnes nouvelles. L'hyver, plus rude qu'à l'ordinaire, a redoublé mon mal d'eftomach; & j'ai paffé ces deux derniers mois dans un état pire que la mort, puifque je n'avois de vie qu'autant qu'il en falloit pour fentir mes maux. Tout étoit nuit pour moi; le jour, le matin, le plein midi. Je paffois les journées dans le lit, & j'employois en vain mille inventions pour me garantir du froid. J'avois beau allumer du feu, fouffrir beaucoup de fumée, m'enfermer dans une chambre, fans ofer en fortir, me charger de cent couvertures,

AN. 405.

Sup. l. xxx n. 45. Ep. 163. al: 207. 210. Theop.

Epift. 113. al.

Ep. 119. 121. al. 119. 212. Theop. Ep. 198. al. 203. Salluft.

II.

Souffrances de

S. Chrysostome.

Ep. 5. al. 6.

AN. 405.

Ad Olymp.ep.

14. al. 15.

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je ne laiffois pas de fouffrir des maux extrêmes, dés vomiffemens continuels, des douleurs de tête, fans appétit, fans pouvoir dormir pendant ces nuits immenfes. Mais pour ne pas vous tenir plus long-tems en peine, j'en fuis à préfent dehors. Car fitôt que le printems eft venu, & que l'air a un peu changé, tous mes maux fe font évanouis d'eux-mêmes. J'ai pourtant encore befoin d'un régime exact, & de me peu charger l'eftomach, afin qu'il puiffe digérer facile

ment.

Et dans une autre lettre : Puifque vous voulez fçavoir de mes nouvelles, fçachez que je fuis délivré de ma grande maladie; mais j'en fens encore des reftes. J'ai de bons médecins; mais nous manquons ici de remèdes, & des autres chofes propres à rétablir un corps épuifé. Nous prévoyons même déja la famine & la pefte; & pour comble de maux les courfes continuelles des voleurs rendent tous les chemins inacceffibles. C'est pourquoi je vous prie de ne m'envoyer plus perfonne ici: car je crains que ce ne fût une occafion de faire égorger quelqu'un, & vous voyez combien j'en ferois affligé. Il en parle de même à un diacre nommé Théodote: Ce ne m'étoit pas une petite confolation dans cette folitude, de pouvoir vous écrire continuellement ; mais l'incurfion des Ifaures m'en a encore privé car ils ont recommencé à paroître avec le printems; ils font répandus par-tout, & rendent tous les chemins inacceffibles. Déja des femmes nobles ont été prifes, & des hommes égorgés. Et enfuite: Après avoir beaucoup fouffert l'hyver paffé, je fuis un peu mieux, quoiqu'incommodé de l'inégalité du tems; car nous fommes encore ici dans le fort de l'hyver: mais j'espére que le beau tems de l'été emportera les reftes de ma maladie. Car rien ne nuit plus à ma fanté que le froid, & rien ne me fait tant de bien que la chaleur. Dans une autre lettre au même Ep. 104. al. 68. Théodote il dit: Je n'ofe plus vous attirer ici

Ep. 107. al. 140.

Ep. 68. al. 51:

tant les

maux de l'Armenie font grands. Quelque part que l'on aille, on voit des ruiffeaux de fang, quantité de corps morts, des maisons abattues, des villes ruinées. Nous penfions être en fureté dans cette fortereffe, où nous fommes enfermés comme.. dans une affreufe prifon; mais nous ne pouvons y être tranquilles car, dit-il dans une autre lettre, les Ifaures attaquent auffi ces places.

Cette fortereffe étoit celle d'Arabiffe, comme il paroît par

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