Imágenes de páginas
PDF
EPUB

tention. Ainfi quoique le criminel que nous avons fauvé du
fupplice faffe enfuite de plus grands maux,
il ne faut pas
nous les imputer, mais nous attribuer le bien que nous re-
gardons dans nos interceffions: fçavoir la douceur, qui rend
aimable la prédication de l'évangile, & le falut éternel de
ceux que nous délivrons de la mort temporelle.

AN. 412.

n. 20.

n. 21.

Macedonius fe plaignoit encore que les évêques intercédoient pour des criminels, qui ne vouloient pas rendre cet qu'ils avoient pris. Saint Auguftin déclare que c'eft entiérement contre leur intention: qu'il n'y a point de vraie pénitence fans reftitution ; & que celui qui n'oblige pas à reftituer,, eft complice du crime. Mais quand le coupable n'a plus ce qu'il a pris, ou quand il nie de l'avoir, on ne peut l'obliger à le rendre: & comme les évêques y étoient fouvent trompés, les juges les accufoient de favorifer la mauvaife foi des coupables. S. Auguftin donne ici d'excellentes règles fur diverfes matiéres de reftitution, à l'égard des juges, des témoins, des avocats, & des miniftres inférieurs de juftice. Ep. 154. al. 5 Macedonius reçut cette lettre de S. Auguftin avec grande reconnoiffance; & perfuadé de fes raifons, accorda la grace à quelques criminels qu'il lui avoit recommandés.

AN. 412.

I.

Commencement de Pelage & de Celeftius.

Orofapel c. 26.

LIVRE VINGT-TROISIEME.

TANDIS

ANDIS que l'héréfie des Donatiftes tomboit, il s'en élevoit une autre plus dangereufe: celle des Pélagiens, qui fut condamnée pour la premiére fois par un concile tenu à Carthage, l'an 412. Pelage, auteur de cette héréfie, étoit né dans la grande Bretagne, de parens peu confidérables; enforte qu'il n'avoit pas été inftruit d'abord dans les bonnes lettres. Il embraffa la profeffion monaftique, & demeura fimple laïque auffi ne lui donnoit-on autre qualité que de moine. Il demeura très-long-tems à Rome, y fut connu de beaucoup de gens, acquit une grande réputation de vertu, & fut aimé Aug.de.Geft.Pelag. de S. Paulin & eftimé de S. Auguftin. Il fut auffi renommé pour fa doctrine, & compofa quelques ouvrages utiles; Gennad. de feript. fçavoir, trois livres de la Trinité, & un recueil des paffages de l'écriture pour la morale.

6.22,

C. 42,

Mercat. common. in lib. fub not. p.

30. ed. Garn.

:

Pendant ce féjour de Rome, Pelage tomba dans l'héréfie contre la grace, inftruit par un Syrien nommé Rufin. Car cette erreur avoit déja cours en Orient: Théodore évêque de Mopfuefte l'enfeignoit, & on en rapportoit la fource aux principes d'Origène. Rufin le Syrien étant donc venu à Rome fous le pape Anaftafe, c'eft-à-dire vers l'an 400, y apporta le premier cette doctrine, & comme il étoit fin, il n'ofa pas la publier lui-même, de peur de fe rendre odieux: mais il trompa le moine Pelage, & l'inftruifit à fond de fes maximes. Ainfi Pelage commença vers l'an 405 à difputer contre la grace; & dans une converfation, un évêque ayant rapporté ces paroles de S. Augustin dans fes confeffions: Seigneur, donnez-nous ce que vous commandez, & commandez ce que vous voudrez; Pelage ne put les fouffrir, & s'échauffa prefque jufques à quereller celui qui les avoit rapportées. Au Hier. ad Ctesiph.c. refte, il prenoit grand foin de diffimuler fes erreurs : il les faifoit propofer plus clairement par fes difciples, pour voir comment elles feroient reçues, & les approuver ou les condamner, felon qu'il jugeoit utile pour fes deffeins. Ainfi sa do&trine s'étendit beaucoup en peu de tems.

Aug. 'de dono perfev. c. 20.n.53.

4.& 6. in l. 3.

Mercat. comm, ad

imp. c. 1. p. 6. ed. Garn.

Le principal difciple de Pelage fut Celeftius, dont le nom

AN. 412.

fut auffi donné à la même héréfie. Il étoit de noble race, eunuque de naiffance; après avoir exercé quelque tems la fonction d'avocat, il entra dans un monaftére, d'où il écrivit à fes parens trois lettres, qui ne contenoient que des exhortations à la vertu. Enfuite il s'attacha à Pelage, & commença Gennad. feript, e à parler contre le péché originel. Le maître & le difciple 44 avoient tous deux beaucoup d'efprit & de fubtilité mais Celeftius étoit plus libre & plus hardi. Ils fortirent de Rome un peu avant fa prife, c'eft-à-dire vers l'an 409. Ils pafférent, comme l'on croit, en Sicile, & de-là en Afrique. Pelage arriva à Hippone en 410. Mais il n'y fit que paffer fans dogmatifer. De-là il vint à Carthage, où S. Auguftin, qui avoit déja oui parler de fes erreurs, le vit une fois ou deux; mais il étoit tout occupé de la conférence avec les Donatiftes, car c'étoit en 411. Pelage s'embarqua à Carthage, & pafla en Palestine où il demeura long-tems.

Celeftius tâcha de fe faire ordonner prêtre à Carthage : mais comme il y enfeignoit ouvertement fon héréfie, il fut accufé devant l'évêque Aurelius, vers le commencement de l'an 412, par le diacre Paulin de Milan; le même qui en ce même tems écrivit la vie de S. Ambroife, à la prière de S. Auguftin. Aurelius affembla donc un concile de plufieurs évêques, où Paulin préfenta deux libelles, contenant les erreurs dont il accufoit Celeftius réduites à fept articles. Le premier, qu'Adam avoit été fait mortel: enforte que, foit qu'il péchât ou qu'il ne péchât point, il devoit mourir. II. Que le péché d'Adam n'a nui qu'à lui feul, & non au genre humain. III. Que les enfans qui naiffent font au même état, où Adam étoit avant fon péché. IV. Que la mort ou le péché d'Adam n'eft pas caufe de la mort de tout le genre humain, ni la réfurrection de J. C. caufe de la réfurrection de tout le genre humain. V. Que la loi envoie au royaume des cieux comme l'évangile. VI. Que même avant la venue de J. C. il y a eu des hommes impeccables, c'eft-à-dire fans péché. VII. Que les enfans, fans être baptifés, ont la vie éternelle.

De Geft. Pelag.

c. 22.

II. Celeftius condamné à Cartha

ge

Mercat, comm. ad imp.c. 1.

Aug.ep. 157. n.22. epift. ap. Aug. 175.

ad Innoc.

Sur le fecond & le troifiéme article, Celeftius dit que Aug. de pec, orig. c'étoit des queftions problématiques, que l'on pouvoit foutenir de part & d'autre ; & qu'il connoiffoit plufieurs prêtres qui nioient le péché originel. Etant preffé par Paulin de les nommer, il ne put nommer que Rufin, qui demeuroit à Rome avec Pammaque. Il ajouta toutefois qu'il avoit toujours

AN. 412.

Aug. ep. 157.n.22

11. Retraft. c. 23.

Serm. 170. 174. 175.

11. 8. 25.

dit que les enfans avoient befoin du baptême, & devoient être baptifés. Il donna même un petit mémoire, où il avouoit que les enfans avoient befoin de rédemption, & par conféquent de baptême. Toutefois ayant été oui plufieurs fois, il en confeffa affez pour être convaincu d'héréfie & d'opiniâtreté dans les erreurs dont il étoit accufé: ainfi il fut condamné & privé de la communion eccléfiaftique, comme il paroiffoit par les actes de ce concile de Carthage. Celeftius appella de cette fentence au faint fiége apoftolique: mais au lieu de pourfuivre fon appel, il s'en alla à Ephèse. Ses difciples de Carthage, étonnés de cette condamnation, n'ofoient plus attaquer la foi de l'églife, que par de vains difcours & des plaintes femées parmi le peuple.

S. Auguftin n'avoit pas affifté à ce concile de Carthage, & il ne fe preffa pas d'écrire contre les Pélagiens : mais lui & les autres évêques catholiques travaillérent à les combattre, dans leurs fermons & leurs converfations particuliéres. Nous avons plufieurs fermons de S. Auguftin où il traite ce fujet, & exhorte fon peuple à demeurer ferme dans l'ancienne Serm. 176. c. 2. doctrine de l'églife. Il foutient particuliérement le péché originel, & la néceffité du baptême des enfans. Que chacun de vous, dit-il, parle pour ceux qui ne peuvent parler pour eux-mêmes. On recommande aux évêques le patrimoine des De Geft. Pelag. c. pupilles : ils doivent avoir bien plus de foin de leur falut. Il commença toutefois à écrire contre eux dès la même année 412. Car le tribun Marcellin qui étoit à Carthage, importuné des difputes qu'il avoit tous les jours avec eux, confultoit S. Auguftin par lettres, & l'obligea de lui écrire fur ces queftions, principalement fur le baptême des enfans. Saint Auguftin donc, pour fatisfaire aux priéres de Marcellin de faint Auguftin & au devoir de fa charge, écrivit deux livres, qu'il lui adrefcontre les Péla- fa, intitulés : du mérite des péchés & de leur rémiffion autrement, du baptême des enfans. Dans le premier, il prouve que l'homme eft devenu fujet à la mort, non par la néceffité de la nature, mais par le mérite du péché; que le péché d'Adam a engagé toute fa race; & que l'on baptife les enfans, afin qu'ils reçoivent la rémiffion du péché originel. Dans le fecond livre, il montre premiérement, que l'homme peut être fans péché en cette vie la grace de Dieu & fon libre arbitre: en fecond lieu, que perfonne en cette vie n'eft abfolument fans péché, puifqu'il n'y a

[ocr errors]

Premiers écrits

giens.

11. Retract. c. 33.

, par

perfonne

perfonne qui n'ait befoin de dire: Pardonnez-nous nos péchés. Troifiémement, que cela arrive, parce que perfonne ne le veut autant qu'il faut. Enfin, qu'aucun homme, excepté J. C. feul, n'eft, n'a été, ni ne fera fans péché. Peu de jours après qu'il eut achevé ces deux livres, ayant recouvré les expofitions de Pélage fur faint Paul, il y trouva un nouvel argument que Pélage propofoit comme le fentiment d'un autre contre le péché originel: en difant que, fi le péché d'Adam nuit à ceux qui ne pèchent point, la juftice de J. C. fert auffi à ceux qui ne croient point. Cette objection, que S. Augustin n'avoit point prévue, lui donna occafion d'ajouter à ces deux livres une lettre à Marcellin, ou plutôt un troifiéme livre, où il montre comment les enfans font comptés pour fidèles, & profitent de la foi de ceux qui les préfen

AN. 412.

Lib. 111. de pes

mer, init.

7.3.

11. Retract. c. 361.

tent au baptême. Dans ces trois livres, S. Auguftin crut de- 11.Retract, c. 33; voir encore taire les noms des nouveaux hérétiques, espérant par-là de les corriger plus facilement; même dans la troifiéme, étant obligé de nommer Pélage, il lui donna quelques louanges, parce que plufieurs vantoient fa bonne vie. Dans Ep.130.ad Marcell. le même tems un ami de faint Auguftin, nommé Honorat, lui envoya de Carthage cinq queftions de l'écriture, auxquelles il le prioit de répondre. S. Auguftin voyant cette nouvelle héréfie qui s'élevoit, y ajouta de lui-même une fixiéme question, de la grace du nouveau Teftament, de laquelle il fit un traité fuivi, comprenant les cinq autres queftions; & à l'occafion de la premiére, l'explication de tout le pfeaume vingt-uniéme. Ce traité eft compté entre

fes lettres.

Le tribun Marcellin ayant reçu les livres du mérite des péchés, écrivit à S. Auguftin: qu'il s'étonnoit de ce qu'il y difoit, que l'homme pouvoit être fans péché s'il vouloit, avec le fecours de Dieu; & que toutefois perfonne en cette vie n'avoit été, n'étoit, ni ne devoit être à l'avenir d'une telle perfection. Comment, difoit-il, dites-vous qu'une chofe eft poffible, dont il n'y a point d'exemple ? Pour répondre à cette question, S. Auguftin écrivit le livre de l'efprit & de la lettre, où il explique ce paffage de l'apôtre: La lettre tue, & l'efprit donne la vie. Il y difpute vivement" contre les ennemis de la grace, montrant d'abord, par pleurs exemples, qu'il y a des chofes poffibles qui n'ont jamais été.. Enfuite il explique en quoi confifie le fecours que Dieu. Tome IV.

M.

Epi 140. al: 2203

ad. Honor.

11. Retract. c. 37..

2. Cor. 111.6.

« AnteriorContinuar »