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moyen que Dieu leur avoit donné pour éviter ce malheur, c'est-à-dire de n'avoir pas obfervé le precepte qui leur ordonne de veiller & de prier, afin de ne point fuccomber

aux tentations.

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Les Peres paffent encore plus loin fur ce point. Car ils n'ont pas regardé Teulement la negligence à prier comme la caufe des chûtes particulieres des Chrétiens mais auffi comme la fource des calamitez & des perfécutions dont Dieu permer que fon Eglife foit affligéé Reconnoiffons & confeffons, dit faint Cypr. Cyprien, parlant de la perfecution Ep 8. qui défoloit fon Eglife, que cette horrible tempête qui a ravagé notre troupeau pour la plus grande partie &qui le ravage encore tous les jours, a été attirée par nos pechez. Mais quels étoient ces pechez qui l'avoient attirée; C'est ce qu'il marque dans la fuite de la même lettre par ces paroles: Je fuis bien aife, mes freres, que vous fçachiez qu'il n'y a pas long-temps que j'ai encore entendu dans une vifion qu'on nous reprochoit que nous nous sommes endormis dans nos prieres, & que nous ne sommes pas 3

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affez vigilans dans cet exercise. Dien qui aime celui qu'il châtie, ne nous châtie que pour nous corriger de nos défants, & ne nous en corrige que pour nous fauver.

Il eft vrai que tous ceux qui font envelopez dans ces calamitez communes ne font pas coupables de cette negli gence; mais auffi ce ne font pas des. calamitez pour ceux qui ne les ont pas meritées, ce font au contraire les inf trumens de leur falut, la matiere deleur couronne, les femences de leur gloire. Nous fçavons, dit faint Cyprien aux Payens, & nous avons une pleine confiance que ces maux qui vous tourmentent & qui vous abbatent, ne fer vent qu'à nous éprouver & à nous fortieye fier: PER ipfa que vos cruciant & fatigant probari & corroborari fcimus & com fidimus. Mais ces mêmes calamitez.font de grands maux pour ceux à qui Dieu Fes envoye en punition de leur negli gence à prier puifqu'ils ont tout fujet de craindre que cetre tempête ne les renverfe, & que n'ayant pas eu foin de fe fortifier par les prieres conme ces violentes attaques, ils ne foient abandonnez à leur foibleffe..

art De

Certe neceffité fi abfoluë & fi indif

penfable de la priere doit donc faire conclure à tout homme qui pense ferieusement à fon falut, qu'il n'y a rien dans toute fa vie & dans toute la conduite de fes actions fur quoi il doive veiller davantage que fur fes prieres, & que ce doit être l'un des principaux objets de la vigilance & de l'attention qu'il doit avoir fut foi-même. Mais comme il n'eft pas poffible de s'examiner fur ce point, fi l'on n'eft inftruit à fond de ce que c'eft que la priere, des conditions qu'elle doit avoir pour être efficace

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des moyens dont Dieu veut que nous nous fervions pour en bannir les obftacles pour nous en faciliter l'exercice, il s'enfuit encore que c'est une des connoiffances que nous devons le plus rechercher, & qu'il eft honteux à des Chrétiens de fçavoir une infinité d'autres chofes peu importantes, & de n'avoir que très-peu de connoiffance de ce qui eft neceffaire pour rendre nos prieres efficaces.

Qui n'auroit pitié d'un voyageur qui ne pouvant s'égarer de fon chemin fans fe perdre, s'amuferoit à s'enque, rir de toute autre chofe que de ce chemin. Cependant pour peu de refléxion

qu'on faffe fur la vie & fur cella: des autres, on trouvera qu'il y en a peu qui ne foient coupables d'une imprudence beaucoup plus grande ; puif que la priere nous tenant lieu de cette voye dont on ne peut s'égarer fans perir, & fans perir éternellement, il se trouve que c'eft d'ordinaire à quoi on penfe le moins, & dont on s'informe le plus negligemment.

Peut être qu'on fuppofe que tout le monde en eft fuftifamment inftruit &que la difficulté ne confifte qu'à pratiquer ce que l'on en fçait. Mais cette pensée même eft une preuve, vifible qu'on ne s'eft guéres mis en peine d'approfondir cette matiere, qu'on s'eft contenté d'en avoir une connoiffance très fuperficielle très-imparfaite, & qu'on eft bien éloigné d'en être affez inftruit pour reconnoître les fautes qu'on y peut faire. Car pour peu qu'on prenne foin d'y penetrer plus avant, on trouvera qu'il n'y en a gueres de plus. profonde ni de plus obfcure.

&

En effet, s'il eft fi facile de dif cerner en quoi confifte la veritable priere, d'où vient qu'y ayant parmi les Chrétiens tant de gens qui paffent

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une partie de leur vie dans l'exercice de prier, qui font reglément une & deux heures de méditation par jour, outre les prieres vocales aufquelles leur Inftitut les oblige, d'où vient, dis-je, que ces gens-là paroiffent encore fujets à des paffions fi vives? d'où vient qu'ils font fi temeraires dans leurs jugemens, fi emportez dans leurs difcours, fi peu éclairez dans leurs avis, fi humains dans leurs prétentions & dans leurs defirs? D'où vient que l'expérience ne fait que trop voir qu'on ne trouve gueres plus de mo deration, de droiture & de défin tereffement parmi ceux qu'on appelle des gens d'oraifon que parmi les autres, qu'on n'aime pas mieux avoir affaire à eux qu'à des gens du monde; céqui rend la Religion fufpecte aux libertins, & les porte à croire que tout ce qu'on appelle pieté ou devotion n'eft que grimace & hypocrifie ?

Si toutes ces perfonnes connoiffoient les défauts de leurs prieres, on nen pourroit rien conclure, finon: qu'ils ne fuivent pas leurs lumieres, &qu'ils font emportez par leurs paf fions. Mais ils font d'ordinaire fort contens d'eux-mêmes fur ce point.. Ils s

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