ont grande confiance en leurs médita tions. Ils en donnent des regles aux autres, & il n'y a gueres de chofes dans leur conduite dont ils ayene moins de défiance. Cependant puifque tous les autres défauts ont leur fource en ceux qui se rencontrent dans les prieres, il faut par neceffité qu'il y en ait dans l'oraifon de ceux dont la vie paroît fi défectueufe, & par conféquent que ces défauts foient affez cachez, puifque tant de perfonnes ne s'en apperçoivent pas ; & c'eft ce qui nous doit porrer à nous en inftruire avec plus de foin.. CHAPITRE II. En quoi confifte l'effence de la Priere Ette feconde Partie étant defti née Cace à découvrir l'abus de diverfes fpiritualitez fauffes & trompeufes dans lesquelles diverfes perfonnes s'engagent par le defir d'une perfection éminente, l'ordre naturel de mande qu'on établisse d'abord ce qui fait l'effence de la priere. Il eft peu important de fçavoir pré cifément fi la priere eft une action de l'efprit, qui a la fource dans la charité, comme S. Thomas l'a crû, ou fi ellen'eft autre qu'un faint defir, comme S. Auguftin la définit ; fi l'expref- 22. q fion y eft neceffaite, ou s'il fuffit de les avoir dans le cœur. Mais ce qui eft important de fçavoir, c'eft que foit que ce faint defir en foit feulement la fource, ou qu'il en faffe une partie effentielle, il est toujoursvrai que tout le merite de la priere, tout ce qui la rend efficace auprès de Dieu, tout ce qui obtient de lui les graces qu'on lui demande, tout ce qui lui rend agréables nos paroles & nos penfées, c'est ce faint defir qui les foutient & qui les anime.. Que l'on ait l'efprit rempli de tant de faintes penfées qu'on voudra, que Pon exprime fes fouhaits par des paroles enflammées; que l'on faffe des méditations, des confiderations, des refolutions, des refléxions, des colloques & des élevations dans toutes les regles, que l'on prononce exterieùrement & interieurement les plus ferventes prieres ; qu'on proteste à Dieu tant qu'on voudra qu'on l'aime, qu'on› ladefire, qu'on n'aime que lui, & que 2.9 33.-art l'on ne defire que lui ; que l'on expri me fes demandes en des manieres fi vives & fi touchantes,qu'elles produi fent dans l'imagination & dans les fens de certains mouvemens fenfibles; qu'on le reprefente fi vivement tous les myfteres, qu'on voye J. C. couvert de fon fang fur la Croix comme s'il mouroit devant nos yeux; que l'ima gination foit tellement attentive à ce fpectacle, qu'elle n'en foit point diftraite par aucune autre penfée ; qu'on penetre les myfteres avec facilité & avec lumiere; qu'on pafle fans dégoûr l'heure qu'on s'eft preferite pour prier, qu'on en forte recueilli, émû & attendri, & fi l'on veut qu'on y ait verfé des larmes : il fe peut faire néanmoins, & il arrive même fouvent qu'avec tout cela l'on n'a point prié, & que rout ce que l'on a fait ne merite nullement le nom d'une Priere Chrétienne, parce qu'on n'aura point aimé Dieu,& qu'on n'aura poinr defiré fa juftice. C'eft la charité qui gemit, dit faint Auguftin, c'est la charité qui prie. Celui qui nous la donne ne sçauroit InJoan lui fermer fes oreilles. CHARITAS Ap4 1.6. ipfa gemit, ipfa orat. Contra hanc aures clandere non novit qui dedit illam. · qui C'est l'amour qui demande, dit encore ce faint Docteur, c'est l'amour qui cherche, c'est l'amour qui frappe à la porte: C'est l'amour qui nous découvre les veritez, & c'est la mour qui nous fait demeurer fermes dans les veritez qu'il nous a découver tes: AMOR E petitur, amore quaritur, amore pulfatur, amore revelatur, amore denique, in eo quod revelatum. eft, permaneture. Qui n'a donc point d'amour veri table; ne fait rien de tout cela.. ces Or aimer Dieu, ce n'eft pas dire à Dieu qu'on l'aime.. Defirer Dieu, ce n'eft pas dire à Dieu qu'on le defire, de même qu'aimer Dieu & defirer Dieu parfaitement, ce n'eft pas dire à Dieu qu'on l'aime. & qu'on le defire parfaitement. Ces declarations, ces expreffions penfées fe poffent dans l'efprit, &. éfident dans l'efprit; mais il s'en faut bien que tout ce qui eft dans l'efprit ne foit dans le cœur. Qu'il feroit facile d'être parfaitement, vertueux, fi toutes ces penfées & tous. ces difcours étoient de veritables fentimens, & de veritables mouvemens du cœur! Car comme il eft certain: que pour être juftifié il ne faut qu'aimer Dieu plus que toutes chofes, & que pour l'être parfaitement, il ne faur qu'aimer Dieu parfaitement, il n'y auroit rien de fì aisé que d'être à toute heure parfaitement juftifié, puifqu'il n'y a point d'heure où l'on ne puiffe dire fans peine que F'on aime Dieu fouverainement & uniquement. Ainfi un Predicateur qui feroit faire à tous fes auditeurs ce qu'on appelle un acte de contrition, les renvoyeroit tous juftifiez. Mais Dieu n'a pas voulu que le falut fût fi facile, ni que la porte de la vie fût fi large. Ce n'eft ni par la langue ni par l'efprit qu'on y entre, c'eft par le cœur. C'eft où réfidé le S. Efprit, qui eft la fource des prieres Chrétiennes. Et c'est là qu'il produit ces gémiffemens ineffables qui font toujours exaucez. Ainfi il peut fort bien arriver que des gens qui auront fait plufieurs heures de méditation réglée toute leur vie, ayent très rarement prié pendant tout ce temps, parce qu'ils auront eu rarement de veritables mouvemens d'amour de Dieu. Il peut arriver de même que ceux qui ont |