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verfé des larmes dans leur oraifon n'ayent jamais prié, parce qu'ils n'auront point eu dans le fond du cœur ce defir & cet amour de la juftice & de la vie éternelle fans lequel il n'y a point de Priere.

Ilya, dit faint Auguftin

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priere continuelle qui n'eft autre chose que le defir même. Quoique vous faf fiez, fi vous defirez le repos éternel, vous ne ceffez point de prier, & votre defir continuel eft une voix continuelle. Si vous ceffez de defirer,vous commencez. de vous taire, & fi la charité demeure toujours en vous, vous priez toujours, mais auffi fi vous ne defirex jamais, vous ne priez jamais,& vous êtes dans un filence perpetuel à l'égard de Dien: TACEBI1s fiamare deftiteris.. Frigus charitatis filentium cordis eft.

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En un mot ce ne font pas nos paroles, foit prononcées, foit conçûës, que Dieu entend, c'eft la difpofition de notre cœur: Preparationem cordis eorum audivit auris tua.. Comme la bouche, dit faint Auguftin, parle aux oreilles de l'homme de même le cœur de l'homme parle aux oreilles de Dieu.

Voilà le dénouement de cette

experience fi ordinaire, par laquelle on voit fouvent tant de défauts groffiers & fenfibles dans ceux que l'on appelle des gens d'Oraifon. Car il paroît par là qu'il y en a bien à qui on donne ce nom qui ne le merirent pas, & qui avec toutes leurs méditations fi reglées n'ont guéres prié dans toute leur vie.

C'est ce qui nous doit humilier", quelqu'affidus que nous foyons dans les exercices de pieté, & principalement dans celui de la priere, puilqu'il fe peut faire avec tout cela que nous ayons fait très rarement de ces Prieres Chrétiennes qui font: les feules que Dieu entend, & les feules qu'il exauce.

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Ainfi il ne faut pas tant juger de nos prieres par les penfées que nous y avons, que par le fond de la charité qui les doit produire. Et comme il n'y a rien de fi caché que ce· fond de charité qui réfide dans le cœur, il n'y a rien auffi de plus obfcur pour nous que notre priere.

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Eclairciffement plus ample des illufions qni naiffent de ce que l'on confond les pensées de l'efprit avec les mouvemens du cœur.

Lmarquée

A difference que nous avons remarquée entre ce qui ne fe paffe que dans l'efprit & les fentimens effectifs du cœur, eft fi importante pour mieux comprendre comment il peut arriver qu'en failant reglément chaque jour plufieurs heures de priere mentale on ne fait jamais de veritables prieres, qu'il eft neceffaire d'approfondir encore davantage cette matiere, & de découvrir tout ce qui contribuë à cette illufion fi dangereufe.

Ce qui fait que l'on s'y trompe n'eft pas que l'on ignore en general qu'il n'y a point de vraye priere qui ne vienne du cœur & qui ne foir un faint defir. Cette illufion a une cause plus fine & plus fubtile, qu'il eft bon de découvrir. Voici de quelle forte l'ame s'y engage.

Elle ne fçauroit aimer que ce

qu'elle conçoit, & elle conçoit toûjours ce qu'elle aime. Mais quoique la connoiffance foit toûjours jointe à l'amour, l'amour n'eft pas toûjours de même joint à la connoiffance, y ayant quantité de chofes que l'on conçoit par l'efprit fans les aimer par la volonté, quoique l'on ne laiffe pas d'en confondre la penfée avec l'amour.

La fource de cette erreur eft qu'il y a certains objets dont on conçoit aifément qu'ils font dignes d'être aimés, fans qu'on les aime en effet. II n'y a perfonne, par exemple, qui n'ait cette idée de Dieu qu'il eft le bien fouverain; mais il y a bien de la difference entre croire que Dieu eft digne d'être aimé & l'aimer effectivement: Et il eft auffi rare de trou ver des hommes fans cette créance, qu'il eft rare d'en trouver qui foient veritablement pénetrez de cet amour. La créance n'eft que dans l'efprit l'amour a fon fiege dans le cœut. Ce pendant l'ame confond aifément ces deux actions & s'imagine aimer réellement ce que l'efprit lui pro pofe comme digne d'être aimé.

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Ce qui contribue beaucoup à cette erreur, eft que quoique l'ame n'aime

pas Dieu pour juger qu'il eft digne d'être aimé, elle aime neanmoins beaucoup de chofes dans l'amour de Dieu confideré comme objet de fa pensée, & connu par une reflexion d'efprit, Car cet amour a certaines qualitez qui le peuvent faire aimer & rechercher par l'amour propre. On connoît par l'efprit qu'il rend l'ame plus excellente, plus noble plus fpirituelle; on fçait qu'il eft une preuve qu'on eft aimé & favorifé de Dieu, qu'il releve ceux à qui il est donné, & les met dans un état plus heureux.

Il peut donc arriver qu'y ayant dans l'efprit cette lumiere que Dieu eft digne d'être aimé à caufe de fa juftice & de fa fainteté, & cette lumiere demeurant fterile, c'est-à-dire l'ame n'aimant point effectivement cette juftice & cette fainteté, l'efprit foit frapé & touché de ces autres idées, que l'amour de Dieu eft un grand bien pour l'ame qui le poffede; qu'elle eft beaucoup plus eftimable, plus heureuse, plus excellente, & que ces idées l'attirent, & produisent en elle des fentimens d'amour. Or comme toutes ces idées font jointes

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