Imágenes de páginas
PDF
EPUB

mais "

pas

[ocr errors]

non d'en connoître la nature, d'en éprouver la douceur. Ce n'eft un bruit formé par la bouche. C'est un " cri que pouffe le cœur. Ce n'eft pas un fon des levres, mais un tranfport " de joye. Ce n'eft pas un accord de « voix, mais un confentement de volon- " tez. On ne l'entend point au dehors. " Il n'en retentit rien en public. Il n'eft ** entendu que de celui qui le chante, & " de celui pour qui on le chante, c'est-" à-dire, de l'époux & de l'époufe. C'eft" un chant nuptial qui exprime une chaf- " te & douce union de cœur & d'affec. " tion & une ardeur mutuelle de charité. “

Il décrit dans le cinquante-deuxiéme Sermon fur les Cantiques une forte de contemplation & de fommeil fpirituel, où l'ame eft entierement dégagée des images du corps, & où bien loin de fentir les paffions, elle ne fent pas même la vie. Quid enim formidetur luxuria, ubi nec vita fentitur. Il témoigne qu'il y en a qui avoient eu le bonheur de recevoir de Dieu cette grace, & qui avoient éprouvé ce lecret fi plein de douceur. Et ce qu'il dit fur ce fujet fait voir, que bien loin de méprifer ces graces dans les autres quand on a fujet de les croire verita

,,bles, on ne les fçauroit trop eftimer. » Je ne me poffede pas, poffede pas, dit-il, dans > l'excès de la joye que je reffens de ce que cette fouveraine Majefté ne dé> daigne pas de le rabaiffer jufqu'à avoir › avec nous une union fi étroite & fi familiere de ce que la divinité veut ›› bien s'unir par un mariage tout divin », avec une amie exilée, & lui donner », les marques d'un amour ardent, com» me l'époux & l'épouse.

"

Je ne prétends point du tout conclare de là, que faint Bernard ait connu les oraisons & les états extraordinaires décrits par les Myftiques; ce qui feroit affez difficile à prouver, & demanderoit de grandes difcuffions. Je conclus feulement qu'il a eftimé les états extraordinaires qu'il a connus, & qu'ainfi pour fuivre l'efprit de faint Bernard, il faut tenir le milieu entre une legereté crédule, & une incrédulité fiére & arrogante; entre la vanité qui fait eftimer & defirer pour nous tout ce qui eft extraordinaire, & le mépris préfomptueux des graces de Dieu dans les autres. Il faut qu'en ce qui nous regarde nous demeurions dans les bornes de notre grace, fans afpirer à celles qui n'y sont pas pro

portionnées; qu'à l'égard des autres, nous ne croyons pas legerement celles qu'on pourroit leur attribuer; mais que nous ne foyons pas auffi abfolument fermes à n'en croire aucune quelque preuve qu'on en ait, comme fi nous fçavions les bornes de la puiffance de Dieu, & que nous fuffions pleinement inftruits de tous fes confeils. S'il arrive donc que nous reconnoiflions dans les autres de ces fortes. de graces, la pieté nous les doit faire regarder avec eftime & avec refpect comme des marques précieufes de l'amour de Dieu envers les hommes, dont tous ceux qui aiment Dieu doivent avoir avec faint Bernard une joye & une reconnoiffance particuliere. Car on les reçoit en quelque forte en Bera la perfonne des autres; puifque tous in Cant les Chrétiens ensemble ne font qu'un Serm même corps, & une même perfonne felon les Peres.

[ocr errors]

CHAPITRE VII.

Que le délaiffement de Jesus-Chrift ne donne point licu de préferer ni d'égaler P'état de féchereffe &de tentation à l'état de ferveur & de paix.

[ocr errors]

Ien n'engage plus facilement dans l'erreur, que lorfque des chofes

très-differentes dans le fond conviennent dans quelques qualitez generales, & font exprimées de plus par les mêmes mots. Car il arrive ailément de là qu'on s'arrête à ce qu'elles ont de commun, & que n'en remarquant les differences, on dit de l'une ce qui n'est vrai que de l'autre, ce qui eft une grande fource de faux raifonnemens & de fauffes conféquen❤

pas

ces.

C'eft proprement ce qui arrive à l'égard de l'état de Jesus-Christ à la croix, & les états penibles par lefquels Dieu permet que certaines ames paffent. Ces états conviennent en ce qu'ils enferment une privation de confolations, & ainfi ils ont quantité de noms communs. On dit de Jesus-Christ sur

la croix, qu'il a été dans un état terrible de défolation, de délaissement, d'agonie, de fouffrances interieures. Or on applique tous ces mêmes mots à ces états de froideur, d'infenfibilité, & de tentation, dont Dieu perme que quelques ames foient affligées.

Il eft donc très-facile d'abufer de l'état où Jefus-Chrift s'eft réduit luimême dans fa croix, pour relever ces états des ames tentées, & d'en conclure que comme le délaiffement de Jesus-Christ a été l'un des plus divins états de fa vie, comme il a été le plus penible, de même ces états de délaiffement où les ames fe trouvent, font les plus parfaits de ceux où elles puiffent être, parce qu'elles y font des plus parfaites images de Jefus-Chrift en fa

croix.

On voit jufqu'où l'imagination fe roit capable d'aller fur ce fujet. Et c'eft pourquoi je croi important de marquer les differences des peines interieures de Jesus-Chrift dans fon état de délaiffement, & de celles que les hommes peuvent éprouver dans ces états aufquels on donne le même nom.

La premiere, qui eft la fource de toutes les autres, eft que les peines

« AnteriorContinuar »