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voit qu'on fera obligé de rendre comp te de fon Oraifon, parce qu'il nous vient alors une vûë fecrette, que fi l'on nous en interroge, on aura dequoi faire voir qu'on a de la lumiere & de l'efprit.

Il peut y avoir encore d'autres raifons qui nous engagent dans ce défaut qui eft fi contraire au veritable efprit de priere, que Jefus - Chrift a crû le devoir condamner expreffément. Car c'est ce qu'il fait par ces Matt.6. paroles: Lorfque vous prierez, ne vous mettez pas en peine de parler beaucoup, en imitant les Payens qui s'imaginent qu'en parlant beaucoup, ils en feront plus facilement exaucez. Car cette défense ne se doit feulement entenpas dre de la multitude des paroles exterieures, mais auffi de la multitude des pa oles interieures, c'eft à-dire des penfées, qui eft le langage que confidere le plus

Dieu

En effet bien loin que cette foule de penfées ferve au but de la priere, elle y nuit au contraire ordinairement, parce qu'elle diffipe l'efprit & l'empêche de s'appliquer autant qu'il faudroit à pénetrer les veritez. Cependant ce n'eft pas la multitude des

verités qui fert au reglement de nos mœurs, puifqu'elle s'efface fouvent de la memoire auffi aifément qu'elle s'y imprime; mais c'eft d'être vivement touché de certaines veritez ca- . pitales fur lefquelles on doit établir la pieté. Une feule verité dont le cœur eft rempli, nous eft plus utile que cent autres, que nous ne concevons que d'une maniere fuperficielle. Qui feroit bien pénetré, par exemple, de cette maxime: Que Dieu fait tout dans le monde, & qu'il ne fait rien que de jufte, en tireroit plus de force pour demeurer immobile dans les adverfitez de la vie, & pour être à l'épreuve de tous les maux & de toutes les difgraces, que d'une infinité d'autres verirez aufquelles il fe feroit appliqué legerement.

Il faut donc tâcher non à multiplier les connoiffances dans la priere, mais à augmenter la clarté de ces connoiffances & l'impreffion qu'elles font far notre cœur ; & c'eft principalement en cette maniere qu'il faut croître en lumiere felon faint Auguftin. On croît, Aug. ia dit ce faint Docteur, dans l'efprit mê- Joan. me, non seulement en devenant capable 11. 97. de paffer du lait aux viandes folides ;

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mais auffi en retirant plus de nourritu re des mêmes viandes. Et cet accroif fement ne confifte pas dans une extenfron pareille à celle du corps,mais dans augmentation de la lumiere ; puifqua la nourriture de I ame n'eft autre chofs qu'une lumiere fpirituelle & intelligible. Mais la caufe de cet accroificment. eft l'amour avec lequel on reçoit ces veritez, comme ce même Pere l'enfeigne. On ne sçauroit aimer InJoan. dit-il, ce qu'on ignore abfolument. Mais quand on aime ce qu'on connoît d'une maniere imparfaite, cet amour même. fait que nous le concevons plus pleinement & plus parfaitement. Non enim diligitur quod penitus ignoratur : fed cùm diligitur quod ex quantulacumque! parte cognofcitur, ipfâ efficitur dilectione ut meliùs pleniufque cognofcatur. ET. C'est ainsi, ajoute-t'il, que le faint Efprit enfeigne toute verité, en augmentant la clarté dans nos cœurs. ISTO enim modo docebit Spiritus omnem veritatem cùm magis magifque diffundet: in cordibus veftris charitatem.

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Bien loin donc qu'il faille favorifer: dans la priere cette inquiétude d'efprit qui le porte à pafler de penfées en penfées, & à multiplier fes com

noil ances: Il faut tâcher au contraire de l'arrêter autant que l'on peur à la confideration d'une même verité, en ne lui permettant de paffer à d'autres que par une espece de condefcendance à fa foibleffe, & lorfqu'on voit qu'il eft incapable de s'y foûtenir. Er c'eft ce que nous avons vû que Caf fien rapporte de l'Abbé Ifaac, comme un avis important dans la vie fpirituelle & dans la conduite de l'Oraifon..

CHAPITRE X VIL

TROISIEME

A BUS.

Aimer les lumieres pour les lumieres, & ne s'appliquer qu'à certaines veritez qui font moins fâcheuses à l'amour propre en laiffant les autres.

A moderation qu'on doit garder dans la recherche des lumieres doit encore aller plus avant; car il faut avoir dans l'efprit en s'appliquant à la priere, que la vie préfente n'étant pas le tems des connoiffar ces fublimes de Dieu, mais des bonues ac

tions & de fouffrances, on ne doit ni defirer ni rechercher les lumieres qu'autant qu'elles nous portent à l'amour de Dieu, & qu'elles nous fer vent à regler nos pas ; & qu'ainfi quoiqu'il faille recevoir avec reconnoiffance toutes celles qu'il plaît à Dieu de nous donner, on doit pourtant plû. tôt apprehender que deficer celles qui ne font pas néceffaires à la conduite de notre vie; ce qui nous oblige de nous renfermer autant qu'il nous eft poffible dans la méditation de celles qui nous découvrent notre chemin, & qui nous éclairent & nous fortifient pour y marcher.

C'est pourquoi nos méditations ordinaires doivent regarder nos devoirs. Elles doivent tendre à en pénetrer l'étendue, à connoître les moyens de les pratiquer, à regler nos occupations & nos actions, foit à l'égard de ce qui en fait le corps, foit à l'égard de l'efprit avec lequel il les faut faire. On y doit prévoir les tentations aufquelles on eft fujet, & cel les où l'on peut être expofé dans chaque action, afin de demander à Dieu qu'il nous en préserve. On doit y prendre des voyes & des mesures

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