Imágenes de páginas
PDF
EPUB

rapporter, quoiqu'il y ait une extrême difference entre l'une & l'autre. Car la veritable intention n'est pas une penséc, mais un mouvement du cœur, qui fe porte vers la fin, & qui nous fait choifir les moyens que nous jugeons propres pour l'acquerir. Ainfi ce n'eft autre chofe que l'amour même qui tend à la fin, & quand cette intention eft droite, ce n'eft autre chose que la charité qui tend à Dieu, & qui nous porte à employer certains moyens pour lui plaire.

Mais il fe peut fort bien faire, & il arrive même très-fouvent, qu'ayant dans la volonté l'amour d'une certaine fin humaine, qui eft le principe effectif de nos actions, nous concevons par l'efprit l'idée d'une intention fainte qui regarde uniquement Dieu, & que nous prenons cette image d'intention pour la veritable intention qui produit nos actions, quoique ce foient deux chofes très-differentes.

Car concevoir une intention pure, n'est pas avoir une intention pure; comme concevoir un defir, n'eft pas avoir un defir. L'en eft louvrage de l'efp it, & une action toute naturelle, qui eft par confequent toujours en notre puiffance. L'autre eft

Tome II.

C

un ouvrage du Saint Efprit, un don furnaturel de la grace que nous devons obtenir par nos prieres. L'un Jaiffe nos actions telles qu'elles font, & ne fert souvent qu'à nous cacher l'impureté qu'elles tirent de la fource corrompue dont elles naiffent. L'autre les fanctifie & le's rend pures. Ainfi il faut bien prendre garde à ne pas prendre le change; & quoiqu'il foit utile de concevoir l'idée de ces intentions pures, & de rapporter actuellement nos actions par notre pensée à leur veritable fin, il eft très-dangereux de croire que nous ayons actuellement ces intentions dans le cœur, parce que nous en avons la pensée.

Avoir une bonne intention c'est aimer la volonté & la loi de Dieu, confulter cette loi pour regler fes actions, & les faire enfuite pour obeïr à cette loi, enforte que Dieu voye dans notre cœur ce qui nous y porte & ce qui nous fait agir. C'est le defir de lui obéir, & l'ąmour de fa loi & de fa juftice.

Ainfi un homme a fujet de croire qu'il agit avec une bonne intention, lorfqu'aïant confulté Dieu le matin pour regler fes actions, & le confultant de même le long du jour fur tou̟

tes les rencontres nouvelles qui fe prefentent, il fait enfuite toutes les action's par l'impreffion de ce defir d'obéir à Dieu, & par l'amour de fa volonté.

Il n'eft pas befoin pour ce'a qu'il penfe toujours actuellement à Dieu, comme il n'eft pas befoin qu'un homme qui entreprend un voyage pense toujours actuellement au terme de fon voyage mais il eft neceflaire que, ce foit le defir d'obéir à Dieu qui soit le principe effectif de fes actions, de la même forte que tous les pas que fait un homme qui marche dans le chemin qui le conduit à la fin de fon voyage ont pour principe le defir d'y arriver, quoique fouvent il n'y penfe pas.

Il est donc vrai qu'il fuffi: que nos actions foient rapportées à Dieu par une intention qu'on appelle virtuelle, & que l'intention actuelle n'eft pas neceffaire; mais il faut que ce foit une intention qui en foit effectivement le principe, & que Dieu voye que la veritable caufe pour laquelle nous faifons une certaine action & non pas une aurre, eft le defir de lui p'aire Tunc enim dicuntur opera virtute in DeJuft. Deum relata cùm intentio præcedens eft 1. 5. c.

Cij

15.

vera caufa operum qua poftea fiunt, die le Cardinal Bellarmin.

Et c'est ce qui fait voir qu'il faut bien diftinguer la veritable intention qui produit nos actions non feulement des penfées par lefquelles nous les concevons, mais encore plus de ces oblations generales par lefquelles on les offre & on les confacre à Dieu. Car il eft clair que ce n'est point en vertu ou par l'impreffion de ces oblations que nous agiffons, puifqu'elles ne ne nous portent point par elles-mêmes à une action plûtôt qu'à une autre.

Auffi ces oblations, ces rapports intellectuels, ces proteftations, ne font que des pensées & non des actions de la volonté, & quand elles feroient mêmes jointes à des mouvemens effectifs de charité par lefquels nous voudrions dans le tems que nous les formons, que nos actions fe rapportaflent à Dieu, ce feroient fimplement des defirs d'une bonne intention, mais ce ne feroient pas encore de bonnes inten

tions.

Car comme on peut defirer une vertu qu'on n'a pas, & que le defir de la temperance eft diftingué de la pratique actuelle de la temperance, ainfi le

defir que nous concevons que nos actions foient faites purement pour Dieu, n'eft pas un rapport actuel de nos actions à Dieu. Avec tous ces rapports & toutes ces oblations, il y a dans nos actions un amour fecret qui y domine, qui les produit, qui les rapporte à fa fin. Esc'eft dans cette vûë fecrette & cet amour caché, que confifte la veritable intention. Nous devons demander fans ceffe à Dieu qu'il purifie notre cœur, qu'il en banniffe toutes les vûës des créatures; mais nous ne devons pas prendre ces defirs, ni ces prieres pour des intentions actuelles, ni croire que nous avons agi purement pour Dieu, parce que nous avons fait dans notre efprit un acte par lequel nous avons protesté que nous ne voulons rien faire pour lui.

que

C'est pourquoi quand on joindroit à toutes ces actions la penfée expreffe de les faire pour des intentions les plus relevées & les plus pures qu'on fe puiffe imaginer, quand on protefteroit den'y avoir en vûë que la gloire de Dieu, de les vouloir faire pour les mêmes fins pour lefquelles il fait luimême les fiennes, quand on s'uniroit

« AnteriorContinuar »