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L'illufion confifte donc uniquement à fuppofer que le feul figne exterieur, comme peut être une afpiration ou une refpiration, fans être joint à une action interieure prefente, ni à aucun mouvement d'amour de Dieu, foit accepté de Dieu comme un veritable acte d'amour. Car les conventions faites avec Dieu ne fçauroient faire qu'il voye les chofes autrement qu'elles ne font, & qu'il en juge d'une autre maniere qu'elles ne meritent. Nous pouvons bien defirer que Dieu le faffe, mais il ne s'oblige pas à le faire, ou plutôt fa verité l'oblige de n'en rien faire. Et par confequent ces conventions ne fçauroient faire que ce qui n'eft pas acte de charité foit regardé & reputé de Dieu comme un acte de charité.

Or ces afpirations & ces refpirations aufquelles l'efprit ne joint actuellement aucune penfée ni aucune action de la volonté, ne font point par ellesmêmes des actes de charité. Elles ne procedent en aucune forte de la charité. C'eft la nature qui en eft l'unique caufe. Et par confequent il eft impoffible que Dieu nous les compte com me des actes de charité.

A la verité Dieu voit que celui qui avoit fait cette convention auroit fouhaité que ce fuffent autant d'actes d'amour de Dieu, comme le Prophete en 34. dilant: Que tous mes os vous difent :: Seigneur qui eft femblable à vous? auroit fouhaité que ces os fuffent autant de langues pour relever la grandeur de Dieu; comme le même Prophete en FL 192, disant :0 mon ame, benis le Seigneur &que tout ce qui eft en moi rende gloire à fon faint nom, defiroit que toutes les parties de fon corps & toutes les puiffances de fon ame fe joigniffent pour rendre graces à Dieu de fes bienfaits & comme en difant : Que le ciel, la terre & la mer le loiient, & tous les reptiles qui y font, il defiroit en effet que toutes les creatures s'uniffent pour louer Dieu, ou que nous tiraffions des fujets cotinuels de louanges de la vûë des creatures. Mais de même qu'il feroit ridicule de prétendre qu'après que le Prophete eut fait ces fouhaits il n'avoit plus qu'à demeurer en repos,. & qu'ayant attaché la fignification de: louange & d'action de grace au ciel,. à la terre, à la mer, aux poiffons, à fes os, & à toutes les parties de fon cre,, Dieu lui. comptoit: chaque mo◄

ment de l'être de ces creatures comme de nouveaux actes de charité; il eft ridicule de même de prétendre qu'à cause d'un pareil fouhait des actions purement naturelles deviennent des actions de charité & augmentent notre merite.

S'il y a donc quelque merite dans ces fouhaits, il eft dans le fouhait même, & non dans cette fignification qu'on donne à des chofes qui par elles-mêmes ne font point des actes de charité, & toute l'utilité de ces fignifications arbitrairesne peut confifter qu'à exciter nos pensées, & par nos penfées, nos affections & nos defirs.

Si donc celui qui feroit accoutumé à regarder les afpirations comme une image de la neceffité d'attirer en nous l'a grace par la priere, & fes refpirations comme l'image de l'obligation où nous fommes de rendre à Dieu fes bienfaits par l'action de grace, enfuite de ces images formoit fouvent des defirs de cette grace, & étoit fouvent averti d'en rendre grace à Dieu, il meriteroit en effet non à proportion des refpira ions ou afpirations qui ne meritent rien par elles-mêmes, mais. à proportion de fes defirs & de fes.

actions de graces interieures. Il faut donc fuppofer pour éviter toutes ces illufions qu'on ne merite point auprès de Dieu par une efpece de fineffe, qu'il ne se tient honoré que par la charité, qu'il ne compte nos actions qu'a proportion de la charité qu'il y voit ; & qu'ainfi il ne faut pas prétendre que parce qu'on s'eft avifé de fouhaiter que toutes ces refpirations foient des fignes de la charité, on merite davantage que fi on avoit fait quelque autre action avec une égale charité. Au contraire il y a bien de l'apparence, comme nous avons déja dit, que rien n'eft de moindre merite que ces fortes de fouhaits, parce qu'ils ne coûtent rien, qu'ils n'incommodent en rien la cupidité, & que n'étant point opposez à l'amour propre, & y étant au contraire très-conformes, il fe peut faire très facilement qu'ils n'ayent point d'autre fource que Hotre propre intérêt.

CHAPITRE VII.

Qu'il ne faut pas juger du merite de l'Oraifon par la ferveur sensible.

ON

N auroit tort d'accufer ceux qu ont traité de la priere, d'avoir prétendu juger de la pureté & du mérite qu'elle peut avoir, par les mouvemens fenfibles que quelques-uns y éprouvent, & par les confolations, les goûts & les douceurs qu'ils y peuvent reffentir. Car il n'y a point d'avis qu'ils ayent eu foin de repeter plus fouvent, & d'inculquer davantage que celui que cette regle feroit trèsfauffe; que tous ces fentimens fi tendres ne font pas des preuves certaines de la perfection de l'Oraifon; que Dieu les peut accorder à ceux qu'il veut attirer & qui commencent à marcher dans cette carriere fpirituelle mais qu'il les retire d'ordinaire aux ames plus avancées & plus fortes. Et en effet, on les trouve dans des ames très foibles & très-imparfaites, & qui n'ont même aucun fentiment d'une: veritable charité..

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