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de perfection qu'ils auroient eux-mêmes formé.

C'est pourquoi comme ces pensées peuvent engager dans une illufion dangereufe, il eft utile d'en faire voir la fauffeté avec quelque foin.

Ce n'eft pas qu'on veüille nier, que l'ame ne puiffe être tellement touchée en de certains momens du bonheur de Dieu, qu'elle ne fonge point du tout alors à fon bonheur particulier. Et c'eft peut-être ce qui pourroit faire croire à quelques perfonnes qui n'examineroient pas affez les chofes, que les ames parfaites doivent toujours être dans l'indifference pour leur falut. Mais on ne peut oublier ainfi fon propre bonheur, que parce que l'efprit humain eft fi étroit, qu'il de remplit fouvent tout entier d'une partie de l'objet qu'il confidere, & qu'il ne comprend pas tout ce qu'il enferme réellement. Car il eft aifé de faire voir que l'amour de Dieu le plus pur & le plus defintereffé enferme celui de notre falut ; que cette difpofition eft effentielle à la pieté chrétienne; qu'elle n'eft point de confeil, mais de precepte ; & que bien loin dêtre oppofée à la pureté de la charité, c'est

au contraire la charité la plus pure qui nous y oblige.

tain

Il s'agit de fçavoir s'il eft bon de defirer & de demander à Dieu la beatitude; ce qui ne fait pas deux queftions differentes ; parce qu'il eft cerdemander ce que l'on peut que l'on peut defirer, & que l'on peut defirer ce que l'on peut demander, & qu'ainfi la regle de nos prieres eft en même tems celle de nos defirs. Or il eft bien aifé de fçavoir la regle de nos prieres, puifque nous l'avons dans l'Evangile;cette regleétant contenuë dans l'Oraifon Dominicale, que les Peres appellent l'abregé de l'Evangile, Breviarium Evangelii, & qui comprend felon eux toutes les prieres legitimes que l'on peut faire à Dieu, parce, , dit faint Auguftin, que tout ce que nous pou- Ep.121. vons defirer eft enfermé dans cette priere, fi nous prions comme il faut ; & que nous ne prions pas comme il faut, fi nous demandons autre chofe.

Cependant par la feconde demande de cette divine priere on demande à Dieu expreflément que fon Royaume arrive. C'eft à-dire, felon Tertullien, que nous defirons de n'être pas plus de orat. long-tems efclaves, & d'être mis en pof- c. s.

Tertul.

Seffion de notre Royaume: OPTAMUS maturiùs regnare non diutiùs fervire: QUE nous demandons à Dieu, felon Cyp.de faint Cyprien, ce Royaume acquis par cat. le fang & les fouffrances de Jefus-Chrift; Que nous excitons en nous, (elon faint Auguftin, le defir de ce Royaume, afin que nous y puiffions arriver, & que nous Joyions trouvez dignes d'y regner.D ESIDERIUM noftrum ad illud regnum excitamus ut nobis veniat, atque nos in eo regnare mereamur.

,

Mais ce n'est pas feulement dans cette demande que ce defir & cette recherche de la beatitude font exprimés. Saint Auguftin la trouve auffi renfermée dans ces autres paroles: Fiat vo ferm. luntas tua. Caril veut que nous de. Dom. mandions à Dieu par là que la volonté inmon de Dieu foit accomplie par les Saints te 1. 2. de la terre, comme elle eft accomplie

De

C. 6.

par les Anges dans le ciel; c'eft à-dire, que ces Saints de la terre foient pleinement attachés à Dieu comme les Anges; que comme les Anges joüiffent toujours de Dieu fans que leur fageffe foit obfcurcie par aucune erreur, ni que leur beatitude foit empêchée par aucune mifere, le même bonheur fois accordé aux hommes. De forte que,

fele

Saint Auguftin, demander le pariait accomplillement de la volonté de Dieu, c'eft demander la parfaite beatitude.

Les Pleaumes de David qui font encore des modeles de prieres vraiment chrétiennes, & que l'Eglife propofe à fes enfans, afin que les recitant ils tâchent d'entrer dans tous les mouvemens qui y font exprimez, font tous pleins de ces defirs de la felicité du ciel.

Seigneur des vertus, dit ce faint Roy, Pf. 83. que vos demeures font aimables: Mon ame languit & fe confume par l'extrême defir qu'elle a d'entrer dans le Palais du Seigneur.

Mon ame, dit il ailleurs,brûle d'un Pf. 43 defir ardent de jouir de Dieu: de ce Dieu fort, de se Dieu vivant. Quand ferace que j'irai paroître devant votre vifage divin? J'ai été, dit-il encore, tout pl.127 réjoui de l'heureuse nouvelle que j'ai apprife, que nous irons en la maison du Seigneur.

Saint Paul dit dans l'Epître aux Ro- Ad mains,que nous gemiffons en nous-mêmes, Rom. attendant l'effet de l'adoption divine, la c. 8. v redemption & la délivrance de nos corps. Ad Et dans celle à Tite il dit, que nous Tit. &

23.

. 13. devons être dans l'attente de la beatitude que nous efperons, & de l'avenement glorieux du grand Dieu notre Seigneur Jefus-Chrift.

Ad

Heb.

14.

.

Il dit dans celle aux Hebreux, que nous cherchons une ville où nous devons

13. v. habiter un jour, pour montrer que la beatitude doit être l'objet de notre recherche. Et il nous exhorte dans l'Epître aux Romains, à méprifer les maux de ce monde par la grandeur de Rom.c. la gloire que nous efperons : Non funt 2.v.28.condigna paffiones hujus temporis ad futuram gloriam qua revelabitur in nobis.

Mais rien ne nous peut mieux inftruire de ce que l'on doit conclure de toutes ces expreffions de l'Ecriture, que ce que l'Eglife en a conclu ellemême, fa conduite n'étant que la pratique des veritez qu'elle en tire, & l'efprit qui l'anime & qui forme fes prieres étant le même qui a infpiré l'Ecriture à ceux qui font Auteurs des li vres qu'elle contient.

Or fi nous confultons cette regle, nous trouverons non feulement que toute l'Eglife prie pour fa beatitude, mais que c'eft la principale de fes prieres, & qu'elle la renouvelle en une infinité de manieres.

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