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Mais d'abord il eft bon de vous prévenir fur l'idée que vous devez vous former des Princes du Sang de la Chine; vous vous tromperiez fort fi vous les compariez à ceux d'Europe, & fur tout de la France, où la fuite glorieuse de tant de Rois leurs Ancêtres les éleve de beaucoup audeffus des perfonnes même les plus diftinguées de l'Etat : leur petit nombre leur attire encore plus d'attention & de refpect, & ce refpect s'augmente dans l'ef prit des Peuples, à proportion qu'ils approchent de plus près du Trône.

Il n'en eft pas ainfi à la Chine: les Princes du Sang, dont je vais parler, touchent prefque à leur origine; ils ne vont qu'à cinq générations; leur nombre néanmoins s'eft tellement multiplié en fi peu de tems, qu'on en com

pte aujourd'hui plus de deux mille: cette multitude, en les éloignant du Trône, les avilit, furtout ceux qui d'ailleurs fe trouvant dépourvûs de titres & d'emplois, ne peuvent figurer d'une maniere conforme à leur naiffance: c'eft ce qui met une grande différence entre les Princes du même Sang; & ce qui doit vous faire juger quels étoient les obftacles qu'avoient à furmonter ceux dont je parle, qui ont embraffé le Chriftianisme.

Je dois encore vous faire obferver qu'il y a à Peking un Tri- bunal uniquement établi pour y traiter des affaires des Princes: on ne veut pas qu'ils foient confondus avec le commun du Peuple.Les Préfidens & les premiers Officiers de ce Tribunal font des Princes titrez: on choifit les Of ficiers fubalternes parmi les Man

darins ordinaires: c'eft à ceux-ci dedreffer les actes de procedure, & de faire les autres écritures néceffaires. C'eft auffi dans les Regiftres de ce Tribunal qu'on inf crit tous les enfans de la famille Roïale, à mefure qu'ils naiffent; qu'on marque les titres & les dignitez dont on les honore ; qu'on les juge, & qu'on les punit s'ils le méritent.

-Autre obfervation à faire, c'est que tous les Regulos, outre leur femme légitime, en ont ordinai rement trois autres aufquelles l'Empereur donne des titres, & dont les noms s'infcrivent dans le Tribunal des Princes : les enfans qui en naiffent ont leur rang après les enfans légitimes, & font plus confidérez que ceux qui naiffent des fimples Concubines, que les Princes peuvent avoir en auffi grand nombre qu'ils le fouhaitent. A iij

L'Empereur qui regne au jourd'hui, n'eft que le troifiéme de ceux qui ont regné depuis 81 ans fur toute la Chine & la Tartarie; mais il eft le cinquiéme fi on remonte jufqu'à fon Bifaïeul & à fon Trifaïeuk: celui-ci après avoir fubjugué fon propre payis, conquit encore toute la Tartarie Orientale, le Royaume de Corée, la Province de Leaorong au-delà de la grande Muraille, & établit fa Cour dans la Capitale appellée Chinyam par les Chinois, & Moukeden par les Tartares Mantchéoux, On lui donna dès-lors le nom de Taitfou: c'est un nom commun à tous les Conquerans, qui font les premiers Auteurs d'une Dynastie; & comme fes freres, qui étoienten grand nombre,avoient beaucoup contribué par leur valeur à la conquête de tant de

payis, il fit les uns Tfinvam, les autres Kiunvam, & Peile: il a plû aux Europeans d'appeller ces fortes de dignitez du nom de Re gulos du premier, du fecond, & du troifiéme Ordre. Il fut réglé alors que parmi les enfans de ces Regulos, on en choifiroit toûjours un,pour fucceder à fon pere dans la même dignité.

Outre ces trois dignitez ce même Empereur en établit encore quelques autres qui leur font inférieures, & qui fe. donnent aux autres enfans qui s'en rendent les plus dignes: ceux du quatriéme dégré s'appellent Peitfe; ceux du cinquiéme Cong, & ainfi des autres. Ce cinquiéme dégré eft encore au-deffus de tous les plus grands Mandarins de l'Empire.

Les autres qui fuivent n'ont point, comme les précédens, des

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