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fion où j'étois, que les Chinois ayant toûjours fuppofé la circulation du fang, je pourrois faire quelque découverte. On m'apporta donc la Statuë. Les lignes qui la couvroient étoient toutes paralleles entre elles, & prefque toutes de la même longueur. Elles n'avoient nulle forme de veines ni d'arteres, & ne répondoient même aux endroits où il y en a. Deux des plus habiles Médecins du Palais, l'ayant confideré affez long-tems,furent de mon avis. Leur penfée fut, que par ces lignes on avoit voulu indiquer les endroits, où l'on doit enfoncer les aiguilles dans les Sciatiques, ou dans les douleurs podagriques. Ces aiguilles ne font autre chofe que de petites broches de fer, que les femmes emploient à tricoter des bas les Chinois les enfoncent entre les

muscles, dans les parties charnuës & même ailleurs, jufqu'à deux ou trois pouces de profondeur. Il eft certain que les Chinois ont connu de tout tems la circulation du fang & de la lymphe; mais ils ne fçavent comment elle se fait, & leurs livres n'en difent pas plus que les Médecins qui vivent aujourd'hui.

Je fis mon rapport à l'Empereur, & il convint que les lignes de cette Statuë ne reffembloient en rien aux veines du corps & aux autres vaiffeaux: il me dit qu'il fe fouvenoit que fous la Dynaftie précédente des Mim, on avoit fait l'ouverture d'un cadavre, mais qu'il ne croyoit pas qu'avant ce tems-là on en eût jamais fait. J'avoue, m'ajoûta-t-il, qu'on «< peut retirer de grands avantages" de la diffection des criminels; fur« tout, fi, comme vous me le di-«

» tes, elle fe fait dans des lieux re» tirez, & feulement en présence ,, des Médecins & des Chirurgiens. » Il faut bien que ces malheureux » qui ont fait tant de mal au public » pendant leur vie, lui foient de » quelque utilité après leur mort.

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Je n'eus garde de lui dire qu'en Europe un pere faifoit quelquefois ouvrir le corps de son fils, & le fils celui du pere. J'aurois eu beau lui en apporter les raifons, jamais l'Empereur n'eût pû accorder cette conduite avec le refpect du fils pour le pere, & la tendreffe du pere pour fon fils. Il y a des préventions qu'il eft inutile,& même dangereux de combattre; celle-ci en eft une, furtout à la Chine.

Je ne finirois point, Meffieurs, fi je vous rapportois toutes les questions que me faifoit l'Empereur à chaque leçon que je lui

préfentois, il fuffit de vous dire qu'il m'interrogeoit fans ceffe, & que fouvent paffant d'une chofe à l'autre, il me conduifoit bien loin de l'Anatomie. Un jour entr'autres, je ne fçai à quelle occafion, il me parla des toiles d'araignées. Je ne manquai pas de lui faire part des découvertes de M. Bon premier Préfident de Montpellier, & de l'expérience que M. de Reaumur a faite par vos ordres, dont j'avois vû le détail dans le Journal de Trévoux. Il m'ordonna de lui traduire cet endroit du Journal, ce qui interrompit pour quelque tems les livres d'Anatomie. L'Empereur fut fi charmé de cette lecture qu'il envoya ma traduction à fes trois fils, avec ordre de lui en rendre compte dans trois jours. L'aîné des trois Princes avoüa que dans la multitude de livres

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qu'il avoit lûs, il n'avoit rien vu qui approchât d'une recherche fi exacte & fi laborieufe, fur un fujet qui le méritoit fi peu. Il n'y a " que des Européans, dit-il, qui "puiffent approfondir ainfi les cho" fes, & mettre à profit jusqu'à des "toiles d'araignées. Ils font en cela plus habiles que nous, dit l'Em

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pereur. Ils veulent ne rien igno»rer de la nature. Les deux autres Princes ajoûterent d'autres éloges enfin je puis vous affurer que cette recherche fit honneur aux Auteurs que je lui nommai, & augmenta l'idée que je lui avois donnée du corps célébre qui a de tels membres.

Dans la fuite ce Prince me fit diverfes queftions fur la Chymie & fes principes, fur l'action fubite des poisons, & fur la lenteur ordinaire des remedes. J'eus recours à M. Lemery, qui fatisfit

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