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Le Prince Paul fut au comble de la joye de fe voir libre & dégagé des embarras du fiécle ; il s'addonna tout entier aux oeuvres de pieté: non content d'avoir inftruit fa famille, il s'appliqua à gagner ceux de fes parents & de fes amis avec qui il avoit le plus de liaison: il étoit d'une vigilance, & d'une attention extrême fur l'état des petits enfans des Princes Infideles qui étoient en danger de mourir, & il alloit lui-même les vifiter; il les baptifoit, lorfqu'il avoit fait entendre à leurs Parents, quel étoit le bonheur de ces enfans qui mouroient après avoir reçu le Baptême.

Enfin ce Prince avec fes deux freres Chrétiens Jean & François, s'affembloient tous les jours chés l'un des trois, pour conférer enfemble fur les moyens les plus propres à avancer l'oeuvre de

`Dieu.

Dieu. Ils convenoient qu'ils ne de médiocres pro

que

de

feroient grès, fi le Regulo leur pere meuroit dans fon infidelité; mais fa préfence leur étoit interdite à tous trois, & il falloit chercher d'autres gens capables de toucher fon cœur. Ils jugerent que perfonne n'étoit plus propre à ce deffein que l'aîné de leurs freres. Ses talents naturels, fon éloquence modefte & perfuafive, son habileté dans la langue Tartare que le Regulo préféroit de beaucoup à la langue Chinoife: toutes ces qualitez lui avoient gagné le cœur du bon vieillard. Ce Prince étoit d'un jugement fain, homme de confeil, & fon pere l'avoit fouvent employé avec fuccès dans les affaires de fa maifon les plus épincuses.

Il n'étoit encore que Cathécuméne; mais il étoit parfaitement XVII. Rec.

C

inftruit de la Loy chrétienne, & il l'obfervoit aufli exactement, que fes freres Chrétiens. S'il ne fut pas baptifé d'abord, c'est que les Miffionnaires jugerent qu'il falloit attendre encore quelque tems, jufqu'à ce qu'il eut fait les derniers efforts auprès du Regulo fon pere, parce que s'il eût une fois reçu le Baptême, l'entrée de la máifon paternelle lui auroit été abfolument interdite. Il accepta volontiers la commiffion dont fes cadets le chargerent, & il s'y porta avec un zele fage & difcret, avançant peu à peu, & fe fervant de toutes fortes d'induftries pour 'infinuer dans fon cœur, & lui infpirer le defir d'embraffer une Religion, dont il connoiffoit la verité, & de laquelle il n'étoit éloigné que par des vûës d'interệt & de politique.

Pendant cetems-là les troisPrin

ces Chrétiens, qui ne pouvoient rien par le miniftere de la parole, imploroient la miféricorde de Dieu avec leurs familles. Ils étoient fans ceffe aux pieds des Autels ils faifoient des jeunes extraordinaires; ils pratiquoient diverfes aufteritez, dont on auroit peine à croire que des perfonnes de ce rang fuffent capables; ils faifoient des aumônes confidérables; ils fréquentoient les Sacrements, ils prioient les Miffionnaires d'offrir fouvent le faint Sacrifice de la Meffe pour obtenir de Dieu la converfion d'un pere qu'ils aimoient tendrement; ils fondoient en larmes toutes les fois qu'ils faifoient réflexion que ce cher pere qui étoit dans un âge fi avancé, auroit infailliblement fa demeure parmi les réprouvez, s'il venoit à mourir fans avoir été régénéré dans les eaux du Baptême.

Tant de pieux efforts n'eurent pas l'effet qu'ils esperoient; ils mirent quelques favorables difpofitions dans fon cœur, mais ils ne le changerent point. On obtint à la verité qu'il fe rendit plus traitable fur l'article de la Religion ; mais il laissa toûjours entrevoir qu'il étoit encore bien étoigné du Royaume de Dieu. Il perfifta à ne vouloir point admettre les.trois Princes fes fils en fa préfence; il ne pouvoit ignorer néanmoins que plufieurs Princeffes recevoient le Baptême avec leurs filles; mais il diffimuloit, &-il fe contentoit de dire en général, qu'on fût très réfervé, fans quoi on rifqueroit de perdre fa famille: on paroiffoit déférer à ses avis, & agir avec plus de réserve; néanmoins fes fils continuoient d'aller à l'Eglise de la même maniere, que fi leur Pere y eût donné fon confentement.

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