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frappé de fe voir tout à coup & fans nulle raifon enveloppé dans la difgrace de fon frere. Il prévoyoit qu'au lieu des prétendus ennemis qu'on l'envoyoit combattre, il devoit s'attendre à languir dans une dure prison: cependant il ne fe troubla point, il fortit fans fe plaindre, & au lieu de fonger à mettre ordre à fes affaires domestiques, fon premier foin fut d'aller à l'Eglife demander le Baptême : il témoigna au Miffionnaire qu'il reffentoit une. vraïe joïe de ce que Dieu avoit fait naître pour lui cette occafion d'exécuter la réfolution qu'il avoit prife depuis long-tems de ne plus fervir que lui feul. Il fut nommé Jofeph.

Le Prince Leihin qui étoit tombé d'un rang bien plus élévé, reffentit auffi plus vivement cette difgrace: il n'avoit pas encore les

difpofitions néceffaires pour recevoir la mêmegrace que le Prince fon frere; mais pendant le voyage il eut le tems de réfléchir fur l'inconftance de la fortune & l'instabilité des chofes humaines, fur l'injuftice des hommes, & la vanité de tout ce qu'il y a de plus grand dans le monde. Dieu tou cha en même tems fon cœur par fa grace, & il réfolut de se faire Chrétien, regardant cet état comme le feul, où l'on puiffe trouver une paix folide, avec l'af furance certaine de n'être jamais veritablement malheureux.

Ces deux Princes étant arrivez avec le neuviéme Ago à Sinim; ville fituée à quatre cents lieuës à l'Ouest de cette Cour fur les limites de la Chine, on les logea féparément dans des maisons ordinaires, mais ils étoient foigneufement veillez par une Garde

compoféed'un bon nombred' OF ficiers & de foldats. Ce fut là que le Prince Lelfihin acheva de s'inftruire par les foins du Pere Jean Mouram Jefuite Portugais, qui avoit fuivi le neuvième. Ago; & il fut baptifé le même jour que Notre Seigneur vint au monde pour fauver les hommes; on le nomma Loüis.

Les Princes Louis & Jofeph commencerent dès-lors à mener une vie toute nouvelle : la priere, la lecture, l'inftruction de leurs domestiques étoient leur occupation ordinaire. Ils écrivirent à leur famille des lettres très preffantes pour les exhorter à fe faire inftruire, & à recevoir le Baptême. Les Princeffes leurs épou fes qui n'attendoient que le confentement de leurs maris, & que Ja Princeffe Marie leur bellefour avoit déja inftruites, s'em

prefferent d'embraffer la Foi,avec plufieurs de leurs filles & de leurs fuivantes : toutes ensemble joignirent leurs prieres à celles qu'on continuoit de faire pour la converfion du vieux Regulo qui ne pouvoit manquer d'être fuivie de celle d'un grand nombre de perfonnes, de toute forte de conditions & d'états.

Le Prince aîné s'y appliquois de toutes fes forces, mais voyant qu'il n'avançoit que fort lentement; il s'avifa de s'affocier un autre Prince qui avoit été baptifé fecrettement à Peking, au tems. que le Prince Paul partit pour la guerre ; il s'appelloit Jofeph. Sa femme avoit le nom de Marie, & fa fille fe nommoit Paula ; ik vivoit dans une grande retraite & d'une maniere très exemplaire il avoit une parfaite connoiffance de la Religion, & en parloit avec

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dignité. Les Princes enfans du Regulo l'appelloient leur oncle, parce qu'à compter depuis le fondateur de la Dynastie, il fe trouvoit de niveau avec leur pere; ainfi fon âge & fa naiffance devoient lui donner fur l'efprit du Regulo une autorité, que des enfans ne peuvent jamais acquérir.

Pour les lier enfemble & les engager en quelques converfations, le Prince aîné entretenoit fouvent fon pere du mérite du Prince Jofeph; il lui parloit avec de grands éloges de fon courage, de fa fermeté, de fa conftance dans les pratiques de la vertu, de fon habileté dans la connoiffance des livres, & de tout ce qui concernoit la Loy Chrétienne, soit. qu'il voulût la défendre, foit qu'il voulût la combattre. Ces éloges qui n'avoient rien d'affecté, & qui étoient jettez comme au ha

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