Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Paffions.

ment de Pétrone fur l'Éloquence, & les judicieuses réflexions de la Bruyere fur ce qui concerne l'Art Oratoire : cela. pourroit fuffire, pourvû qu'on diftinguât avec jufteffe les différens objets de ces préceptes, tels que les preuves, les moeurs, les paffions, le ftyle & les ornemens du Difcours; car l'Éloquence embraffe toutes ces matiéres différenciées entre elles, & néanmoins toutes réductibles à un feul & même but, qui eft la persuasion. Cependant comme on perfuade autant ou plus par les paffions que par les mœurs, il eft bon d'en dire ici un mot.

Les preuves fervent à convaincre, les expreffions à plaire; mais c'est aux paffions qu'il appartient de remuer le cœur & de l'intereffer. Or, quel eft le moyen de les exciter,& comment découvrir dans un Orateur, dans Cicéron, par exemple, s'il s'eft proposé de faire naître telle ou telle paffion, & d'en tirer avantage pour fa

[ocr errors]

caufe: pour cela quatre obfervations à faire. Io. Se transporter en idée dans les tems & les lieux où l'Orateur parloit ; s'inftruire des autres circonftances qui font à fa caufe; fe mettre foi-même pour un moment à la place de l'accufateur, de l'accufé, du Juge même, & fe demander enfuite de bonne foi avec quelle difpofition on eût écouté certains traits frappans deftinés vifiblement à excufer l'un, à rendre l'autre odieux, à exciter la bienveillance, la compaffion ou la clemence du Magiftrat. Car le germe des paffions eft à peu près le même dans tous les hommes ; & fi des coeurs prévenus, volontairement prémunis pour résister aux infinuations d'un Orateur, n'ont pû s'empêcher d'y céder, à combien plus forte raifon des perfonnes dégagées de ces motifs ne fe laifferont-elles pas entraîner par la véhémence du pathétique? Tel eft ce bel endroit de l'oraifon pour Ligarius:

Ligario.

Cicero pro Quid enim, Tubero, tuus ille districtus in acie Pharfalicâ gladius agebat? cujus latus ille mucro petebat? qui fenfus erat armorum tuorum? que tua mens? oculi? manus? ardor animi? Quid cupiebas? quid optabas? En vain Céfar, au rapport de Plutarque, avoit dit au fortir de fa maison pour aller à fon tribunal : Ligarius eft coupable; il est mon ennemi, je n'en puis douter; toute l'éloquence de Cicéron ne le fauvera pas. A peine cet Orateur fut-il entré en matiére, qu'on vit Céfar changer plufieurs fois de couleur; mais furtout lorfqu'il entendit l'endroit que nous venons de citer, il ne put s'empêcher de frémir, & fon trouble fut fi grand & fi marqué, qu'il laiffa tomber, comme malgré lui, quelques papiers qu'il tenoit à la main; fon cœur naturellement humain & généreux fe reprocha de vouloir punir dans Ligarius un crime qu'il avoit pardonné à tant d'autres, auxquels

il avoit donné la vie dans les plaines mê
me de Pharfale. C'eft bien à cette cir-

conftance qu'on peut appliquer ce que
Cicéron dit ailleurs de l'Eloquence :
Flexanima atque omnium regina rerum
Oratio.

II°. Et c'eft peut être par où il con viendroit de commencer; il feroit trèsutile de lire avec foin ce qu'Ariftote a écrit fur les paffions au fecond livre de fa Rhétorique. L'ouvrage eft didactique, & même un peu trop fec, mais il renferme. un fonds excellent d'inftructions & comme l'enchaînement des causes de la nature & des effets des principales affections qui remuent le coeur humain. Les préceptes qu'il renferme appliqués avec difcernement aux plus beaux morceaux de Cicéron ou de Démofthenes, répandroient beaucoup de lumiére fur cette forte d'étude. J'en proposerai un exemple en paffant: le Philofophe Grec par- Liv. II, ch. 2a

[merged small][ocr errors]

za: cur cima? Quid capieb mu czc'En vain Cefar, au r groom to Pumque. avoit dit au fortir ź nation pour aller a fon tribunal : . garas et szerk; i et mon ennen. 21 A FULL LIZI; toute Feloquence Gorm vele Cantera pas. A peine c Crzez fizell entré en matiére, qu’c vin Cefar changer plufieurs fois de cou leur; mais furtout lorfqu'il entendit l'er. droit que nous venons de citer, il ne pu s'empêcher de frémir, & fon trouble fut fi grand & fi marqué, qu'il laiffa tomber, comme malgré lui, quelques papiers qu'il tenoit à la main; fon cœur naturellement humain & généreux fe reprocha de vouloir punir dans Ligarius un crime qu'il avoit pardonné à tant d'autres, auxquels

« AnteriorContinuar »