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une maladie qui eft entiérement la même ? On a vu plufieurs fois d'heureux effets de l'électricité appliquée aux tumeurs, comme l'ont éprouvé M. de Sauvages & plufieurs autres pourquoi n'en efpéreroit-t-on pas de femblables, pour la guérison de ces veffies & de ces tumeurs que Bonnet & Wepfer ont vues pleines d'une humeur aqueuse, & qui preffoient les nerfs optiques? Au moins rien de plus propre à diffiper l'infiltration féreuse de la fclérotique qui a lieu dans la goutte fereine imparfaite, que l'électricité bien dirigée; puifqu'elle augmente l'évaporation des liqueurs & la tranfpiration des animaux.

Je vais plus loin, & je prétends qu'on eft fondé à l'appliquer dans le glaucome & dans la cataracte. Le feu électrique aux yeux des phyficiens éclairés paroîtra bien capable de combattre l'épaiffiffement de l'humeur vitrée qui a lieu dans le glaucome. Si on a confidéré attentivement l'écoulement des liqueurs électrifées par des orifices capillaires, on a dû remarquer que l'électricité atténuoit & divifoit les liqueurs; ce qu'indi quent clairement l'écartement & la diver gence de leurs filets, de même que l'accélération de leur écoulement; & cet effet fenfible fuppofe néceffairement un mouve

ment inteftin, qui en eft la cause prochaine.

Qu'on ne croie point que cet effet n'a lieu que dans les liqueurs étrangères à l'économie animale. Les expériences faites à Strasbourg & à Geneve, démontrent incontestablement que le fang acquiert, par l'électricité, une viteffe qu'il n'avoit point dans fon état naturel: l'amplitude du jet, la divergence de fes filets, &c. le font voir aux yeux mêmes.

Une observation curieufe de M. Petit me paroît fur-tout bien propre à confirmer mon fentiment: je prie qu'on y donne une attention particuliere. Il rapporte que, tenant un crystallin entre fes doigts, il lui paroiffoit opaque & comme glaucomatique, lorfque fes mains étoient froides ; & qu'il reprenoit fa tranfparence, quand fes mains étoient échauffées. Cet effet vient indubitablement de l'électricité; puifqu'on fait, par les expériences de M. Symmer, docteur Anglois, que l'électricité animale regne fouvent dans le corps humain : & fi le frottement des bas qu'on ôte de la jambe, d'une chemise dont on eft revêtu & qu'on quitte, fait paroître la matiere électrique ; fi le frottement de la main fur du verre, excite l'électricité & la fait naître bien plus fûrement dans les tems défavorables, lorfqu'on a employé un degré de chaleur préparatoire; fi un linge qu'on a

fortement chauffé donne des fignes d'électricité après l'avoir frotté; n'eft-il pas de la derniere certitude que le fait que j'ai cité, provient de la matiere électrique ? & l'électricité de la main échauffée qui preffe le cryftallin lui rendant fa tranfparence, peut-on douter que l'électricité ne foit un moyen de détruire la cataracte ?

Quel avantage n'en réfulteroit-il donc pas pour l'humanité ! puifqu'on pourroit être guéri fans avoir recours aux opérations chirurgicales qui font prefque toujours fi douloureufes. Dans la cataracte, il ne feroit plus néceffaire d'abattre le cryftallin, ou d'en faire l'extraction. La guérison du glaucome, proprement dit, eft regardée comme impoffible, felon les connoiffances ordinaires & les remedes de l'art. La goutte fereine eft incurable lorsqu'elle eft parfaite; fi elle n'est qu'imparfaite, il eft, de l'aveu des plus habiles praticiens, très-difficile de la traiter avec fuccès.

D'un côté, il n'y a aucun bien à attendre ; 'de l'autre, on peut & on eft fondé à en espérer un heureux fuccès; il n'eft perfonne qui ignore quel parti dicte la prudence dans un cas femblable. Craindroit-on que le parti qui peut être le plus avantageux, entraînât quelques dangers ou quelques inconvéniens: je

ne fais fi un excès de prudence me le fit autrefois appréhender, je ne voulus point tenter un moyen qui pouvoit être périlleux, quoiqu'il pût être utile fous un autre rapport: je craignois ces reproches affreux pour une ame fenfible, d'avoir aggravé le joug d'un malheureux fous le fpécieux prétexte de l'avoir voulu foulager; je confultai l'expérience, & voici quelle fut la réponse.

Ne pouvant en faire l'épreuve fur des hommes, j'eus recours aux animaux. Je tirai plufieurs fois, à travers les yeux de plufieurs oiseaux, des étincelles électriques, & on n'a jamais apperçu qu'ils en aient fouffert aucune altération: la tranfparence des yeux n'a jamais été troublée, les oifeaux y ont toujours vu parfaitement ce dont je me fuis affuré, en ne tirant des étincelles que fur un œil feulement, & en mettant avec foin un bandeau fur l'autre œil. Il y a des oiseaux que j'ai gardé plus de fix mois, fur lefquels j'ai fouvent répété l'expérience, & qui n'en ont eu aucune incommodité. On est donc certain, autant qu'on peut l'être dans cette matiere, qu'il n'y a aucune fuite fâcheufe à redouter de l'électricité appliquée à la vue.

Quant à l'expérience de Leyde, on ne doit pas l'employer ordinairement ; je ne l'ai tentée que fur des animaux, & je me fuis:

apperçu qu'elle faifoit perdre aux yeux leur transparence, qu'elle produifoit une confufion dans les humeurs d'où réfultoit une certaine opacité, que différens oifeaux foumis à cette épreuve ont perdu la faculté de voir pendant plufieurs jours & l'ont enfuite recouvrée, tandis que d'autres l'ont totalement perdue lorsque les commotions avoient été faites. Souvent on a vu, après l'explofion électrique, une liqueur qui fuintoit de l'œil. Cependant, d'après quelques expériences que j'ai faites (1), je ferois affez porté à croire que, dans certains cas, de foibles commotions, ménagées avec art, ne feroient point nuifibles, étant données en petit nombre. Le trouble des humeurs déjà altérées par la caufe de la cécité, pourroit être quelquefois falutaire.

Quoiqu'il en foit de la commotion, il eft certain, comme on l'a vu plus haut, qu'il n'y a rien à redouter des étincelles électriques; auffi me déterminai-je à en faire l'application fur des aveugles.

J'allai avec quelques perfonnes de l'art dans les hôpitaux, pour y choifir des fujets fur qui on pût opérer : il y en eut plufieurs

(1) J'en ai fait encore d'autres depuis qui prouvent que lorf qu'elles font petites, elles font très-utiles.

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