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L'aftre heureux & brillant de la Mere d'Amour, SEGRAIS. de l'aurore vermeille annonce le retour.

Il eft tems de partir, adieu, mon cher Tityre.
Garde bien mes troupeaux, je vole vers Amire.
Soit,quand je reviendrai,tout le Ciel en courroux,
S'il me donne en allant un tems ferain & doux,
Pourvû qu'enfin j'arrive & qu'au moins je la voye,
Que je meure auffi-tôt, je mourrai plein de joye:
Qui peut en être vû d'un regard amoureux,
Ne peut jamais avoir un destin malheureux.
Que fait-elle à préfent? De quoi s'entretient-elle ?
Où dois-je en arrivant rencontrer cette belle ?
Sera-ce fous ces pins aux rameaux toujours verds
2 Où j'ai gravé nos noms en cent chiffres divers?
Sera-ce aux bords fleuris de la claire fontaine,
Où je lui découvris mon amoureuse peine?

Et

que doit mieux fentir un véritable amour,
Ou l'ennui de l'abfence, ou l'aise du retour?
Enfant, maître des Dieux, qui d'une aîle légere,
Tant de fois en un jour voles vers ma Bergere,
Dis-lui combien loin d'elle on fouffre de tourment:
Va, dis- lui mon retour, puis reviens promptement,
(Si pourtant on le peut quand on s'éloigne d'elle)
M'apprendre comme elle a reçu cette nouvelle,

2

Ecce Dionai proceffit Cafaris aftrum. Virg. Egl, 9.

Tenerifque meos incidere amores

Arboribus.... Virg. Egl. 10.

O Dieux ! que de plaifir, fi quand j'arriverai,
Elle me voit plutôt que je ne la verrai,

Et du haut du côteau, qui découvre ma route,
En s'écriant, c'est lui, c'est lui-même fans doute,
Pour defcendre en la rive elle ne fait qu'un pas,
Vient jufqu'à moi peut-être, & me tendant les bras,
M'accorde un doux baiser de sa bouche adorable!
Baifer frivole & vain, & pourtant délectable,
Et qui marque fi bien à mes douces langueurs
L'ineftimable prix des plus grandes faveurs.
Inutiles penfers, ou peut être menfonges!
Un amant fans dormir fe forge bien des fonges.
Qui ne fçait que tout change en l'empire amoureux,
Et qui peut être absent & s'eftimer heureux ?
Mais pourquoi s'affliger d'une crainte mortelle,
Pouvant tout espérer de mon amour fidelle ?
Efpoir, qui feul fais vivre un malheureux amant,
Ne m'abandonne pas en cet éloignement;
Tu pourrois adoucit la plus cruelle absence,
Si tu ne venois point avec l'impatience.
Que loin de fa Bergere on fent durer les jours!
Et qu'auprès d'elle auffi les plus longs femblent cours!
Afis tous deux à l'ombre au pied de ce grand hêtre,
Ou par fon jugement ma musette champêtre
Sur nos jeunes Bergers la guirlande gagna,

SEGRAIS.

1 An qui amant, ipfi sibi somnia fingunt ? Virg. Egl. 8,

Chante, me dira-t'elle, & ne ceffe de dire

SEGRAIS. La chanfon

tu fis
que pour ta fidelle Amire.
Ton chant me charme plus que celui des oiseaux ;
J'aime moins que ta voix le doux bruit des ruif-
feaux ;

Alors la regardant, & la voyant si belle,
Amour m'échauffera d'une flamme nouvelle;
Peut-être auffi qu'alors Amour la touchera;
Elle voudra répondre, & sa chanson sera,
Qui chantera, Berger, fi ton Iris ne chante,
Iris dont ton amour rend l'ame fi contente?
Elle accompagnera l'aimable nom d'Iris
D'un regard languiffant, d'un gracieux fouris,
Interprêtes du cœur, qui fembleront me dire,
Sans la peur de rougir elle auroit dit Amire.
Ainfi puiffe couler le reste de mes jours,
Adorant fon visage, admirant son discours :
O les difcours charmans, ô les divines chofes,
Qu'un jour difoit Amire en la faifon des rofes!
Doux zéphirs qui régniez alors dans ces beaux

lieux,

N'en portâtes-vous rien aux oreilles des Dieux ?
Tels étoient les penfers de l'amoureux Cléandre,
Retournant vers les bords du Celtique Méandre;

1.0 quoties &

qua nobis Galatea locuta eft? Partem aliquam, Venti, Divum referatis ad aures. Virg. Egl. 3.

Retournant

Car quiconque a vû l'Orne aux tortueux dé

tours,

Au Méandre fameux a comparé son cours.

ENDROITS CHOISIS DE LA TRADUCTION

DE L'ENÉIDE DE VIRGILE.

DU LIVRE I.

Haine de Junon contre les Troyens. Eole, à fa priere, excite une tempête pour les fubmerger. Neptune l'appaife.

ONT-ILS vaincu, dit-elle, & ma haine im

puiflante

Verra-t'elle aborder leur flotte triomphante?
Je ne puis l'écarter du rivage Latin,

Et partout je me trouve esclave du Destin!
Qui ne fçait que Pallas, pour mettre Ajax en
poudre,

Sur la flotte des Grecs a pû lancer la foudre,
A pû la dissiper, l'abîmer fous les eaux ?

Pour le crime d'un feul perdre mille Vaisseaux ? ↓
Qui me reconnoîtra désormais pour Déesse,
Et qui craindra Junon après tant de foibleffe?
Roulant ces foins divers dans fon cœur irrité,
Son char paffe les airs d'un vol précipité,
Et vient aux creux rochers des Eoliques plages,
Le nébuleux féjour des vents & des orages.
Tome III.

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SEGRAIS.

SEGRAIS.

Là, le Dieu qui régit ces fujets mutinez,
Les dompte, les enferme, & les tient enfermez.
Ils grondent fous ces monts, ils se livrent la guerre,
Pour le faire paffage ils ébranlent la terre :
Ils tremblent toutefois à l'afpect de ce Roi,
Qui reprime leur fougue, & leur donne la loi..
Ce fouverain Monarque eft le fuperbe Eole;
C'est à lui que Junon adreffe fa parole.

Toi qui reçus des vents le fceptre impérieux,
Par le Roi des mortels, & le Pere des Dieux;
Les Troyens fugitifs, ces objets de ma haine,
Avec leurs Dieux vaincus fendent la mer Tyrrhene,
Bravent infolemment tous mes divins efforts,
Et tranfportent Pergame aux Italiques bords.
Abandonne à tes vents les campagnes ameres ;
Pourfuis, difperfe, abîme & nochers & galeres :
Ainfi je te promets le fort le plus heureux
Dout fe puiffe fatter un efpoir amoureux.
De mes Nymphes l'honneur, l'aimable Déjopée,
D'un doux trait de fes yeux a ton ame frappée;
Tu l'aimes, elle eft belle, & j'en puis difpofer;
Penfe,
pour me fervir, que tu dois tout oser.
Eole lui répond. Commandez, grande Reine ;
C'est à moi d'obéir, & j'obéïs fans peine..

Il dit, & d'un grand coup il renverse le mont.

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Des prompts enfans de l'air la mutine cohorte,
Du moindre jour ouvert s'ouvre une large porte

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