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Qu'éprife tout à coup du plus ardent amour, Je prévis tous les maux que je fouffre en ce jour. Je l'aimai. Je cherchai les moïens de lui plaire. Comment aurois-je pû m'empêcher de le faire ? Tout me parloit pour lui. Son nom par tout

vanté,

Sa vertu, fon efprit, que fai-je ?... Vanité. Tout m'abufoit alors. On écoute fans peine Ce qui flatte un penchant où le cœur nous entraîne.

Mais hélas ! que mes vœux furent bien-tôt déçus!

Que mes feux par l'Ingrat ont été mal reçus! En vain pour lui prouver l'excès de ma tendreffe,

J'immole ma raifon à l'ardeur qui me presse,
Pour gagner fon amour, ou du moins fa pitié,
Parens, Vertus, Devoir, j'ai tout facrifié.
Toutefois, fe peut-il un Suplice plus rude!
Je n'ai pu triompher de fon ingratitude;
Et pour le trop aimer, je le rends aujourd'hui,
Indigne de l'amour dont j'ai brûlé pour lui.
Ah! puis-je, fans frémir, rapeller la mé-

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De ce jour malheureux fi fatal à ma gloire, Où le cœur plein d'effroi, la rougeur fur le front,

Je m'expofai moi-même au plus mortel affront?

J'ofai lui déclarer l'ardeur qui me dévore,

Sans pouvoir le toucher...... Et je refpire

encore,

Fille indigne du jour ! Et j'entretiens un feu
Qui me couvre d'oprobre après un tel aveu.
Le Cruel! infenfible à toutes mes allarmes,
Me vit lui reprocher fon Crime par mes larmes;
Hé qui fait fi l'Ingrat dans le fond de fon coeur
N'infultoit pas peut-être à ma folle douleur ?
Hélas! fi mon amour, mon défespoir, ma rage
De tous mes fens alors m'euffent permis l'ufage,
Sans emprunter d'un autre ou le fer, ou le bras,
J'aurois fait par fa mort trembler tous les
Ingrats.

Vains projets que m'infpire une aveugle.

colere!

Non, non, quoiqu'il ait fait & quoiqu'il puiffe faire,

Mon cœur à ces transports loin de s'abandone

ner 9.

Mon lâche cœur eft prêt à lui tout pardonner. Que dois-je enfin réfoudre? Et quelle inquiétude

Me fait foufrir l'horreur de cette incertitude! Qui pourra me tirer d'un trouble fi honteux? Ne pourrai-je aujourd'hui favoir ce que je veux ?

Ne pourrai-je favoir..... Ah fans doute jo l'aime

Jeae le fens que trop. Mon cœur, ce doute même

Tout m'aprend que l'Ingrat plaît encor à mes

yeux.

Je n'en douterois pas s'il m'étoit odieux. Quoi, je ne puis haïr un Cruel qui m'outrage!

Qui méprife mes pleurs, qui fe rit de ma rage, Qui... C'en eft trop. J'éprouve à ces terribler Coups,

Tout ce que peut des Dieux l'implacable

Courroux.

C'eft peu que de leur haine innocente victime Je me trouve engagée à la fin dans le Crime, Pour pouvoir de mes maux augmenter la rigueur,

Ils ont contre moi même armé mon propre

cœur.

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Oui,tandis qu'un Ingrat me méprise,m'abhorre
Lâche! je le chéris. Que dis-je? Je l'adore.
Et quoique rien enfin ne flatte mon espoir,
Je ne puis renoncer à l'aimer, à le voir.
Des vœux que fi fouvent j'ai faits pour fon
fuplice,

Grands Dieux! ne croïés pas que mon cœur fut complice,

Je demandois fa mort, fans vouloir l'obtenir

Et m'exaucer alors ç'eut été me punir.

Oubliés pour jamais ces vœux que je déteste. Votre bonté pour moi ne peut qu'être funeste. Laiffés-moi mon Amant. Gardés votre cour

roux.

Grace, haine, pitié, mon cœur craint tout de vous.

Si malgré les malheurs où vous m'avés plongée,

Vous vouliés cependant m'en voir enfin vengée,

Dieux! s'il en eft pour moi, changés mon trifte fort,

Fléchiffés fa rigueur, ou me donnés la mort.

PHENI CE.

ELEGIE X.

.

ALGRE' tous tes difcours mes allar

De noirs preffentimens m'inquiétent, me trou blent;

Mon malheur eft certain. Il faut m'y préparer. Je ne dois plus rien craindre & plus rien espé

rer.

Parens, Amis, en vain tout le monde s'obstine A me cacher la mort de mon Amant, Albine On me trompe; Du moins mon cœur le craint toûjours,

Et ce n'eft plus qu'à toi que j'ofe avoir recours. J'ai perdu tout efpoir. Mais s'il m'en reste

encore,

Vas toi-même, vas voir cet Objet que j'adore. » On me tetient, dit-on, par pitié pour tous deux:

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*Mes pleurs lui cauferoient des tranfports dan

» gereux.

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