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Pitié fauffe ou cruelle! Ah plûtôt ma présence Calmeroit de fes maux l'extrême violence, Chere Albine; Peut-être il m'accuse à préfent D'être feule infenble aux douleurs qu'il reffent: Vas le défabufer. Dis-lui combien de larmes... Hé tu ne vois que trop l'excès de mes allarmes! Vas, cours vole, reviens. J'attendrai ton

retour

Pour prendre fur mon fort confeil de mon

amour.

Que puis-je attendre encor qui ne me foit funefte!

Hé, devrois-je compter fur l'espoir qui me refte?

Mais tel eft notre coeur, que toûjours incon ftant

De la crainte à l'efpoir il paffe en un inftant.
Ah! que feule à préfent à moi-même livrée,
Par ce doute mortel je me fens déchirée !
Qu'il m'acable! Mais non, je ne puis plus
douter

Que mon malheur enfin ne foit prêt d'éclatter.
J'ai beau vouloir rester dans mon incertitude:
L'effroi déja fuccéde à mon inquiétude,
L'horreur, le défefpoir fuivent de près l'effroi,
Et tout ce que je crains, je le voi, je le croi.

J'en

J'en frémis de douleur. Après ee coup de fou

dre,

Moi-même à vivre encor me pourai-je réfoudre L'Ombre de mon Amant, les horreurs du trépas,

Mon amour, mes regrets fuivront par tout mes pas.

Je vois déja la Mort, & le Monftre effroïable Léve fon bras fatal.... Arête, Impitoïable! de fes maux va terminer le cours, En le pleurant les miens renaitront tous les

Un feul

coup

jours,

Et qui jamais, Grands Dieux ! mérita mieux mes larmes ?

Dès que je le connus, éprife de fes charmes,
J'éprouvai tout l'amour qu'il me fut exprimer ;
Il étoit né pour plaire & pour se faire aimer.
fe
La Nature, toûjours de fes Préfens avare,
Se plaît à nous en faire un partage bizare:
Loge un efprit fublime en un corps contre-fait
A d'autres la beauté tient lieu de tout bienfait.
Mais pour Valére feul prodigue, elle raffemble
Les graces de l'efprit & du corps tout enfem-

ble.

Ses vertus...... Mais pourquoi rapeller tant d'attraits!

Dois-je juftifier ma flamme & mes regrets?

H

Mes regrets font fondés sur un feu légitime 5 Conçu par le penchant, foûtenu par l'eftime; · Qui n'eut fait fon bonheur d'avoir un tel Amant?

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D'en devenir l'Epoufe? Ah quel cruel tourment!
Ce triste souvenir me perd, me déféspére :
Eft-ce moi que punit votre jufte Colére?
Eft-ce lui, Dieux puiffans? Vous creusés fon
Tombeau,

Lorfque pour nous l'Himen allume fon Flambeau.

Hélas! je l'aurois dû prévoir, Infortunée ! Ainfi prefqu'en naiffant à foufrir condamnée, Dès qu'un foible raïon d'efpérance me luit, Il paffe comme une Ombre, un inftant le dé

truit.

Ainfi toûjours des Dieux éclate Pinjuftice.
Dans une paix profonde on voit regner leVice;
Et du feul Vertueux ils abrégent les jours,
Ou de malheurs fans nombre empoifonnent
leur Cours.

D'une raifon aveugle étouffons le murmure.
A quoi bon acufer le Sort ou la Nature?
Tant de plaintes ne font qu'augmenter nos

tourmens.

Que les miens font aigris par ces retardemens

Que fait Albine? Hélas! un fi fâcheux préfage
Du malheur que je crains est un fûr témoignage.
Devrois-je fouhaitter de la fi-tôt revoir ?
Son funefte retour m'ôtera tout efpoir.
Mon Amant ne vit plus. Quelle afreufe pensée
Se préfente toûjours à mon ame infenfée!
Mon Amant ne vit plus ! C'en eft fait; Mes
malheurs

Vont auffi terminer ma vie & mes douleurs.

Mais que fais-je ? Et pourquoi m'afliger par

avance?

Je puis encor des Dieux éprouver la Clémence;
Et peut-être auront-ils pitié de mon amour!
Hélas! fi mon Amant voïoit encor le jour!
S'ils daignoient acorder fa vie à ma priére!
Si je pouvois le voir! Si pour grace derniére
Ils vouloient..... Mais laiffons des fouhaits
fuperflus,

Les Dieux font fourds pour moi. Mon Amant ne vit plus.

Quel trouble me faifit! j'ai peine à m'en deffen

dre.

Ne pourai-je favoir quel parti je dois prendre ?
Inforunée! A quoi déformais recourir !
Je ne devrois plus vivre, & je ne puis mourir.

Albine ators revint, & la tendre Phénice De fes plaintes enfin reconut l'injustice.

Les Dieux ont tôt ou tard pitié des malheureux.

Et c'eft toûjours à tort que nous nous plaignons d'eux.

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