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Réduifirent dès lors ton Epoufe aux abois.
Elle parle. Et foudain il faut prendre les armes,
T'arracher de mes bras... Ah! quel torrent de
larmes

Répandis-je ! Toi-même acablé de douleur,
Tu n'étois ocupé qu'à raffurer mon cœur.
Prenés foin de ce Fils qu'à regret je vous
laiffe,

Chére Epoufe; Et comtés toûjours fur ma tendreffe,

Je la conferverai jufques dans les combats;
Rien ne peut me ravir à vous que le trépas,
Dans cet embraffement recevés en le gage:
'Aimés-moi. Tu ne pus en dire davantage.
Hélas! fi je craignois, ce n'étoit pas pour
Je connoiffois ton cœur, j'avois reçu ta foi.
Je tremblois pour tes jours. Ta valeur, le Sort

même

moi

Me peut à chaque inftant enlever ce que j'aime; Et tendre comme il eft, mon cœur fut-il plus

fort,

Ne crois pas que jamais je survive à ta mort.
Et quelle main hélas ! éléveroit l'enfance

De ce cher Fils, l'Objet de tant de complai

fance !

Ah Dieux....Tires-moi donc du trouble où tu me vois :

2

Mére, Epoufe, je fens tous ces maux à la fois. Si j'éxige de toi qu'aujourd'hui tu m'écri

ves,

C'eft là ce qui m'y force: Hé pourvû que tu vives,

Que m'importe! Que dis-je ? Au gré de mon

Amour,

C'eft trop peu. Je devrois éxiger ton retour.

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Que tes traits déformais me feront favorables! Quelqu'horreur qui précéde ou fuive mon trépas,

Il finira des maux qu'il n'égallera pas.

Eprife malgré moi d'un feu qui me dévore, La contrainte où je vis, Pacroît, l'irrite en

core

Les efforts que je fais pour retenir mes pleurs, Redoublent mes foupirs, aigriffent mes dou

leurs ;

C'eft en vain qu'au dehors j'affecte l'apparence De ce calme parfait dont joüit l'Innocence, Les troubles de mon coeur fe lifent fur mon.

front,

Mon crime l'a marqué d'un éternel affront.

Je veux paroître libre & fans inquiétudes; Et je me trouve en proïe aux combats les plus rudes;

Vice, Vertu, Penchant, Raifon, Devoir,

Amour,

Tout partageant mon coeur, l'aflige tour à

tour.

J'ai beau me rapeller qu'en ces Lieux retirée,
A Dieu feul pour jamais je me fuis confacrée :
Dans un cœur qui devroit être mort aux
plaifirs

J'enfante, je nourris mille honteux defirs.
Qu'eft devenu ce tems où mon ame encor

pure

Ne fongeoit qu'à benir l'Autheur de la Nature!
Innocente, en Dieu feul je mettois mon apui,
Mon cœur ne chériffoit, ne connoiffoit que lui.
Exemt de paffions, les defirs ni la crainte
Ne lui pouvoient encor porter la moindre

atteinte :

Ma joie étoit parfaite. Un cœur pur, innocent Connoît feul tout le prix du bonheur qu'il reffent.

Ce Cloître qui m'expofe à d'éternels fuplices, Etoit alors le Lieu, l'Objet de mes délices; Tems heureux! A préfent mon amour, mes

terreurs

M'en ont fait un Séjour de trifteffe & d'hor

reurs.

Mon Voile me reproche une ardeur qui le blef

fe,

Les plus cruels remords me déchirent fans ceffe, Et fans ceffe mon cœur par le Crime abbatu, Sans pouvoir le quitter, regrette fa Vertu.

Je crains brûlant toûjours de feux illégitimes,
Un furcroît de tourmens dans un furcroît de
Crimes;

Le préfent, l'avenir, tout me glace d'effroi
Et je porte par tout mon fuplice avec moi.
Le Monde me paroît ce qu'il n'eft pas peut-
être :

Mais pourquoi l'ai-je hélas! quitté fans le connoître,

Malheureuse! Ou pourquoi dans l'état où je

fuis,

Monde trop féduifant, t'ai-je connu depais?

Ah! Maxime, c'eft toi dont la fatale vüè M'a décillé les yeux, ou plûtôt m'a perdue: Mon cœur contre l'amour fi long-tems prévenu, Mon cœur fans toi, Cruel,ne l'eût jamais connu. A quoi bon dans ces Lieux me chercher, me féduire !

Jaloux de mon bonheur tu l'as voulu détruire; Car enfin tù devois prévoir que de tels feux

Ne pouvoient que me perdre, ou nous perdre tous deux.

Vois l'abîme de maux où cette ardeur me plonge:

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