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ELEGIES

ERIPHILE.

ELEGIE PREMIERE.

MOUR unique Autheur des tourmens que j'endure,

Si tu me fais verfer des pleurs pour un Parjure,

Cruel Amour du moins laiffe-moi lui cacher
Des maux qui déformais ne le peuvent toucher,
Hé pourquoi me flatter que l'Ingrat les ignore!
Le peut-il? Quoiqu'abfent, il fait que je l'as
dore;

Loin d'avoir jamais pu lui rien diffimuler,
J'ai tout fait pour lui plaire & pour le rapeller.
Par de tendres Ecrits que la douleur m'infpire
J'ai beau lui reprocher l'excès de mon martire:
Lui peindre de mon coeur les troubles, les en-
nuis 3

Eij

Et toutes les horreurs de l'état où je fuis.

Il les reffent, 'dit-il, plus que moi. Mais s'il

m'aime,

Pourquoi ne vient-il pas les terminer luimême?

Par tes Lettres en vain tu flattes mon Ardeur, Ton retour pouvoit feul tranquilifer mon

cœur :

L'abfence comme à moi te caufe mille allarmes, Mes pleurs, dis-tu, jamais n'ont précédé tes larmes.

Pourquoi donc t'éloigner? Inutile détour! Cruel, fi tu m'aimois, tu ferois de retour. De quoi qu'en tesEcrits ton Ardeur m'entretienne,

Quand même je croirois qu'elle égale la mien

ne,

Je fuis d'un Sexe foible, & les mêmes malheurs
Me font fentir à moi de plus vives douleurs.
L'Aftre qui du Soleil réflechit la Lumiere,
Déja plus de vint fois a rempli fa Carriere
Depuis qu'abandonnant ces Climats malheu

reux,

Tu m'as laiffée en proïe aux maux les plus affreux.

Hélas! depuis ce tems inquiéte, éperduë,
Je ne puis plus rien voir qui ne bleffe ma vûë,
Mon cœur ne trouve rien qui flatte fes defirs

Que les Lieux où jadis j'écoutai tes foupirs.
C'est là que chaque jour cherchant laSolitude,
Je trouve des appas dans mon inquiétude:
Je m'entretiens de toi. Je flatte mon efpoir.
Et ne te voïant pas je crois du moins te voir.
Je te parle. Et foudain mon erreur fe diffipe;
J'ai beau cent & cent fois t'appeller, cher Al-
cippe;

L'Echo que frappent feul mes douloureux

accens,

Fait retentir les Airs de mes cris impuiffans..
Une douleur muette, un ftupide filence
De mes maux tout à coup fufpend la violence,
Fauffe paix! Tant que dure un calme fi trom-

peur,

Que de rudes combats fe paffent dans mon

cœur !

Mais de mes fens enfin n'étant plus la maîtreffe, Ma fureur malgré moi furmonte ma foiblesse, Sans favoir où je fuis, fans favoir où je vais, Je me jette au travers des Bois les plus épais. Je cours de tous côtez. Une ronce, un bran chage

Enfanglante mon bras, déchire mon visage; Mais livrée aux tourmens que mon cœur fouffre alors,

Je ne vois, ne connois, ne fens que mes tranf

ports,

Le doux chant des Oifeaux qui dans ces Lieux habitent,

Ne fait qu'acroître encor les troubles qui m'agitent;

Leurs plaifirs, leurs amours irritent ma fureur; Et je les interromps par des cris pleins d'hor

reur.

Après de tels excès, mes forces s'affoibliffent, Mes yeux baignés de pleurs enfin s'apefantif fent,

Et le Someil fur moi répandant fes Pavots,
A mes fens épuifés donne un léger repos.
Repos cruel hélas ! A peine je fomeille
Que toute mon Ardeur auffi-tôt fe réveille;
Je te retrouve encor.Mais que par mes foupirs,
Je païe après bien cher un moment de plaifirs!
C'eft ainfi, cher Amant, que mon feu me
confume,

Que mes jours loin de toi coulent dans l'amer

tume.

Je fouffre, je languis; & pour tout dire enfin, Reviens vite, ou leurs cours va toucher à fa fin

3

E

LA MES ME.

ELEGI E II.

N VAIN par un Ecrit peut-être peu fincere, Cher Alcippe, as-tu crû foulager ma mifere; Que pouvoit un reméde inutile à mes feux! Ce n'eft point tes Ecrits, c'est toi seul que je

yeux.

Pourquoi fur ce Papier tracer à chaque Page De ton penchant pour moi le plus vif témoi gnage ?

Vains garants! Voulois - tu me prouver ton Amour?

Je n'en demandois qu'un, Ingrat. C'est ton

retour.

Un cœur vraiment fenfible à l'ardeur qui me preffe

Auroit-il balancé? Quelle eft donc ta tendreffe? Tandis que je fuccombe aux plus vives douleurs,

Pourquoi ne viens - tu pas mettre fin à mes ! pleurs.

D'aucune trahifon je n'ofe encor me plaindre,

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