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Mais je crains.(Quand on aime on croit devoir tout craindre.)

Ton Abfence, leTems, quelque nouvel Objet, Tout m'allarme : Hécrois-tu que ce foit fans

fujet!

Ton Sexe eft plus léger, plus fourbe que le

nôtre.

Que fai-je fi ton coeur n'en aime pas une autre? Si j'en étois certaine.... Ah! tu dois fouhaiter, Pour ton propre interêt que j'en puiffe douter.

» Je quitterai, dis-tu, cette Ville fameuse >>Que traverfent les eaux de laSeine orgueilleuse, » Si-tôt que le bon goût, qui toûjours y fleurit,' Aura poli mes moeurs & formé mon efprit. Hé que m'importe à moi qu'un jour chacun

t'admire!

Que l'on vante par tout les charmes de ta Lire!
S'il faut que pour remplir un fi flatteur efpoir
Tu me prives toûjours du plaifir de te voir.
Plus tu feras parfait, plus pour mes foibles
charmes

Je dois apréhender de nouvelles allarmes;
Le Mérite toûjours vainqueur de laBeauté
N'en eft que plus fujet à l'Infidélité,
Ne quitteras-tu pas un deffein fi funefte?
Hélas! Tu fais aimer. Que m'importe le reste
Je n'aime, je n'eftime & n'admire que toi
Ingrat! Pourquoi veux-tu plaire à d'autres que

moi ?

Ah! plûtôt en faveur d'un Perfide que j'aime, Je le connois trop tard, je m'aveugle moi

même.

Si-tôt que d'un Objet notre cœur eft charmé,
Il fe flatte. S'il l'aime, il croit en être aimé.
Oui. Crédule Eriphile! Il eft vrai, tu t'abuses:
Hé ne connois-tu pas cesNouriffons desMuses!
Acoûtumés à feindre, ils trouvent des appas
A témoigner un feu qu'ils ne reffentent pas.
Traitre! C'eft donc ainsi que trompant ton
Amante,

Tu penfes foulager l'ennui qui la tourmente;
Et peut-être crois-tu pour comble de malheurs,
Que je n'éprouve auffi que de fauffes douleurs.
Pourquoi faut-il, Cruel, que ta bouche.
traitreffe

M'ait juré tant de fois une fauffe tendreffe!
Et que mes foins, mes feux, mes pleurs foient
impuiffans,

Pour te perfuader des maux que je reffens!
Si ton ame barbare en veut mieux être inftruite,
Viens voir le trifte état où la mienne eft réduite,
Viens toi-même, Cruel, viens me voir en ces
lieux

De trifteffe ou de joïe expirer à tes yeux.
Plus tu veux prolonger une funefte absence,
Plus je fens de mes maux aigrir la violence;
Chaque jour me paroît être mon dernier jour :
Et fi je vis encor, ce n'eft que par

l'Amour.

Je feche de douleur, je languis, je foupire... Mais comment te pouvoir exprimer mon martire !

Telles font du Deftin les rigoureufes Loix, Que je meurs tous les jours fans mourir une fois.

Tu vois fur ce papier que mes lettres tracées, Sont prefque au même instant par mes pleurs effacées;

Je ne fais même encor tandis que je t'écris,
Si je dois m'expofer à de nouveaux mépris:
Soudain je m'en repens. Je ceffe, je balance,
Je déchire ma Lettre & je la recommence;
L'Amour me fait changer mille fois de deffein.
Lui feul foûtient mon coeur. Lui feul conduit
ma main.

Je vois ce que je fais, que mes vœux font ftériles,

Que pour te rappeller mes foins font inutiles, Je ne me flatte pas; Mais mon penchant pour

toi

Jufqu'au dernier foupir triomphera de moi.

Verras-tu fans pitié ma vie infortunée Aux horreurs du trépas fans ceffe abandonée? L'efpoir me faifoit vivre. Et tu me l'as ôté. C'est l'Arrêt de ma mort que ta bouche a dicté. Si ton cœur fe contente aujourd'hui de me plaindre,

Peut-être auras tu lieu dès demain de me craindre :

Qui, fi-tôt que la Parque aura fini mes jours,
Cruel! je veux des tiens empoifonner le cours,
Ardente à te poursuivre ainfi qu'une Furie,
Je te reprocherai ma mort, ta barbarie.
Les reproches pour nous font un foulagement.
En ai-je jufqu'ici trouvé d'autre en t'aimant !
Mais alors pleins de fiel, d'amertume, de rage,
Ils troubleront ton cœur, effrairont ton cou-
rage.

Mon Ombre à tous momens marchera fur tes

pas,

Tu voudras l'éviter: tu ne le pourras pas.
Je ferai ton Boureau.Tu le feras toi-même.
Tes fraïeurs, tes remords, ton defefpoir ex
trême,

Ton coeur me vengera du trépas que j'attens.
Tu me regretteras. Il n'en fera plus tems.
Quel triomphe pour moi! Tes pleurs feront

ma joie :

Je rirai des tourmens dont tu feras la proïe. Enfin je veux, Cruel, que pour te mieux punir, Tu fouhaites la mort fans pouvoir l'obtenir..

鮮茶

P

LA MES ME.

ELEGI E III.

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RETE à voir dePluton le ténébreux Empire, Je n'aurois jamais cru que je pûffe t'écrire, Cher Amant. Toutes fois je le fais malgré moi, Peut-être même encor le fais-je malgré toi, Mais quels que foient les maux où mon ame eft plongée,

Ne crains plus les tranfports d'une ardeur ou tragée:

Le trifte abattement de mes fens, de mon cœur
Ne me permettra plus une vaine fureur.
Je ne demande pas qu'un refte de tendreffe
Des portes du Tombeau rapelle ta Maîtreffe:
Je vivois pour toi feul. Après t'avoir perdu
Je haïrois le jour que tu m'aurois rendu.
Avec tant de malheur j'ofe encor moins préten
dre

Que tu prennes le foin de recueillir ma Cendre:
Ce devoir que toute autre auroit droit d'exiger,
Me femble une faveur où je n'ofe fonger.
Pour tout prix d'un amour qui me coûte la

vie,

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