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connoître, ni s'intereffer en fa faveur.LesGrands ordinairement font plus portez à faire du bien à des étrangers qu'à leurs proches, ce qui fe fait par devoir perd, ce femble, le nom faftueux de liberalité: De plus on met les bornes que l'on veut au bien qu'on répand fur des inconnus, mais à l'égard des parens on n'en doit mettre d'autre que le défaut de pouvoir. Par ces motifs vains ou intereffez, George fut defavoüé des fiens, & pour lors il fentit tout le poids de fes difgraces.

Son pere informe du mauvais fuccès de fon voyage, le recommanda à un Seigneur dont il avoit lieu d'attendre de la faveur; ce fut au Prince Jean Corvin, fils de ce fameux Mathias, qui par fon courage & par fes vertus avoit acquis les Couronnes de Hongrie & de Bohëme.

Ce Seigneur l'envoya dans fon château d'Uniad en Tranfilvanie, mais il y fut fi fort oublié que jamais homme n'a passé fi malheureusement le temps de fa Jeuneffe, comme lui-même l'avoüoit ingénuëment. Après la 1502. mort de Jean Corvin il revint à Bude, incertain de fa deftinée; agité de mille reflexions differentes, il fe promenoit à grands pas dans la place du Palais,lorfqu'un Officier de la maison Roya le vint à paffer, qui ayant remarqué la phifionomie & l'action de ce jeune homme, qui avoient quelque chofe de grand & d'in quiet, il l'aborda & lui deman→ da qui il étoit, & où il alloit. C'est une confolation aux malheureux de raconter leurs difgraces: George fit recit avec feu de tout ce qui lui étoit arrivé depuis qu'il étoit forti de la maifon de fon pere, & de la trifte

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fituation où il fe trouvoit : cet Officier obligeant fut touché de fes difgraces, il le confola de fon mieux; l'exhorta à ne point perdre courage, mais de ne devoir qu'à lui-même ce qu'il ne pouvoit demander fans honte ni recevoir fans confufion. George remit abfolument fon fort entre les mains de cet Officier, qui quelques jours après le fit entrer au fervice de la veuve du Palatin Etienne Zabol Comte de Sepufe, mere de Jean, qui dans la fuite fut élû Roy du Hongrie. Là, felon quelques Hiftoriens, il n'eut point d'autre emploi que d'entretenir de bois les poëles qui échauffoient les apartemens.

Qui auroit penfé qu'un homme ainfi defavoué de fes plus proches, fans protection, fans reffources, réduit à des fervices bas, feroit un jour le premier Miniftre du Royaume, le foû

tien de la Couronne, le Tuteur de fon Roy, le Protecteur de fa patrie & l'apui de l'Eglife. C'eft cependant ce que nous verrons. Mais fi ces évenemens font furprenans, les routes par lefquelles la providence l'éleva à tant de gloire, ne le paroîtront pas moins. La neceffité, qui n'a point de loi, qui avoit réduit George à une condition fi méprifable, n'avoit pas abatu la grandeur de fon courage. Il ne fe paffoit de moment qu'il ne réfléchît fur la baffeffe de fon état; enfin, après une ferieufe attention, il comprit que le ciel ne le def. tinoit point pour le monde, & ce qui le détermina à y renoncer abfolument, fut la trifte nouvelle de la mort de fon pere, refté fur la place dans un combat contre les Infidéles, après avoir rempli tous les devoirs d'un grand homme de guerre ; cette

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mort quoique glorieuse, toucha vivement.Quelque temps après il aprit encore celle de fon frere aîné, que non seulement il aimoit tendrement, mais qu'il eftimoit pour fon grand mérite. Il avoit toûjours porté les armes, & par fes grandes actions, il s'étoit acquis le nom de très-vaillant *. Commandant un secours pour faire lever le fiege que les Turcs avoient mis devant la fortereffe de Milliare il voulut les forcer, & il reçût un coup d'arquebufe à la tête dont il fut renverfé mort fur le champ. Tous ces motifs porterent George à fervir un Maître plus puiffant & plus jufte que tous les Rois de la terre; qui ne regardoit que le cœur & ne demandoit qu'une bonne volonté; auprès duquel les derniers ferviteurs pouvoient devenir les * Viri fortiffimi fponde.

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