d'Etat, & traîtres à leur patrie. Enfin Rocandolph defefperant de prendre la place, ni par force, ni par artifice, fe reduifit à la tenir bloquée, pour la reduire par la faim. Cette réfolution fut encore favorable aux affiegez: comme ils ne manquoient ni de vivres ni de munitions ils eurent le temps d'attendre le secours de Soliman pour faire lever le fiege. Le grand Chancelier &. l'Evêque de Cinq-Eglifes, étoient depuis quelques mois arrivez à Conftantinople 5 ils y avoient été reçûs comme alliez & bons amis; mais comme Soliman'étoit en Afie contre le Sophi de Perfe, ils furent obligez d'attendre fa réponse fur le fujet de leur Ambaffade. Enfin Soliman leur fit fçavoir, qu'il prenoit le jeune Roy, & le « Royaume fous fa protection &qu'en attendant qu'il pût les » fecourir en perfonne, il don"noit fes ordres pour faire avan» cer des troupes fuffifantes faire lever le fiege de Bude. " pour Ferdinand auffi peu heureux dans le choix de fes Agens, que de fes Generaux, eut un fuccez bien different dans fon Ambassade. Lafki arrivé à Conftantinople ouvrit au Divan le fujet de fa négociation, toute contraire à celle qu'il avoit fi heureusement ménagée en faveur du Roy Jean; quelque foin qu'il eut pris de fe rendre ce Confeil favorable par fes foûmiffions & par fes riches prefens, il en fut écouté avec indignation, & fans égard à fon. caractere, il fut mis en arrêt, & enfuite par ordre de Soliman, mis aux fers & enfermé dans le château des fept Tours où il finit malheureufement fa vie. C'est ainsi qu'une justice secrette, mais infaillible, permet que tôt ou tard les traîtres & les. ingrats portent dès cette vie la peine de leur perfidie. En ce même temps, felon les ordres de Soliman, le Vifir Mahomet fe mit à la tête des troupes d'Europe, & y joignit celles du Bacha de Bellegrade, qui fe nommoit auffi Mahomet, & marcha fans retardement au fecours de Bude. D'un autre côté, Soliman informé qu'Etienne Maillat, un des Seigneurs de Tran-filvanie, s'étoit emparé, au nom de Ferdinand, de plufieurs places de cette Province, il ordonna à Mustafa Bacha de marcher pour les recouvrer, & de fe faifir de la perfonne de Maillat ; en même temps il commanda à Pierre Vaivode de Moldavie, de feconder le Bacha de toutes fes forces, ce qu'il fit avec tant d'ardeur, qu'en peu de jours, il mit trente mille hommes fur pied. pour cette expedition. Rocandolph informé de l'approche de l'armée des Turcs, zefferra la fienne & se fortifra fur le mont faint Gerard, où il fit placer toute fon artillerie du côté qu'il jugeoit que les Turcs devoient l'attaquer. Ses meilleurs Officiers lui confeilloient de lever le fiege, & de repaffer le Danube tandis qu'il étoit le maître du pont; mais il répondit qu'il ne devoit point faire cette démarche fans les ordres de Ferdinand; qu'ayant une puiffante armée, & étant le maître du deffus du cours du Danube, il pouvoit faire une glorieufe refiftanсе & qu'il feroit toûjours à temps pour faire fa retraite en fûreté; mais ce General fit une faute effentielle; il négligea de fortifier l'ifle de Chep, oùil auroit pû mettre une baterie, qur nafant la plaine par où les Turcs devoient paffer pour aller l'ataquer, il les auroit fort incommodez. Le Vifir vint reconnoî-tre fon camp, & pofa le fien à un quart de lieue dans la plaine; le Bacha de Bude eut ordre d'occuper le hauteur derriere le mont faint Gerard; enfuite ces deux Generaux envoyerent compli menter la Reine & le Regent & leur firent conduire un gros troupeau de Bœufs & de moutons; ils en reçûrent des remerciment accompagnez de riches préfens. Le Vifir ayant bien obfervé toutes chofes, reconnut l'importance de l'ifle de Chep, il la fit attaquer par Caffon Baffa, qui commandoit fa flote; elle étoit défendue par fept cens Allemans, qui n'étoient point même retranchez, ils furent facilement forcez & pafferent tous au fil de l'épée. Les Turcs ne manquerent pas de fortifier ce |