afin de ne donner aucun ombrage aux Turcs de fon escorte, qui pourtant, par refpect pour fa perfonne & celle du Roy, campoient toujours loin de fa tente, faifant une garde fort exacte : la pefte même attaqua fon équipage; enfin elle arriva à Lipe, forte place duComté de Temefvard, à l'entrée de la Tranfilvanie. Mais loin de trouver le repos qu'elle promettre elle tomba dans de nouvelles inquiétudes dont elle n'auroit pû fe délivrer fans le crédit & l'habileté du Régent. Mais avant que d'entrer dans ce détail, nous devons donner une idée de la Tranfilvanie, qui va être le champ des évenemens les plus remarquables de cette Hiftoire. devoit fe Cette Province, qu'on peut justement qualifier de Royaume, a la Moldavie au Levant, la Hongrie au Couchant, la Valaquie au Midi, & au Septentrion la Pologne ; fa plaine dans fa longueur, comme dans fa largeur, a quatre grandes journées de chemin; elle eft environnée de montagnes, couvertes de hautes forêts, remplies de cerfs, de dains, de Buffles, de chevaux fauvages & d'autres bêtes fauves. Ces montagnes renferment des mines abondantes en or, en argent & autres métaux, fur tout de fel, qui font d'un rèvenu immense, en fourniffant les Royaumes voisins. Elle eft arroféé par de belles rivieres qui portent batteau, entr'autres le Merisk qui la traverse par le milieu, couduifant fon cours du Midi au Septentrion: la riviere d'Alaur arofe la partie qui eft au Levant, le Saio & le Kérez, celle qui est au Couchant. Ces rivieres, groffies par un grand nombre de moindres, vont fe jetter dans le Danube du côté de la haute Hongrie outre qu'il n'y en a point de plus poiffonneufes, elles entraînent avec leurs fables une grande quantité de grains d'or pur, dont on en trouve *felon de bons Hiftoriens, de pcfans jufqu'à demi livre. Cette Province eft habitée par trois peuples differens; par les Saxons, qui après plufieurs victoires remportées fur eux, par Charlemagne, forcez de quitter leur païs vinrent s'établir dans cette contrée & en chafferent les habitans naturels, qui fe retirérent dans les montagnes où ils s'établirent & les habitent encore aujourd'hui on les appelle Sekels ou Sicules. Dans une autre partie font ceux de Raënftat, autrefois fortis de Trace pour habiter cette riche & délicieufe contrée. La Province eft * Bontinius. Í iiij divifée en quinze Comtez, outre les terres poffedées par les Saxons & les Sekels en toute franchife. H. n'eft point de païs au monde fi abondant en toutes fortes de biens, il n'en eft point auffi de plus peuplé, & où l'on ait bâti de plus grandes & belles villes ; au cœur du païs eft Albe-Julie, Veiffembourg, & Altemberg, qui en font les Capitales; du côté de la Hongrie font Biftria ou Nofen, Vafforel, Samos, Wivard, Colofward, ou Claufembourg, Uniad, Offembourg, & plufieurs autres. Du côté de la Valaquie & de la Moldavie, font Millembac, Agnetzin, Segesbourg, ou Segefward, Hermenftat Cronftat, Newmark, &c. D'où on peut juger des richeffes & de la force de cette Province, que la nature a renfermée dans une enceinte de montagnes prefque inacceffibles, n'ayant laiffe pour y entrer que quelques détroits faciles à fermer & à défendre. La Reine étant donc arrivée à Lipe, envoya donner avis aux Tranfilvains, pour se préparer à la recevoir avec le Roy fon fils, avec les honneurs que des fujets doivent à leurs Souverains. Mais les Etats s'étant assemblez pour déliberer fur cette entrée, il y fut réfolu de la refufer abfolument, crainte qu'il n'en arrivât à leur égard, comme à Bude, dont les Turcs, que cette Princeffe avoit appellez à fon fecours, s'étoient emparez & l'en avoient chaffee. Ils apprehendoient que dans fes défiances & fes chagrins, elle n'eût encore recours à Soliman, dont la politique ne tendoit qu'à trouver des pretextes fpecieux de juftice ou de tection , pour s'emparer des païs voifins de fes Etats. Cette déli pro |