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phée (1), perfonnage historique, qui semble avoir été inconnu aux plus anciens Écrivains, Héfiode, Homere & Hérodote. Comment d'ailleurs pouvoit-il être l'Instituteur des mysteres, puifque leur origine eft antérieure de plufieurs générations à l'expédition des Argonautes, où ce héros eft fuppofé avoir affifté? Du moins le regarde-t-on conftamment comme ayant été contemporain de ces premiers navigateurs de l'Europe.

Si l'âge d'Orphée n'a pas précédé le voya ge de Colchos, Mufée, Mufée, que Platon & Diodore de Sicile appellent fon fils (2), qu'Eufebe le Syncelle (3) & la plupart des anciens Écrivains (4) croient fon disciple, & auquel, fuivant une tradition, ce Poëte adreffa plufieurs de fes Pòéfies, entr'autres fa prétendue Palinodie; Mufée, dis-je, pourroit donc être l'Inftituteur de ces mysteres, comme quelques-uns l'ont penfé. Ces lettres orzaior, qu'on voit à la vingt-huitieme ligne des marbres de Paros, défignent d'une maniere trop claire le nom de Mu

(1) Vid. Cicer. de Nat. Deor. L. I, §. 38.

(2) Diod. L. IV, §. 25, Fabric. Bibl. Græc. L. I, C.

XVI.

(3) Eufeb. Chron. p. 88. Syncel. ibid. p. 156.

(4) Vid. Serv. ad Æn. L. VI, v. 667.

fée, pour foupçonner que l'Auteur de la Chronique n'en ait point fait mention à ce même endroit, où il parle de l'établiffement des mysteres. Il peut avoir fuivi l'opinion d'Androtion & d'Acéfodore, qui en faifoient defcendre l'Inftituteur & le premier Hierophante, Eumolpe, de Musée; celui-ci d'Antipheme, qui eut pour pere Céryx, fils de l'ancien Eumolpe (1), lequel aura précédé de cinq générations le regne d'Érechtée.

Philochore fait Mufée fils d'Eumolpe (2); opinion qui fembloit être confirmée par l'épitaphe même du tombeau de Musée, rapportée par Paufanias (3) & par le Scholiafte d'Ariftophane (4). Ifter donne au contraire Triptoleme pour pere à Eumolpe (5). Enfin nous trouvons une troifieme généalogie de Musée, dans le Lexique de Suidas, qui le fait fils d'Antipheme, lequel ne defcendoit point, felon cet Auteur, de l'ancien Eumolpe (6). On peut éviter toutes ces contradictions, en admettant deux Musée :

(1) Ap. Schol. Soph. Edip. Col. v. 1046. (2) Ap. Schol. Ariftoph. Ran. v. 1065.

(3) Attic. C. XXV.

(4) Loc. fupr. cit.

(5) Ap. Schol. Soph. L. C.

(6) Suid. in vOC.

le plus ancien fils d'Antipheme, fut l'Auteur du Poëme fur Cérès & Proferpine; & le fecond, fuppofé difciple d'Orphée, compofa pour les Lycomedes, un hymne en l'honneur de Cérès (1); ce qui aura donné lieu de le confondre avec le premier pere de l'Hierophante Eumolpe. Čelui-ci étoit, felon quelques uns, de la Thrace Boeotique, & non de celle qui étoit située au-delà du Strymon, la feule connue de la plupart des Géographes, mais que Strabon diftingue avec raifon de la premiere (2).

On prétend qu'Eumolpe amena de la Thrace du fecours aux Éleufiniens; tradition qui a fait croire qu'il étoit de cette contrée de la Grece, où il trouva les myfteres des Cabires établis. Il en apprit les cérémonies, & les tranfporta à Eleufis, vers l'époque de l'introduction du Culte de Cérès, auquel elles furent adaptées, autant par le concours des circonftances, qu'à caufe de l'identité des Divinités Cabiriques avec Cérès, Proferpine & Pluton, nouveaux Dieux de l'Attique.

(1) Paufan. Attic. C. XXII.

(2) L. X, p. 324.

L

ARTICLE II.

D'Éleufis & de fon Temple.

E petit Royaume d'Eumolpe paroît ne s'être pas étendu au-delà des limites d'un territoire très-refferré, n'ayant qu'environ une lieue en longueur & en largeur. La fameufe plaine de Rharia, où le premier grain fut femé, en formoit la plus grande partie, que partageoit une longue colline, à l'extrêmité de laquelle s'élevoit la ville d'Éleufis, à quatre lieues d'Athenes, & à dix-fept cents cinquante pas géométriques de la mer. Quelques Ecrivains en font remonter la fondation au temps d'Ogygès (1); d'autres l'attribuoient au héros Eleufis, fils de Daïre, qui defcendoit de l'Océan & de Mercure, ou de ce même Ogygès. Quelques-uns affuroient que cette ville avoit pris fon nom de l'arrivée de Cérès dans cette contrée (2). Paufanias obferve très-bien que les Éleufiniens, loin de rapporter des faits certains fur leur ori

(1) Eufeb. Chron. L. II, p. 66, Vid. Not. Scalig. p. 20. (2) Ariftid. Eleufin. T. I, oper. p. 257, Etymol. magn.

in voc.

gine, ne débitoient que des fables & de fauffes généalogies (1). Ce peuple fut néanmoins auffi diftingué par fa fageffe, que par fon antiquité (2). "Soumis par Erechtée, il ne fit plus qu'une même nation avec les Athéniens, auxquels il ne furvécut pas, Éleufis ayant prefque ceffé d'exifter (3) dès que fon temple, confacré à Cérès & à Proferpine, eût été détruit.

Ce fameux temple étoit regardé comme un des principaux ornements de la Grece. Eufebe en rapporte la fondation fous le regne de Pandion II, & Tatien, avec moins de vraisemblance, au temps de Lyncée (4), c'est-à-dire, cent vingt-deux ans plutôt; époque où le Culte de Cérès n'étoit point encore établi dans l'Attique. Il exiftoit avant le retour des Héraclides, fi nous pouvons ajouter foi au récit du Rhéteur Ariftide qui affure qu'après cet événement, les Doriens ruinerent de fond en comble cet antique édifice. Il étoit placé dans la cita

(1) Attic. C. Xxxviii.

(2) Origen. contr. Celf. p. 13.

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(3) Le lieu que cette Ville occupoit, infesté en 1676 par les Pirates, n'offre plus aujourd'hui, fuivant M. Chandler, qu'un méchant Village fitué fur la pointe d'un rocher, & habité par quelques familles Albanoifes qui cultivent la plaine.

(4) Orat. contr. Græc. ed. Benedictin. p. 291.

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